JUMELAGE. Othniel Sery Gauze, un Ivoirien de 25 ans, a passé huit ans dans un camp de réfugiés au Togo avant d’arriver à Drummondville en février dernier.
«Vivre dans un camp de réfugiés, c’est inimaginable», finit-il par admettre au bout d’une conversation avec le journal dans un local du RID. «Vivre avec des gens qui viennent de différentes régions, c’est très difficile. Il y a souvent des querelles. Vous êtes étrangers sur une terre de quelqu’un d’autre», dit-il, tenant à préciser, en baissant la tête, qu’il n’aime pas en parler. Yvonne Kohler, du Regroupement interculturel Drummond (RID), qui assiste à notre entretien, reconnaît qu’il est rare d’entendre des immigrants raconter ce genre de récit.
Aujourd’hui, Othniel Sery Gauze travaille de nuit à l’entretien pour SH Industrie, un sous-traitant de la Ferme des Voltigeurs.
Le 26 février 2019, lui, son grand frère Yada Juniassa, sa sœur Prisca Desirée et ses deux enfants, de même qu’une tante et des cousines, sont débarqués à Dorval avec leur statut de réfugié, après une acceptation d’Immigration Canada.
«En arrivant ici, j’ai demandé à aller à l’école. J’y suis allé. Mais, même si je profitais ainsi de l’aide sociale, j’ai réalisé qu’il était préférable pour moi d’aller travailler. Mon but est de préparer la venue ici de mon fils de cinq ans, qui est resté avec sa mère, et de prévoir les dépenses pour sa scolarité et l’habillement. Ma conjointe, de son côté, est en processus pour aller aux États-Unis. Elle a toutefois accepté que mon fils vienne me rejoindre au Canada. Elle a un deuxième enfant dont je ne suis pas le père. On m’a expliqué qu’il y avait une fenêtre d’un an pour que j’obtienne l’autorisation d’avoir mon fils avec moi. Actuellement, il faut compléter cette demande et des documents sont manquants. Heureusement, le RID m’aide beaucoup dans ce processus», souligne-t-il dans un très bon français.
C’est en 2011, au cœur d’une crise postélectorale (qui avait fait 3000 morts) en Côte d’Ivoire, que la famille Gauze décide de quitter l’ancienne colonie française, devenue indépendante en 1960, en raison du danger pour sa sécurité, d’autant plus qu’elle habite près d’une base maritime. Ils vont au Ghana et, après un an dans un camp de réfugiés, se dirigent vers le Togo, là aussi pour vivre dans un camp de réfugiés, à Lomé. Durant huit ans. Là, des représentants canadiens du HCR (Haut Commissariat pour les réfugiés) les ont questionnés afin de savoir pourquoi ils avaient quitté leur pays d’origine. Les réponses ont été convaincantes, car elles ont mené à une décision favorable de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. Ses parents ont opté pour la France.
Un jumelage avec Maria
Othniel Sery Gauze vit en appartement avec son frère de 27 ans.
Bien que timide et souvent solitaire, il a accepté la proposition du RID d’un jumelage, ce qui sera réalisé avec Maria Alejandra Lopez, qui est arrivée de la Colombie il y a 20 ans. «Je sais très bien que ce n’est pas facile d’apprendre à vivre dans un autre pays. Nous, en Colombie, dans une grande maison près de Cali, nous vivions avec mes grands-parents, des oncles et des tantes. Ici, c’est tellement différent. Juste le climat, c’est une grosse adaptation. Je me suis dit que si je pouvais aider…»
Le RID ne prend pas le jumelage à la légère. Maria a eu à répondre à un questionnaire pour connaître son profil, ses intérêts et ses disponibilités. Le but est de savoir quel profil correspond le mieux au sien. Entre autres, elle était intéressée à une personne sans enfant. «Je suis infirmière clinicienne à l’Hôpital Sainte-Croix. Dans mes temps libres, j’aime bouger», donne-t-elle à entendre.
Othniel et Maria ont eu une première rencontre. Ils sont allés courir à la promenade Rivia. Elle voulait une sortie sportive. Elle l’a eue! Elle s’est rendu compte que le nouveau Drummondvillois était assez athlète. «J’aime courir et j’ai vu qu’elle était à bout de souffle à la fin», de raconter en souriant celui qui joue au soccer avec l’équipe des Dragons. Depuis, ils ne se voient pas souvent, mais ils s’envoient des textos presque tous les jours. Voilà ce qu’on peut appeler le jumelage 2.0.