COURSE. L’une est enseignante, l’autre dirige un organisme qui vient en aide aux enfants lourdement handicapés et la troisième a fondé une entreprise de soins. Elles ont entre 31 et 43 ans, les bras remplis d’enfants et elles excellent dans l’art de gérer un agenda. Ce qui les unit? Elles s’entraînent à la course à pied. Niveau élite.
Chaque jour est un défi pour Catherine Desrosiers, 43 ans, mère de six enfants et directrice de l’Association Emmanuel, un organisme qui favorise l’adoption d’enfants à besoins spéciaux, ainsi que pour ses coéquipières de course Geneviève Shurtleff, 41 ans, professeure d’anglais, et Élizabeth Pellerin, 31 ans, podiatre-propriétaire de la clinique du même nom.
Deux jours par semaine, qu’il fasse -40 degrés, qu’il pleuve ou qu’il fasse tempête, elles se retrouvent et elles courent à un rythme effréné avec le club les Kalenjins basé à Saint-Léonard-d’Aston.
«Nous n’avons jamais d’excuses. Nous sommes toujours présentes, même si l’une d’entre nous est blessée. Chacune apporte quelque chose à l’autre. Par exemple, en compétition, j’ai de la difficulté à gérer ma nervosité. Ç’a toujours été un défi pour moi, mais Geneviève et Élizabeth m’aident beaucoup avec ça. Elles font des compétitions depuis qu’elles sont toutes petites et leur expérience me fait grandir. Elles sont carrément des bêtes de compétition! Bref, nous partageons la même passion, mais nous avons toutes des défis différents», partage Catherine Desrosiers.
Discrète de nature, Mme Desrosiers ne compte plus les courses auxquelles elle a participé. Du haut de ses 5 pieds, elle avale les kilomètres avec rigueur, fougue et passion. À l’été 2017, elle était au départ de la Waterloo Ontario Endurun, une course de 160 kilomètres s’échelonnant sur sept jours. Cette compétition débute par un demi-marathon et se clôture par un marathon. Parmi les épreuves quotidiennes, il y avait des courses contre-la-montre, des courses en montagne, des courses en formule sprint; bref, il s’agit d’un événement où l’endurance est rudement mise à l’épreuve. Et Catherine a terminé cette semaine solide sur ses deux jambes et… avec la médaille d’argent au cou.
«C’est fou l’entraînement que Catherine a dû faire pour arriver à faire ça!, s’exclame Élizabeth Pellerin. Chacune d’entre nous admire les autres, mais cette fois-là, Catherine nous a vraiment épatées!»
«Je récupère très rapidement de mes courses. C’est ma force avec ma très grande motivation», enchaîne Catherine, les yeux pétillants en se rappelant cette compétition.
Sa maison pleine d’enfants, Catherine s’entraîne le soir. «Quand le souper est fait, que les enfants ont fini leurs devoirs et qu’ils sont lavés, je pars courir. Toutes les tâches de la maison sont réglées; donc je pars la tête libre. Courir me permet tellement de rester ″groundée″».
Sur une base hebdomadaire, excluant les deux sorties en groupe, chacune des coureuses inscrit à son agenda six entraînements, ce qui demande une organisation plus que rigoureuse et une discipline de fer.
Mère de quatre enfants, Geneviève Shurtleff ne se voit pas arrêter de courir. Pour tout dire, la course constitue une grande priorité dans sa vie.
«Cette année, j’ai décidé de réduire quelque peu ma tâche d’enseignante pour avoir plus de temps pour m’entraîner. C’est une priorité pour moi. Certains matins, je me lève à 5 heures pour courir, mais d’autres fois, à cause de mon horaire de travail allégé, je peux y aller en après-midi. Ça demande une bonne gestion du temps et disons que je n’ai aucun moment libre, bien que le sport, c’est ce que j’ai choisi», raconte-t-elle. En plus de la course, Geneviève fait de la musculation, de la danse et du yoga.
Il suffit de voir son regard déterminé pour comprendre que Geneviève en a usé des espadrilles de course dans sa vie.
