PÉTROLE. Combien de wagons transportant des matières dangereuses circulent à Drummondville ? On ne le sait pas, même la Ville dit l’ignorer.
En 2013, l’ex-mairesse de Drummondville, Francine Ruest Jutras, promettait que la construction du pipeline Saint-Laurent par l’entreprise Énergie Valero, une compagnie américaine dont fait notamment partie Ultramar, allait diminuer le nombre de citernes chargées de pétrole transitant par voie ferroviaire au centre-ville. Cet engagement s’est déroulé dans la foulée de la tragédie de Lac-Mégantic.
Le 10 juillet 2013, dans un article intitulé : «Une grande réflexion va devoir s’imposer», madame Ruest-Jutras avait déclaré que le pipeline Saint-Laurent qui passe à Drummondville «allait diminuer de 80 % le pétrole transitant par voie ferroviaire à travers notre centre-ville […]. On me dit qu’il y a de cinq à sept convois par semaine qui passent par Drummondville pour acheminer du pétrole».
Près de six ans plus tard, impossible de confirmer ou d’infirmer ses propos. La Ville ignore le nombre de trains transportant des matières dangereuses qui circulent sur son territoire, en particulier au centre-ville.
«Le Service de sécurité incendie et sécurité civile de la Ville ne tient pas de statistiques en ce qui concerne le trafic sur la voie ferrée du Canadien National (CN)», a indiqué le conseiller en relation média de la Ville de Drummondville, Thomas Roux.
Ce dernier a toutefois assuré que «les professionnels du Service de sécurité incendie et sécurité civile (SSISC) demeurent préparés et entraînés pour toute situation».
Sans réponse
Lorsque la question du transport des matières dangereuses a été adressée à l’entreprise ferroviaire Canadien National (CN), son porte-parole, Jonathan Abecassis, a finalement répondu, près de deux mois après la demande initiale, que «la sécurité du public impose de ne pas divulguer les détails touchant les itinéraires empruntés par les marchandises dangereuses et les volumes expédiés».
Il a fait savoir que seul les intervenants «qualifiés qui ont suivi avec succès la formation sur les interventions d’urgence» sont autorisés à savoir le contenu d’un wagon, à l’aide d’une application» nommée AskRail.
Le SSISC dispose d’un accès à cette application «et les professionnels seraient amenés à l’utiliser seulement en cas d’urgence», a précisé Thomas Roux.
Du côté de Transport Canada, la responsable des relations avec les médias, Frédérica Dupuis, a mentionné qu’elle ne pouvait pas révéler le nombre de trains transportant des matières dangereuses annuellement. Les seules données disponibles pour la population sont celles de Statistiques Canada. Elles sont toutefois générales, puisqu’elles sont divisées géographiquement pour regrouper soit l’ouest ou l’est du pays. Dans ces circonstances, il est donc impossible de savoir combien de tonnes de matières dangereuses circulent à Drummondville.
Jonathan Abecassis et Frédérica Dupuis ont tous deux fait référence à l’Ordre numéro 36 du gouvernement du Canada qui stipule que les transporteurs ferroviaires qui traînent des matières dangereuses «sont tenus de communiquer les renseignements sur les marchandises dangereuses à l’agent de la planification des mesures d’urgence désigné de cette compétence pour leur permettre d’effectuer l’évaluation des risques et la planification des mesures d’urgence, et d’offrir aux premiers intervenants une meilleure formation».
Rappelons que la région n’avait pas été épargnée dans le passé. À Notre-Dame-du-Bon-Conseil, le 23 février 2005, un déraillement de train a été provoqué par une roue défectueuse d’un wagon. Un des wagons-citernes transportant du gaz propane a pris feu et a explosé. Aucune marchandise dangereuse n’a cependant été déversée. Personne n’a été blessé, mais un employé de la meunerie Nutri-Expert Bon-Conseil, qui a été complètement détruite à la suite de l’incendie, l’a échappé belle. Il avait quitté les lieux quelques minutes avant le déraillement.
Pipeline Saint-Laurent
En guise d’information, rappelons que le pipeline Saint-Laurent qui relie Lévis et Montréal est en service depuis 2013. Il a comme objectif de faciliter le transport de pétrole au Québec. Le dossier avait fait grand bruit à l’époque dans la région, puisque des agriculteurs avaient notamment fait l’objet d’expropriation.
Curieux de savoir si des fuites ont été répertoriées depuis sa mise en service en 2013, L’Express a fait parvenir une demande d’accès au ministère de l’Environnement, il y a près d’un an. Celle-ci n’a pas permis de révéler des fuites du pipeline, depuis qu’il est en service. Au total, 47 déversements accidentels ont cependant été rapportés lors de la construction du pipeline, dont trois sur le territoire de la MRC de Drummond. La quantité de peinture, de diesel et d’huile qui a été récupérée dans la région, selon les normes prévues à cet effet, totalisait 13 litres.