PATRIMOINE. L’église de Saint-Edmond-de-Grantham est sur le point de crouler sous le pic des démolisseurs, et déjà, des citoyens pleurent sa démolition.
«Du jour au lendemain, on met le bulldozer et on sacre tout ça à terre. C’est l’âme d’un village qu’on est en train d’enterrer, s’insurge le fondateur de Rose Drummond, Jean-Denis Lampron, qui a grandi au sein de cette municipalité. C’est un deuil. Il va falloir vivre avec. C’est un village déchiré pour des décennies.»
Les premiers coups de pelle seront donnés dans les prochains jours, apportant avec eux de nombreux souvenirs. «Je suis allé dans le clocher, je l’ai réparé. Quand je vois les poutres qui ont été mises en place et qui ont été construites il y a 100 ans, imaginez comment les gens ont mis de leur énergie et de leur temps. Il y a des gens qui ont été blessés là-dedans», se désole l’homme d’affaires, réuni avec sept autres résidents.
Triste et nostalgique du passé, Jean-Claude Paradis a pour sa part peine à retenir ses larmes lorsqu’il pense au sort réservé à ce bâtiment centenaire. «Ma mère aura 99 ans dans quelques semaines. Elle est restée la majeure partie de sa vie à St-Edmond. Elle m’a demandé si elle allait avoir son service funéraire à l’église de St-Edmond. Je lui ai dit non», confie l’ancien conseiller, avec émotions.
Unis dans l’adversité
La disparition imminente de ce bâtiment patrimonial laissera non seulement un vide sur la rue Notre-Dame-de-Lourdes, mais aussi dans la communauté de Saint-Edmond-de-Grantham. «Ça va laisser des marques, c’est sûr. Il y en a déjà, estime l’ancien conseiller municipal, Claude McClure. Le climat social est pourri. Ça fait un bout de temps qu’on n’a pas eu de plaisir à St-Edmond.»
Malgré les dommages collatéraux causés par la saga de l’église dans cette municipalité, des résidents ont réussi à s’unir dans l’adversité, d’un clan comme de l’autre. «À St-Edmond, il n’y a pas juste de la chicane, il y a aussi une belle et grande fraternité que moi j’ai connue à travers plusieurs personnes», témoigne Josée Marchand, qui demeure dans la municipalité depuis trois ans.
«Je n’ai jamais eu nécessairement d’attache émotionnelle reliée à des événements ou à un bâtiment. Je n’ai rien de ça, ajoute Mme Marchand. Il y a des gens qui ont mis des heures là-dedans, de l’argent. Ce n’est même pas les heures, ce n’est même pas l’argent non plus qui est le plus important. Ils ont mis tout leur cœur dans un espace.»
Discorde
Le dossier de l’église de Saint-Edmond-de-Grantham a fait couler beaucoup d’encre au cours des dernières années, allant même jusqu’à diviser la communauté de cette municipalité de quelque 700 habitants.
En 2016, le conseil municipal de l’époque a tranché en procédant à l’achat de l’église au coût de 55 000$, et ce, malgré des assemblées houleuses. Si le dicton veut que le temps arrange les choses, les blessures n’ont toutefois pas cicatrisé.
Encore aujourd’hui, l’avenir de l’église construite en 1918 est loin de faire l’unanimité. Les élus en poste ont décidé en juillet d’aller de l’avant avec la démolition du bâtiment, qui servait de salle communautaire ces dernières années.
Avec l’octroi du contrat de démolition de 195 000$ à l’entreprise B. Frégeau & Fils en janvier, les prochains jours marqueront la fin d’un chapitre à Saint-Edmond-de-Grantham.