ÉDUCATION. Mardi soir, le président de la Commission scolaire des Chênes (CSDC), Jean-François Houle, a remis sa démission aux membres du conseil des commissaires alors qu’ils étaient réunis en atelier de travail.
Jusqu’à nouvel ordre, Lyne Bélanger, vice-présidente, continuera d’agir en lieu et place de M. Houle. Le conseil verra sous peu à statuer sur la suite des choses à la présidence. La démission de Jean-François Houle prendra effet le mardi 17 décembre.
Il a écrit une poignante lettre qu’il a fait parvenir à ses pairs, ce dernier étant hospitalisé depuis quelques semaines déjà.
L’Express a choisi de la reproduire dans son intégralité.
Chers collègues,
C’est, à la fois, avec sérénité et déchirement que je vous présente ma démission à titre de président de la Commission scolaire des Chênes.
Cette démission prendra officiellement effet le 17 décembre prochain, dans le cadre de l’assemblée publique du conseil.
J’écris « sérénité » parce que ma décision est en quelque sorte dictée par la vie qui commande que je doive maintenant orienter toutes mes énergies pour combattre une leucémie pas commode. Même si je compte bien en survivre, je devrai, pendant plusieurs mois, m’accorder beaucoup de repos et libérer mon esprit du plus grand nombre de préoccupations possible et de sources de stress et d’adversité. J’accepte cette perte de contrôle et j’accueille ce lâcher prise.
La fonction de président, telle que je l’ai abordée, suppose un engagement de tous les instants afin d’honorer les responsabilités qui incombent à son titulaire. Je l’ai souvent rappelé : voir à la bonne marche de la commission scolaire et d’en être le porte-parole. Se retrouver légalement imputable auprès de la population de la réussite d’environ 14 000 élèves jeunes et adultes amène son lot de préoccupations. Et de frustrations aussi.
L’éparpillement des pouvoirs en éducation publique fait en sorte que même si vous croyez avoir la solution à une problématique, il arrive souvent que, tantôt les règles budgétaires, tantôt le principe de la subsidiarité vous place partiellement ou totalement dans l’impossibilité d’agir, si ce n’est que de tenter d’exercer un leadership ou une influence.
J’écris également « déchirement », parce qu’indépendamment de l’ordonnance que m’impose la vie, j’ai tout de même l’impression de laisser en plan de valeureux collègues et une mission inachevée. Le mot « abandon » vient d’être ajouté à mon dictionnaire, à mon corps défendant.
C’est quelque part en avril 1997 que Mme Diane Drouin me sollicitait pour lui succéder à titre de commissaire de la circonscription de Saint-Charles. J’étais loin de me douter que 22 ans plus tard, la commission scolaire ferait encore partie de ma vie.
Diane Drouin avait vu en moi, le féru de chose publique et d’engagement citoyen, ce que j’ai toujours été.
Je laisse aux autres le soin de déterminer si une page de l’histoire de la commission scolaire s’achève ainsi, mais sur le plan personnel, je peux affirmer que c’est la dernière page d’un tome complet de ma vie que je tourne.
Cette organisation et ses gens, je les ai critiqués de l’intérieur, les ai défendus à l’extérieur, mais je les ai d’abord et avant tout profondément aimés.
En tant que président, en marge des responsabilités et pouvoirs que la loi m’a conférés, mes actions ont essentiellement visé ces cibles : la participation, le rapprochement du citoyen de la chose scolaire publique et le rapprochement de la commission scolaire de ses élèves. Cela s’est traduit par toutes sortes d’initiatives souvent heureuses, parfois moins.
Je tiens d’abord à remercier Lyne Bélanger qui a pris la relève à brûle-pourpoint. Je la sais tellement engagée.
Je dois respect et reconnaissance à tant de personnes avec qui j’ai œuvré au cours de ces plus de 22 années.
Non seulement ces personnes auront contribué à donner vie à certaines de mes initiatives, mais elles auront surtout façonné ma pensée et mes actions en politique scolaire.
