MARATHON. C’est un exploit remarquable que les Drummondvillois Carl Houle et Andrée Lanoie s’apprêtent à compléter. Ce couple de passionnés de la course à pied s’envolera bientôt pour le Japon afin de participer à un sixième marathon majeur sur la scène mondiale.
Au cours des dernières années, Carl Houle et Andrée Lanoie ont pris part aux prestigieux marathons de Boston, Chicago, New York, Londres et Berlin. Les deux amoureux couronneront cette belle aventure en prenant le départ de l’épreuve de Tokyo, le dimanche 3 mars. Du coup, ils deviendront les premiers Drummondvillois à compléter le circuit des six marathons majeurs de la planète, ce qui leur permettra de mettre la main sur la convoitée médaille des Six Star Finishers.
«Cette médaille signifie beaucoup pour nous. Ce sera un beau moment à vivre, mais au départ, ce n’était pas du tout dans nos plans», raconte Carl Houle, qui atteindra la soixantaine en septembre.
«J’ai commencé à seulement courir à l’âge de 40 ans, poursuit Andrée Lanoie, qui est aujourd’hui âgée de 62 ans. Je ne faisais pas tellement de sports, mais j’avais décidé que je ne voulais plus vieillir et que je prenais ma vie en main. J’ai fait quelques marathons avant de rencontrer Carl.»
Étonnamment, ce n’est pas en courant que le couple s’est rencontré… mais plutôt en pratiquant le vélo. Rapidement, Andrée Lanoie a transmis sa passion de la course à son nouveau partenaire de vie, qui a participé à son premier marathon en 2005, à Ottawa.
De fil en aiguille, les amoureux ont réussi les épreuves de 42,195 kilomètres dans les rues de New York, de Chicago, puis de Boston. À travers les années, ils ont également participé à plusieurs marathons ne faisant pas partie du circuit mondial majeur, notamment à Philadelphie ainsi qu’à Paris.
C’est seulement à son retour du marathon de Berlin, en 2017, que le couple s’est mis à rêver tout haut. «Après un marathon, on traverse toujours un blues, confie Carl Houle. On s’est entraîné tellement fort et on dirait qu’il n’y a plus rien, plus de vie après. Pour continuer, il faut alors se fixer des objectifs. C’est toujours la clé. Quand on est revenu de l’Allemagne, Andrée m’a dit qu’elle aimerait faire le marathon de Chicago, car il lui manquait celui-là si on voulait compléter les six majeurs en même temps. De mon côté, j’avais déjà commencé des démarches pour qu’on fasse le marathon de Londres.»
Alors que plus de 400 000 personnes s’inscrivent annuellement au tirage au sort de l’épreuve britannique, seulement 40 000 heureux élus prennent le départ à Greenwich Park. «C’était compliqué, mais en passant par une agence française, on a pu y participer en 2018. Le marathon de Tokyo est aussi très contingenté. Il faut être chanceux pour y participer. Andrée a été tirée au sort, mais pas moi. Il a donc fallu passer par une agence.»
S’approchant du cap des 30 marathons, les deux complices profitent de chacune de ces expériences pour faire un peu de tourisme. Une fois le marathon de Tokyo complété, ils visiteront d’ailleurs quelques régions du pays du Soleil levant. «On a très hâte de découvrir la culture japonaise. C’est vraiment un autre monde, sans compter qu’il y a 14 heures de décalage horaire. On est des passionnés de course, mais on est avant tout des voyageurs, explique Carl Houle. C’est ce qui ressort de nos aventures : on découvre des villes de façon différente, quand tout est arrêté. Sans le marathon, on n’aurait jamais pu passer sur les ponts de New York à pied. Chaque ville est unique, mais Londres a été un gros coup de cœur pour nous. C’est une ville merveilleuse. Partout, la population apprécie notre passage. On nous félicite souvent dans la rue. C’est spécial de vivre ça. Ça compense les sacrifices qu’on a faits pour se rendre là .»
En 2013, le couple a toutefois vécu des moments angoissants lors de sa participation au mythique marathon de Boston. Andrée Lanoie a traversé la ligne d’arrivée seulement quelques minutes avant l’attaque terroriste qui a fait trois morts et des centaines de blessés. «Cette année-là , Carl m’avait contaminé avec son désir de performance, se remémore-t-elle. Heureusement que je voulais faire un bon temps… Sinon, mon heure était venue! Depuis Boston, on court avec notre cellulaire en poche. On peut donc se rejoindre plus facilement.»
