MAGAZINE. Imaginez un court instant ouvrir les portes de votre demeure à de purs étrangers. Des jeunes athlètes venant des quatre coins du pays. Des adolescents qui partageront votre quotidien pour les 10 ou 11 prochains mois. C’est ce que vivent Gisèle Denoncourt et Daniel Nadeau depuis maintenant 10 ans. Chaque année, le couple choisit d’ouvrir la porte de sa maison à des joueurs des Voltigeurs.
Si le mandat peut en effrayer certains, «Dan et Gigi» n’ont pas hésité longtemps avant de donner leur nom afin de devenir famille de pension des Rouges.
«On était déjà des amateurs de hockey. On allait aux matchs et on aimait ça. J’y pensais depuis un moment, mais on manquait de place. Le lendemain que nos enfants sont partis de la maison, on a donné notre nom et nous sommes devenus famille de pension», se souvient la mère de famille.
Chaque saison, le couple accueille 2 à 3 joueurs; 3 lors du camp d’entraînement et habituellement 2 pour la saison. La famille de pension est en grande demande, si bien qu’ils ont dû construire une chambre supplémentaire au sous-sol.
«On voulait mettre de la vie dans la maison. Aussi, j’ai joué au hockey longtemps et des adultes se sont occupés de moi à cette époque-là. C’est bien de pouvoir redonner à des jeunes. On leur a fait leur espace en bas, c’est chez eux», ajoute M. Nadeau.
Domenic Graham, Matthews Boudens, Giovanni Fiore, Michael Carcone, Nicolas Guay et Tristan Bérubé, pour ne nommer qu’eux, sont tous passés chez les Nadeau-Denoncourt. Au total, ce sont plus de 31 joueurs qu’ils ont hébergés dans les dix dernières années.
«C’est mis à part de leurs amis dans l’équipe qu’ils invitent souvent à souper. C’est le fun! Ils débarquent en groupe à la maison. On se fait des buffets. On fait plein de belles rencontres. Ce sont de beaux souvenirs», s’exclame Mme Denoncourt en feuilletant les albums photo étalés sur la table de la cuisine.
Le rôle d’une famille d’accueil est capital pour ces jeunes hockeyeurs qui se retrouvent souvent loin de leur famille, loin de leurs repères et loin de leurs amis. Et c’est un rôle que le couple prend bien au sérieux.
«Notre but, c’est d’essayer de recréer un milieu familial. Ce n’est pas juste de les loger et les nourrir. C’est comme un rôle de parents adoptifs. On veut les rendre confortables. On veut être là pour eux dans les bons et les moins bons moments, précise l’homme. On les écoute et on les aide comme on peut. Nous avons eu des enfants aussi alors on essaie d’être leur confident et de voir le positif. On fait de notre mieux, comme un parent.»
Moments de qualité
Bien que les joueurs aient des horaires bien chargés, chez «Dan et Gigi», il est important de se retrouver en famille et de cumuler les moments de qualité. Entre les matchs sur la route, les pratiques à l’aréna et l’école, ils trouvent important de se retrouver le soir pour manger tous ensemble.
«Ici, les soupers en famille sont sacrés. On a de belles discussions et on partage de beaux moments. Moi, ce que je souhaite, c’est qu’ils soient heureux ici. S’ils ne sont pas heureux à la maison, ça se reflète sur la glace. Et c’est le fun de voir le lien qui est resté avec eux», ajoute Mme Denoncourt.
Au fil des années, Daniel et Gisèle ont fait «leur renommée» dans le vestiaire des Voltigeurs. Bien que les règles soient strictes, les jeunes se «bousculent» pour habiter chez eux.
«On est considéré comme une pension assez sévère. Quand les gars arrivent, on se fait un petit meeting et on met les règles au clair. On leur donne aussi des tâches à faire, mais tout le monde veut quand même venir ici», raconte la dame.