La liste est longue.
Sans en faire une hiérarchie, je commence par vous mes chers collègues du conseil. Nous avons eu de nombreux échanges au cours des cinq dernières années. J’ai apprécié la volonté de chacun de vous d’apporter une contribution sincère et pertinente à nos débats.
Il est tout à fait regrettable que le ministre de l’Éducation soit aussi ignorant de votre contribution à la réussite éducative. Vous ne méritez aucunement son regard méprisant et encore moins celui de notre Premier Ministre.
Je pense aussi à mes prédécesseurs : Monique P. Laberge, Alain Meloche, Jeanne-Mance Paul qui m’ont tous trois confié différentes missions. Certaines me reviennent en mémoire dont la présidence de comités de sélection de directions générales, les rapprochements avec le palier politique de la Ville de Drummondville et l’acceptabilité sociale de l’implantation de ce qui est devenu l’école du Sentier et la planification de l’extraordinaire concertation municipale et scolaire qui s’est développée autour de ce projet.
Je songe à d’anciens collègues dont Isabelle Marquis. Je nomme Bernard Nault qui m’a fait comprendre la réalité rurale qui m’échappait. Je n’oublie pas Gilles Cloutier et combien d’autres. Loin de moi l’idée de jeter dans l’oubli les dizaines de commissaires avec qui j’ai siégé dans les trois mandats précédents; ils excuseront peut-être mes blancs de mémoire.
Je salue les directeurs généraux avec qui j’ai œuvré.
Sans vouloir passer sous silence le règne de Mme Monique Bertrand Deslauriers, j’ai principalement travaillé et appris avec les directeurs généraux Yvan Aubé, Christiane Desbiens, France Lefebvre et naturellement Lucien Maltais qui, malgré une des particules de son nom, n’a rien d’un junior. Chacune et chacun ont accueilli mes idées avec grand respect et humilité tout en m’expliquant que d’autres n’étaient tout simplement pas jouables.
Je ne peux taire la contribution de Mme Carmen Lemire qui m’a patiemment expliqué les nombreuses modifications survenues aux règles budgétaires du gouvernement avec les années et m’a fait prendre conscience de leurs impacts à notre niveau, ce qui a inspiré bon nombre de mes sorties publiques.
Toute ma reconnaissance aux médias locaux et régionaux qui n’ont pas été avares de leurs espaces qui ont subi des contractions au cours des années et dont l’intérêt pour la mission éducative a cru avec le temps.
Mes remerciements à nos députés et élus municipaux qui se sont succédés avec les années et sur qui nous avons pu compter dans plusieurs dossiers.
Mes hommages également à mes collègues présidentes et présidents des commissions scolaires membres de la Fédération. Mes nombreuses rencontres et discussions avec celles et ceux-ci m’ont fait grandir et ont aussi inspiré tant de mes initiatives. Je songe finalement aux deux présidents de la Fédération des commissions scolaires du Québec (FCSQ) que j’ai servis : Josée Bouchard et Alain Fortier.
J’ai été honoré de la confiance témoignée par les missions que ces derniers m’ont confiées, même si je n’avais pas de fonctions électives au sein de l’organisme.
Pour l’avenir, le Projet de loi 40 m’inquiète et j’ai pu l’exprimer publiquement. Toutefois, quand on est un amoureux de l’éducation publique, il ne nous est pas permis d’espérer son échec. Avec les habiletés de notre directeur général, j’ai confiance que lui et son équipe pourront palier, chez-nous, à bien des égards, l’erreur législative qui est en train d’être commise.
Cette espèce de police d’assurance, c’est nous tous, membres du conseil qui l’avons choisie. Ce sera certainement l’un de nos héritages le plus précieux pour la réussite éducative et l’évolution de notre Plan d’engagement vers la réussite. Il nous est permis de nous en enorgueillir.
Voilà, le temps est venu de tourner la page tout simplement.
Veuillez recevoir, chers collègues, l’assurance de ma plus haute considération.
Le président,
(pour une dernière fois)