Avoir un rêve et s’y accrocher
Comme tous les coureurs au Québec, Carl Houle et Andrée Lanoie doivent composer avec les aléas de la météo durant la saison hivernale. Une situation qui complique drôlement leur tâche à l’approche du marathon de Tokyo. «Notre entraînement intensif est commencé depuis le mois de novembre, alors on est passé par toutes les surfaces de sol possible. Le climat québécois ne nous donne pas le choix : on fait beaucoup de tapis roulant», indique Carl Houle.
De son côté, Andrée Lanoie est restée craintive depuis qu’elle a chuté lors d’une course, l’automne dernier. «Avant, j’aimais ça courir dehors en hiver. C’est même mieux que l’été, parce que la température est moins propice aux coups de chaleur. L’air est bon, on met de bons souliers et on s’habille chaudement. Mais cet hiver, c’est vraiment difficile pour les coureurs. C’est la première fois que je fais autant de tapis roulant. Le nôtre a au moins 15 ans : on espère juste qu’il ne nous lâchera pas avant notre départ!»
En plus d’être des athlètes accomplis, les deux complices ont transmis leur passion de la course à pied à plusieurs Drummondvillois ces dernières années, à commencer par les membres de leur famille.  «Ma fille court depuis cinq ans et elle en voit vraiment les effets, relate Andrée Lanoie. Notre neveu s’est qualifié pour Boston à l’âge de 20 ans. C’est contagieux. Ils nous disent qu’ils nous ont vu aller et que ça les a motivés.»
Enseignante retraitée de la Commission scolaire des Chênes, Andrée Lanoie a été l’une des instigatrices du programme Courir pour persévérer auprès des élèves à la formation générale des adultes. Retraité de Services Canada, Carl Houle est quant à lui entraîneur de course à pied ainsi que l’un des organisateurs de la fameuse course des Chênes-toi ainsi que de l’Expo des saines habitudes de vie. «On fait du bénévolat dans différents événements de course. On se dévoue parce qu’on veut redonner à ce sport. Quand d’anciens étudiants me parlent des effets bénéfiques de la course, c’est une belle reconnaissance. La course, c’est très aidant, peu importe la distance : tu n’es pas obligé de faire des marathons. L’important, c’est d’avoir un rêve, peu importe lequel, et de s’y accrocher.»
Alors que Carl Houle ne cache pas être davantage axé sur la rigueur à l’entraînement et la performance en compétition, sa conjointe n’aborde pas la course à pied avec la même philosophie. «Je cours pour le plaisir. Je ne me fixe pas d’objectifs. J’aime ça autant que Carl, peut-être même plus, parce que je suis souvent moins déçue que lui.»
«C’est un sport de patience, un sport mental qui te permet d’apprendre sur toi à chaque fois, renchérit Carl Houle. Tu apprends à te préparer, à gérer ta course, à faire face à la température et à réviser tes objectifs. On se sent privilégiés de faire ce sport, mais on ne fait pas ça pour gagner notre vie. On fait ça pour s’amuser et être en santé; il ne faut jamais perdre ça de vue. Il faut savoir garder un équilibre à travers ça.»
Bien sûr, le fait de courir en duo change tout. «L’autre te sert d’exemple. Notre objectif est commun, alors on est dans le même état d’esprit. C’est plus encourageant de s’entraîner à deux qu’en étant seul», explique Carl Houle.
Si, pendant un moment, Tokyo devait être leur dernier marathon, Carl Houle et Andrée Lanoie ne tiennent plus le même discours aujourd’hui. «Plus ça approche, moins on est sûrs. On aime vraiment ça faire des marathons et voyager. Maintenant, il y a une autre réalisation qui nous interpelle : celle de courir sur tous les continents. Après l’Amérique, l’Europe et l’Asie, il resterait l’Océanie, l’Afrique et l’Arctique. On y pense, mais on doit composer avec le fait que c’est beaucoup d’entraînement. Il y a aussi l’âge qui entre en ligne de compte», concluent les deux sympathiques ambassadeurs de la course à pied.