ÉDUCATION. Projet de loi 151 oblige, le Cégep de Drummondville a adopté, le 26 mars dernier, la Politique visant à prévenir et à combattre les violences à caractère sexuel. Les étudiants auront maintenant accès à un guichet unique pour déposer leur signalement.
C’est Marc-André Legris, psychoéducateur au Cégep de Drummondville, qui sera chargé de recevoir les plaintes et de les traiter, dans un délai maximal de 90 jours. C’est également lui qui décidera si la plainte est jugée recevable ou non.
«Mon rôle est d’être le guichet unique. Toutes situations impliquant des étudiants où il y a harcèlement ou violences sexuelles me sont transmises», a expliqué M. Legris.
Toutefois, les deux étudiants qui siègent sur le comité ayant participé à l’écriture de la politique, Catherine Landry et Anthony Nollet, se questionnent sur cette façon de faire.
«Qui, au Cégep, est assez qualifié pour juger si une dénonciation est valable pour aller plus loin ? Mon collègue et moi, nous avions vraiment forcé à ce que ça soit un comité externe qui s’occupe de la gestion des plaintes, comme c’est fait à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Ça pourrait être, par exemple, l’organisme CALACS», a défendu Catherine Landry, étudiante en Sciences humaines, qui s’est proposée l’automne dernier pour représenter la communauté étudiante dans ce projet.
Celle-ci s’est longuement informée sur le sujet et si l’UQAM utilise cette façon de procéder, l’Université Laval fait de même. Malgré leur opposition, les signalements seront finalement traités à l’interne.
«Mon rôle est d’abord d’écouter ce à quoi s’attend l’étudiant qui dénonce. Puis, je suis leurs attentes et leurs besoins. Parfois, je peux transmettre au CALACS la Passerelle, au CLSC ou au programme de suivi psychologique. On peut aussi embarquer dans un processus de plainte formelle», a mentionné Marc-André Legris.
De la dénonciation à une sanction
La politique définit précisément, dans un document de 26 pages, un geste à caractère sexuel comme étant une agression, du harcèlement, du cyberharclèment ou même une inconduite.
Questionnée à savoir si des gestes posés en dehors des murs du Cégep peuvent être sanctionnés, Katia Froideveaux, directrice des ressources humaines, a expliqué : «Ça dépend toujours. On couvre les activités hors cégep, mais qui sont à l’origine de l’établissement; par exemple, les événements organisés par le biais d’un comité. On ne veut pas s’ingérer dans la vie privée des étudiants non plus. On ne substitue pas aux plaintes qui peuvent être déposées à la police. Toutefois, les situations malheureuses en lien avec des enseignants, peu importe où elles ont lieu, entrent toujours dans notre politique.»
Si une dénonciation mène au dépôt d’une plainte, il y a évidemment des sanctions qui s’appliquent. «Les sanctions vont dépendre de la nature, de la gravité et du caractère répétitif. Je ne peux pas dire quelle sanction sera appliquée à quelle situation», a fait savoir Mme Froideveaux.
Une question reste en suspens selon Catherine Leblanc : «Comment s’assurer que ces sanctions sont réellement mises en place?» La politique n’a pas de mesures prévues à cet effet.
Davantage de sensibilisation
Le Cégep de Drummondville entend publiciser sa politique, dès septembre prochain. Le but est de faire connaître les ressources disponibles, dont le guichet unique aux étudiants et d’en profiter pour sensibiliser la communauté collégiale aux violences à caractère sexuel.
«Dans l’agenda de tous les étudiants, il y aura des informations sur le guichet unique. L’ensemble de la politique sera sur le site web. Il y aura, d’après moi, au cours de l’automne prochain des séances d’informations. Cela reste encore à être déterminé», a ajouté Mme Froideveaux.
Si quelques détails de la politique sont toujours à régler, il s’agit, selon cette dernière, d’un bel exemple de mobilisation autour d’un «sujet sensible».
«Chaque membre du comité amenait des avis fort intéressants. On s’est vraiment questionné sur le sujet. Si pour nous — le Cégep — les violences à caractère sexuel sont inacceptables, c’était de savoir ce qu’on peut faire pour aller plus loin», a-t-elle conclu.
Catherine Landry n’est pas d’avis que son point de vue a été entendu lors de l’écriture de la politique. «Quand je lis le document final, je vois beaucoup de passages qui n’ont pas été changés que j’avais pourtant soulignés comme problématiques. Même si l’on semblait nous écouter lors des rencontres, visiblement ça n’a pas été fait», a raconté l’étudiante en remettant une copie à L’Express de la politique où elle avait surligné les endroits qui lui posent problème. Elle a, entre autres, soulevé qu’un délai de 90 jours pour le traitement d’une plainte, «c’est beaucoup trop long.»