JUSTICE. Un policier de Sherbrooke a été acquitté du chef d’accusation de conduite avec les facultés affaiblies, après avoir vu le juge Gilles Lafrenière de la Cour du Québec exclure la preuve qui pesait contre lui, le 26 avril dernier, au Palais de justice de Drummondville. La raison : un délai injustifié de 33 minutes.
Le magistrat a déterminé que les autorités n’ont pas procédé dans un délai raisonnable. Dans une situation du genre, «ce n’est pas tant la longueur du délai qui importe, mais les motifs qui le justifient», a-t-il rappelé.
Le 2 novembre 2017 vers quatre heures, le policier de la Sûreté municipale de Sherbrooke était au volant de son véhicule personnel, alors qu’une forte pluie sévissait à Sherbrooke. Il a perdu le contrôle de l’automobile, avant de frapper un poteau de feu de circulation.
À l’arrivée des forces de l’ordre, la thèse de l’aquaplanage avancée par l’homme semblait plausible. Ce n’est qu’à l’entrée en scène des ambulanciers qu’un agent a senti une odeur d’alcool. Peu avant cinq heures, les policiers ont ensuite procédé à l’arrestation du conducteur pour conduite avec les facultés affaiblies, avant de l’amener au poste de police.
33 minutes font la différence
Un délai de 62 minutes s’est écoulé entre son arrivée et le prélèvement d’haleine réalisé par un technicien qualifié en la matière. Le juge a déterminé qu’un délai de 29 minutes était approprié pour fouiller l’homme, pour lui permettre d’exercer son droit à l’avocat et pour préparer l’alcootest. Toutefois, une attente de 33 minutes demeurait injustifiée.
«Un délai de 33 minutes demeure inexpliqué, si ce n’est que par l’absence d’un technicien qualifié au poste de la Sûreté municipale de Sherbrooke. Ce dernier délai n’est pas raisonnable. Il est incompatible avec la notion d’agir promptement», a tranché le juge Gilles Lafrenière.
Il a précisé que l’argument de l’éloignement géographique ne s’applique pas à Sherbrooke et que, dans ce contexte, les droits constitutionnels de l’accusé ont été bafoués. Un total de quatre appels ont été réalisés avant de finalement trouver un technicien qualifié qui a été en mesure de se déplacer.
«Aucune preuve n’est présentée au Tribunal pour démontrer que le technicien était occupé à d’autres prélèvements ou encore que des circonstances particulières l’empêchaient d’agir plus rapidement. Le Tribunal conclut que les autorités policières ont fait fi de leur obligation légale de maintenir un déploiement efficace des techniciens pour s’assurer que les prélèvements d’haleine soient effectués dans les meilleurs délais et qu’il doit se dissocier de cette conduite», a jugé le magistrat, en lisant sa décision écrite.
Il a insisté sur le fait que le Tribunal ne pouvait cautionner la situation.
«L’organisation déficiente des ressources fait en sorte que la détention se prolonge indûment, a-t-il exprimé. Accepter cette situation laisserait supposer que l’exigence légale et que les droits de l’accusé ont peu d’importance, ce qui n’est pas le cas. La violation est suffisamment grave pour que le Tribunal s’en dissocie.»
Le juge a donc accueilli la requête d’exclusion de preuve demandée par l’avocate de l’accusé. Conséquemment, il n’y avait plus d’autres éléments de preuve suffisant pour condamner le policier sherbrookois. Il a été acquitté immédiatement.