Par Kévin Lampron-Drolet
L’histoire de la municipalité de Saint-Félix-de-Kingsey ne commence pas avec la ratification canonique et civile du lieu, respectivement en 1859 et 1860, mais bien avec l’arrivée des premières familles de pionniers. Parmi ceux-ci, le premier colon loyaliste, William Edward Wadleigh, s’y installe avec sa famille dès 1800. Ce dernier quitte sa ferme de Danville, au Vermont, avec sa femme et ses sept enfants pour s’établir à Lennoxville. N’étant pas satisfait des terres au confluent des rivières Massawippi et Saint-François, il décide de continuer son chemin jusqu’en territoire abénaquis, là où James Rankin avait précédemment arpenté, en 1792, ce qui deviendra quelques années plus tard, le canton de Kingsey.
Le cimetière Maplewood, situé sur le chemin de la rivière Saint-François, est l’un des plus anciens vestiges nous venant de ces premiers habitants. Nous pouvons d’ailleurs y trouver la sépulture du premier «enfant blanc né à Kingsey», soit le jeune Rufus Wadleigh (1802-1839) ainsi que celles de ses parents Mary Blasdel (1765-1806) et William Edward Wadleigh (1761-1840). La valeur historique de ce lieu est inestimable considérant ses nombreuses pierres tombales datant de la première moitié du XIXe siècle. Celles-ci mettent en lumière l’aventure des tout premiers arrivants, révélant leurs années de naissance, de décès, ainsi que leurs liens matrimoniaux. Il ne faut pas oublier également que la valeur de ce lieu est investie par la qualité de ses habitants, bien souvent des acteurs marquants de notre histoire, telle que le fils aîné des Wadleigh, nommé William comme son père, qui perdit la vie durant la guerre de 1812.
Ce champ des morts permet également de lever le voile sur une confusion historique entourant le cher Rufus Wadleigh, le premier blanc à naître à Saint-Félix-de-Kingsey. Plusieurs crurent longtemps que ce dernier fut également le premier protonotaire d’Arthabaska. Une étude des pierres tombales permet de comprendre qu’il y eut en fait deux Rufus Wadleigh, l’un étant le premier Kingséen de souche (1802-1839), l’autre, une génération plus tard, petit-cousin du premier, étant le protonotaire d’Arthabaska (1829-1869), enterré à Sherbrooke, dans le cimetière St-Peter.
Hélas, les ravages du temps sont impitoyables, bien qu’il ne soit pas le seul responsable de la décrépitude de ce cimetière. Quasi à chaque année, des malfaiteurs s’y rendent avec l’intention de vandaliser la petite nécropole. Le pire se passa au mois de septembre 2014, où les pertes furent inestimables. Il faut dire que malgré sa localisation éloignée, Maplewood jouit d’un achalandage marqué. Plusieurs croient d’ailleurs que ce lieu est hanté.
Dans tous les cas, nous pouvons dire que le cimetière de Maplewood est bel et bien un lieu toujours vivant, où la mémoire de nos ancêtres se doit d’être protégée et préservée.