SANTÉ. Il y a cinq ans, Frédéric Bédard a été diagnostiqué bipolaire. Après avoir effectué deux séjours en psychiatrie et adopté un régime de vie stricte, il peut maintenant aspirer à une meilleure santé mentale, malgré un système déficient.
Né d’une bonne famille avec une enfance heureuse, Frédéric Bédard ne jette aucunement le blâme sur son éducation. «C’est une condition du cerveau qui m’a amené à ce diagnostic. Disons qu’à l’adolescence ç’a été plus difficile. La gestion de ma colère et mon impulsivité ont amené bien plus de périodes négatives que positives», a-t-il expliqué, d’entrée de jeu.
Les signes de sa maladie mentale sont apparus alors qu’il entrait dans la vingtaine et qu’il fréquentait l’université. «J’ai la même blonde depuis que j’ai 13 ans. Elle a vu les changements au fil des ans. Je dois avouer que sans elle, je serais mort. Je suis chanceux d’avoir pu compter sur elle, même si ce n’était pas facile», a ajouté l’homme de 41 ans.
Alors que tout allait bien dans sa vie professionnelle, Frédéric Bédard a touché le fond du baril en novembre 2013 pendant un voyage au Portugal. «Du jour au lendemain, ç’a chaviré. J’avais toutes les raisons d’être heureux et je n’ai même pas su profiter de ce voyage. L’anxiété, l’état de panique et même les idées suicidaires ont pris le dessus. Je me sentais extrêmement mal en dedans. J’ai appelé ma conjointe pour qu’elle me conduise à l’hôpital. J’ai su admettre mon trouble, mais ça ne voulait pas dire que je l’acceptais», a ajouté M. Bédard.
C’était la première fois de sa vie qu’il devait se rendre au centre hospitalier. Interné pendant deux semaines, c’est le psychiatre qui a diagnostiqué son trouble de bipolarité.
«Il m’a fait tellement un grand bien ce psy. Malgré tout, la première année, j’étais dans une dépression profonde. Je dormais tout le temps, je m’isolais. Encore une fois, ma conjointe et mes trois enfants ont su être patients, compréhensifs. Il y a beaucoup de couples qui se déchirent dans la maladie mentale. Je me sens extrêmement chanceux de les avoir. Mes amis proches m’ont aussi fait beaucoup de bien», a confié M. Bédard.
Presque six ans plus tard, même si sa condition est stable depuis huit mois, Frédéric Bédard ne pourra jamais crier victoire. «Ça ne se guérit pas. M’occuper de moi maintenant, c’est un job à temps plein. Je m’entraîne, mange et dors à l’intérieur d’une routine bien rodée. Ce que je retiens, c’est qu’il y a une vie au-delà de la maladie mentale», a-t-il ajouté.
L’importance d’en parler
Depuis quelques années, des initiatives comme «Bell cause pour la cause» aident à mettre fin à la stigmatisation des personnes atteintes d’une maladie mentale.
«C’est bien beau de le faire en janvier, mais il faut en parler à l’année. Il y a un paquet de raisons pour ne pas s’exprimer, mais ça vaut la peine. Il faut demander de l’aide au plus vite, car ça empire avec le temps. Maintenant, grâce à l’aide que j’ai pu obtenir en ayant parlé, je sais quoi faire pour ne pas retomber, a expliqué M. Bédard. Il y a cependant un manque de ressources. J’ai été très bien traité, mais le CLSC a mis fin à mes rencontres parce que je ne cadrais plus dans le système. Il fallait laisser la place à d’autres. J’ai dû me résigner à aller au privé.»
Des projets pour l’avenir
Anciennement enseignant et conseiller pédagogique, M. Bédard gravite toujours dans le domaine. «J’ai fait un retour aux études en Science de l’éducation à l’Université de Sherbrooke et je veux amorcer un doctorat en 2020. Pour moi les études c’est bénéfique. J’ai aussi des idées qui sont sur papier pour écrire un livre. J’ai fait un deuil de mon travail que j’adorais, mais je me découvre autrement», a-t-il ajouté.
De plus, le désir de créer une conférence lui trotte dans la tête. «Je veux contribuer à la société avec mon vécu. Une statistique démontre que les gens prennent huit ou neuf ans avant d’en parler quand ils réalisent que quelque chose ne fonctionne pas. Si je garde ça pour moi, ce sera une perte de ressource. Les gens ont droit au bonheur, il sera juste différent», a-t-il conclu.
Frédéric Bédard rappelle l’importance de la ligne d’aide du Centre de prévention du suicide du Québec qui est le 1-866-APPELLE.