«Comme nous toutes, Geneviève est mal à l’aise de parler de ses compétitions, mais elle une grande expérience. C’est une coureuse extrêmement rapide. Quand elle allait à l’Université McGill, elle était toujours sélectionnée pour participer au championnat canadien universitaire. Elle est arrivée 2e au championnat provincial», a révélé Catherine Desrosiers.
Ayant participé à d’innombrables compétitions, Geneviève sent aujourd’hui qu’il est temps de redonner à son sport. «Je cours depuis que j’ai l’âge de 10 ans. La course m’a toujours aidé à canaliser mon énergie et je crois qu’il est temps de faire quelque chose pour les autres». Malgré la charge de ses entraînements, elle trouve le temps pour entraîner une des équipes collégiales des Voltigeurs (Cégep de Drummondville) et elle a mis sur pied un club de jogging à son école afin de favoriser l’activité physique chez les enfants d’âge primaire.
Quand on lui demande quelle a été sa plus belle expérience de course, elle répond sans trop chercher le marathon d’Ottawa, un défi qu’elle a relevé le printemps dernier avec les filles du club.
Étonnamment, c’est sa coéquipière Catherine qui en fait le récit. «Geneviève et moi étions inscrites au marathon d’Ottawa, mais malheureusement, je me suis blessée. J’arrivais de peine et de misère à courir 100 mètres. C’était vraiment difficile et je n’ai jamais pris le départ. Mais quand même, la veille, j’ai fait tout le parcours en auto avec Geneviève et on a monté un plan de course. Ç’a vraiment bien été… elle a eu un chrono sous les trois heures, ce qui est exceptionnel!»
Et la principale intéressée d’ajouter : «Les filles m’attendaient toutes au fil d’arrivée… je n’oublierai jamais ça».
Soutien de la famille
Comme ses consoeurs, Élizabeth Pellerin est solidement appuyée par sa famille, ce qui lui permet de consacrer plusieurs heures à son sport.
«Contrairement aux autres, je n’ai pas d’enfants, mais j’ai un conjoint qui me supporte et qui fait du sport aussi», dit-elle.
Il faut dire qu’Élizabeth Pellerin met beaucoup d’énergie dans ses entraînements. Ayant déjà accompli des compétitions de type Ironman de même que de nombreux triathlons, la femme d’affaires investit pour l’instant beaucoup d’heures dans la course à pied, avec les Kalenjins.
«Le triathlon est toujours dans mon cœur, mais pour l’instant, je me concentre beaucoup sur la course. Pour moi, le sport est un antidépresseur naturel. Quand on a eu une bonne journée au travail, ça fait tellement du bien», affirme celle qui participe à des compétitions depuis l’âge de 9 ans.
Et quand elle parle de ses complices de course, il n’y a pas de doute sur ce qu’elle pense : «Elles sont une source d’inspiration pour moi».
Ce trio de Drummondvilloises court ensemble depuis un peu plus de deux ans. C’est vraiment le club, supporté par l’entraîneur Robin Richard-Campeau, qui les a unis.
«Un jour, je me suis inscrite pour le fun à l’épreuve de 5 kilomètres à la Course des Chênes-toi. Je voulais tout donner sur cette distance. J’avais déjà entendu parler en ville d’une fille qui s’appelait Catherine et qui courait vraiment vite. Ce jour-là, j’ai compris qui elle était! On s’est talonné tout le long de la course!», a raconté Geneviève Shurtleff en riant.
«Et moi, je voyais Geneviève courir dans les rues de la ville parfois. Chaque fois, je me disais : wow, cette fille-là est vraiment impressionnante!», se rappelle Élizabeth Pellerin.
Qu’avez-vous à dire maintenant aux gens qui ont de la difficulté à inscrire le mot «sport» à leur agenda?
«Il faut juste se fixer un objectif et associer le mot bonheur à tout ça. J’ai énormément de responsabilités dans la vie, mais j’ai aussi la chance d’avoir la liberté de mon agenda. Aussi, avec les téléphones intelligents, tout le monde pense qu’on est toujours disponibles maintenant. Il faut juste faire un choix et se choisir», de conclure Catherine Desrosiers.