«Les gars se parlent d’une saison à l’autre. Certains se mettent à genoux devant elle pour pouvoir rester ici. Malgré les règles, je pense que les gars aiment ça venir ici», précise M. Nadeau en se remémorant plusieurs anecdotes au passage.
«Comme nos enfants»
Un peu partout dans la maison, plusieurs photos sont exposées, donnant l’impression qu’une très grande famille élargie y vit. Les chandails de hockey, les souvenirs accrochés, les trophées… on peut dire que chez «Dan et Gigi», la maison est «Voltis à vie».
«Ce sont comme nos enfants. On devient partisan. Pour moi, que ce soit la superstar qui joue sur le premier trio ou le joueur qui joue moins souvent, ça n’a pas d’importance. J’ai le chandail de presque chaque joueur qui est passé ici», exprime celle qui a mérité, lors de la saison 2012-2013, le trophée Doris Perreault, remis au partisan de l’année. «C’est encore plus le fun d’aller voir les games quand tu les connais personnellement. Certains jouent les tough sur la glace, mais ce sont des petits chatons à la maison.»
Malgré les défis ou l’organisation que cela peut demander, Daniel et Gisèle recommanderaient à tout le monde de devenir famille de pension. Selon eux, l’expérience humaine et les amitiés créées valent bien plus que les inconvénients.
«Oui, ça demande du temps. Oui, ça coûte des sous, mais c’est tellement enrichissant. Ça nous fait vieillir moins vite. Ce sont des jeunes. Ils sont allumés, ils sont gentils. Ils ont tellement d’idées.»
Même si la majorité des joueurs ne font souvent que passer, les deux Drummondvillois ont pu tisser des liens privilégiés qui traversent les années.
«Lui (Matthew Boudens), ça fait 5 ans qu’il est parti d’ici, mais il est venu nous voir la semaine passée, a fait savoir Daniel en pointant sa photo. Les liens restent vraiment. Avec Facebook, de nos jours, c’est facile de garder contact. On se texte souvent. On suit leur carrière. On a au moins quatre ou cinq joueurs qui ont encore leur clé de la maison même après plusieurs années. S’ils sont mal pris, ils savent qu’ils sont les bienvenus», ajoute-t-il, les étoiles dans les yeux.
Lors d’un récent passage en Californie, Daniel et Gisèle ont aussi pu en profiter pour aller rendre visite à leur ancien pensionnaire, Giovanni Fiore, qui évoluait alors avec les Gulls de San Diego dans la Ligue américaine.
«C’est spécial! Quand Gio est arrivé ici, c’était un petit gars, tout maigre, tout gêné. Aujourd’hui, c’est un homme. Ça fait drôle! Il nous invite au restaurant et insiste pour payer. C’est beau de les voir évoluer. Le hockey c’est une belle école de la vie pour eux», observe Mme Denoncourt avec émotions.
Le mur des célébrités
Dans la maison, un coin du sous-sol retient particulièrement l’attention. Un mur devenu presque célèbre dans le vestiaire des Rouges et qui fait bien des jaloux. Au centre, un immense logo des Voltigeurs; autour, des dizaines et des dizaines de photos de joueurs.
«Les joueurs l’ont surnommé le Wall of fame, exprime Gisèle Denoncourt. On accroche les photos des gars qui passent ici, mais là on commence à manquer de murs, ajoute-t-elle en riant. C’est presque devenu une rivalité entre les joueurs.»
Certains envieux sont même prêts à les supplier pour pouvoir avoir leur photo sur le mur, et ce, même s’ils n’ont jamais été hébergés chez eux. Le couple a accepté certaines exceptions, comme pour Nathan Hudgin qui venait souvent souper à la maison.
«Quand j’ai finalement accepté d’accrocher sa photo, il a crié : « I made it! I made the Wall of fame! »», rigole M. Nadeau.
C’est lors du prochain camp d’entraînement des Voltigeurs que le couple saura quels joueurs seront hébergés chez eux pour la prochaine saison et qui aura la chance de faire son entrée… sur leur mur des célébrités.