DRUMMONDVILLE. Après s’être fait renverser par une voiture le 1er juillet dernier, Denis Chapdelaine en a eu assez. Il a décroché le téléphone et a contacté le journal. Son été gâché doit servir à changer les choses à Drummondville.
L’homme âgé de 77 ans a traversé la rue, le 1er juillet dernier, en prenant bien soin de s’assurer qu’il avait priorité, lorsqu’un véhicule qui tournait à gauche est entré en collision avec lui à l’intersection des rues Lindsay et Marchand.
«Je souffre d’ostéoporose et j’ai toujours hâte que l’hiver se termine, mais voilà… mon été est gâché», a exprimé faiblement Denis Chapdelaine, la gorge nouée par l’émotion.
Et pour cause. Il était toujours hospitalisé sept jours après l’accident, lorsque L’Express l’a rencontré à l’hôpital Sainte-Croix de Drummondville, lundi matin. Il a subi une fracture à la jambe droite et doit composer avec plusieurs ecchymoses sur son corps. Le septuagénaire devra effectuer un séjour en maison de réadaptation, avant de pouvoir regagner son appartement situé rue Lindsay. En raison de son âge, Denis Chapdelaine ignore à quel moment il sera rétabli.
«Je n’ai même pas eu le temps d’avoir peur quand c’est arrivé, a-t-il raconté. Je criais comme un déchainé. Ça faisait tellement mal et j’ai été pris par surprise. J’étais tellement convaincu qu’il ne m’arriverait rien, car j’ai respecté la loi. Ça prouve une chose : quand la lumière devient verte est en même temps que celle pour les piétons, ça ne fonctionne pas. Ça crée une ambiguïté. Si quelqu’un n’est pas habitué aux signaux simultanés, il y a un risque. J’ai d’ailleurs passé proche de me faire frapper à plusieurs autres occasions dans ce secteur.»
Il interpelle les élus
Denis Chapdelaine veut s’assurer que sa mésaventure ne soit pas vaine. Il interpelle désormais les élus, afin de changer les choses le plus rapidement possible. L’homme, qui a passé 40 ans de sa vie à Québec avant de s’installer dans la région en 2006, croit que Drummondville peut s’inspirer de quelques autres villes de la province pour revoir sa façon de faire. À ce chapitre, il rappelle que le maire de Drummondville, Alexandre Cusson, également président de l’Union des municipalités du Québec (UMQ), est en bonne position pour y parvenir.
M. Chapdelaine suggère que la ville pourrait imiter la vieille capitale en offrant des rues entièrement piétonnières à certains moments de l’année. Il propose également que Drummondville s’inspire de Montréal, en misant sur des traverses piétonnières qui accordent d’abord la priorité aux passants, avant l’apparition de la lumière verte pour les automobilistes.
«Je ne veux pas m’imposer. Je veux juste qu’on regarde ce qui se fait ailleurs, insiste Denis Chapdelaine de son lit d’hôpital. Si les élus ont moindrement une bonne volonté, ils vont bouger. Il n’y a personne qui a une conduite parfaite sur la route 100 % du temps, mais je crois sincèrement que tout le monde doit y mettre du sien.»
Son ami venu l’épauler à l’hôpital, Léo St-Pierre, estime qu’il y a «un sérieux problème de sécurité piétonnière à Drummondville». Il a notamment fait référence à d’autres secteurs de la ville, comme celui de la rue Celanese, qui seraient problématiques pour les marcheurs.
«Est-ce que la ville attend qu’il ait des morts avant de bouger? Ça prend une volonté politique pour changer les choses», a-t-il conclu.
Un changement survenu l’automne dernier
Le conseiller en relations médias à la Ville de Drummondville, Thomas Roux, avait fait valoir en septembre 2018 qu’une étude avait mené à cette décision de changer la signalisation au centre-ville de Drummondville. Plusieurs citoyens ne respectaient pas les feux pour piétons en raison de la courte distance à traverser entre les intersections. L’étude a donc recommandé d’accorder un passage simultané pour les passants et les automobilistes.
Réaction de la Ville
Par courriel, sans connaître les propositions de Denis Chapdelaine, le conseiller en relations médias de la Ville de Drummondville, Thomas Roux, a réagi à l’accident de M. Chapdelaine. D’entrée de jeu, il a fait savoir que la Ville a une pensée pour la victime. «Nous avons une pensée pour le citoyen qui a été victime de l’accident. La santé et la sécurité des Drummondvillois demeurent une priorité.»
Il a poursuivi : «Le mode de fonctionnement actuel est l’un des trois modes réglementaires et définis par les normes du ministère des Transports du Québec (…) Le mode où les piétons doivent attendre de longues minutes avant que le feu de signalisation leur permette de traverser n’est plus d’actualité et il peut entraîner des situations hasardeuses où certains traversent sans attendre, sans qu’ils en aient le droit, sur la lumière rouge».
M. Roux a aussi indiqué que la Ville insiste sur la nécessaire cohabitation entre les usagers de la route sur le territoire et qu’elle agit de manière proactive quant à l’aménagement du territoire.
«La Ville diminue les largeurs de rues et augmente la dimension des trottoirs, indique-t-il. Ainsi, lorsque les distances à traverser pour les piétons sont moins grandes, il y a moins d’expositions au risque. De plus, les rayons de virage plus serrés obligent les conducteurs à ralentir aux intersections pour effectuer un virage. Cela offre donc plus de temps au conducteur pour observer la présence d’usagers vulnérables et diminue la distance de freinage lorsque requis. Nous avons toujours cette réflexion lorsque de nouveaux aménagements sont requis et proposés».
Enfin, il rappelle que la Ville profite de «chaque projet pour discuter des mesures et des aménagements possibles pour améliorer la sécurité des usagers.»