COMMENTAIRE. Le journalisme régional sous respirateur, Capitales Médias sous la protection de ses créanciers, PKP qui traite les autres quotidiens de «quêteux», le modèle uniquement numérique de La Presse aux apparences déficitaire et parade de tous les intervenants en commission parlementaire réclamant de l’aide. Je vous l’accorde, on dirait que ça va mal partout. Les plus en difficulté sont ceux qui doivent jongler avec l’information gratuite sur le web (ils se compétitionnent eux-mêmes en plus) et vendre des copies papier.
Bref, tout le monde en apparence est dans le même bateau. Donc, cette question est légitime : «Comment ça va au journal L’Express?» Ça va bien!
Pourquoi? Le journal L’Express est comme un village gaulois, dans une jungle médiatique remplie de consortiums et de groupes de presse. À Drummondville, notre modèle est unique. Je compte sur l’appui de trois actionnaires locaux, des annonceurs fidèles et surtout des lecteurs assidus autant pour l’édition papier que sur le web. Nous faisons pratiquement tout de A à Z. Contrairement aux quotidiens, nul besoin de faire de nouvelles nationales déjà consommées et de gérer la distribution mixte payante. Nous nous dédions à parler de notre communauté parce que nous la connaissons bien et parce que nous sommes agiles à couvrir ses événements. Nous nous adaptons aux réalités changeantes de nos annonceurs.
La décision de mettre fin à l’édition week-end a été difficile à prendre, mais elle était la bonne. La création de L’Express Magazine (mensuel) maintes fois complimenté par vous (et on vous remercie de le faire) n’est plus un pari, mais un gage de succès. Donc, au lieu de nous fier qu’à un moteur de revenus, nous avons revu notre offre de produits pour vendre la publicité : au quotidien (web), hebdomadairement (journal) et mensuellement (magazine). La roue est fort simple à comprendre. Plus de revenus, plus de contenus. Plus de contenus, plus de lecteurs, plus de revenus.
Si d’un côté, les grands annonceurs nationaux y compris les gouvernements délaissent le traditionnel; de l’autre côté, les incontournables Google et Facebook nous concurrencent afin de joindre une audience pour nos annonceurs à plus faible coût directement sur nos plateformes ou en parasitant notre contenu. C’est une bien mauvaise roue qui tourne celle-là et elle semble sans fin.
Le véritable enjeu de cette discussion : pourquoi tout l’univers culturel canadien et québécois a-t-il droit à des crédits d’impôt et non pas le journalisme? En cinématographie, production audiovisuelle, spectacles, édition du livre, nommez un champ culturel, il y a un crédit d’impôt qui s’y rattache. Oui, vos émissions de cuisine, de décoration, vos téléromans, le disque de votre chanteuse préférée et même le TV Hebdo reçoivent des crédits à l’impôt pour leur production. Qui plus est, cette production est vendue soit à un diffuseur ou un consommateur par la suite. Comprenez-moi, la culture a besoin de cette aide et je n’en suis pas jaloux. La culture a pour rôle de nous divertir et d’être le reflet et la mémoire de notre société. Le journalisme professionnel a pour but d’être le chien de garde de notre démocratie, de nos dépenses publiques, de rapporter les iniquités et également de mettre en lumière tout ce qu’il y a de plus beau autour de nous.
J’ai entendu : «Si les salles de nouvelles sont subventionnées, elles ne seront plus objectives…» D’abord, un crédit d’impôt ce n’est pas une subvention. Un crédit d’impôt, ça survit aux couleurs de gouvernement, aux changements de députation, c’est récurrent. Un crédit d’impôt, ça n’empêche pas de chanter contre un gouvernement. Donc, je ne suis pas inquiet pour la transparence et l’intégrité des textes.
L’Express, comme tous les hebdomadaires au Québec, vous offre tout gratuitement. Tout! Notre mandat est de desservir notre communauté. Nos annonceurs uniquement nous aident à vous informer gratuitement. Le poids de nous appuyer demeure lourd pour eux, malgré le retour sur investissement qu’ils en retirent. C’est que nos annonceurs aussi font face à des enjeux qui affectent les marges de profits.
À L’Express, nous fêtons ces jours-ci l’achat du journal. Nous fêtons deux ans d’autonomie et de créativité. Si vous me demandez encore si ça va bien, sachez que je suis le gars le plus chanceux de l’industrie, parce que je n’ai pas besoin d’attendre le train pour contrôler la suite de notre route, que j’ai des collègues agiles, allumés et, surtout, passionnés de faire de notre village gaulois le plus rayonnant et pertinent.
Dave Beaunoyer, éditeur et président