Par Jean-Claude Bonneau
Depuis près de vingt ans, elles se rencontrent tous les mois dans le cadre d’un dîner au cours duquel tous les sujets de discussion sont permis. D’anciennes collègues de travail au service de Bell, ces téléphonistes ou préposées aux interurbains et à l’assistance-annuaire sont devenues de grandes amies, des confidentes même.
Pour ces femmes qui s’appellent Denise, Colette, Lise, Marjorie, Ginette, Madeleine, Nicole, Jeanne D’Arc, Huguette, Gaëtane et Diane, le premier mardi de chaque mois est souligné en gras dans leur agenda personnel. C’est une occasion à ne pas manquer, un moment privilégié.
«Pour nous, c’est une thérapie de groupe. On rit, on pleure même, on s’informe, on parle de tout et de rien. Lorsque nous étions au service de Bell, dans les années 1980 et 1990, il nous était presque interdit de fraterniser à l’intérieur de nos heures de travail. Il fallait demeurer concentrée pour répondre aux nombreux appels. Alors, aujourd’hui, on se reprend», soulignent en cœur les membres de ce club sélect des téléphonistes drummondvilloises retraitées de Bell.
Une belle initiative
En fait, c’est en décembre 1998 que quelques «pionnières», dont Marjorie Tessier qui, à 87 ans, demeure toujours très active au sein du groupe, ont décidé de lancer une initiative, celle d’organiser un dîner du temps des fêtes. Et ça continue depuis ce temps, toujours le premier mardi du mois.
«Chaque fois, nous nous retrouvons douze ou treize apôtres à la même table, à partager nos anecdotes du mois, nos bons coups et aussi nos mauvais coups. On en profite pour jaser de politique (pourquoi pas), de santé, de voyages et on fait notre petit chialage mensuel. On parle aussi de nos petits bobos (t’avais mal où le mois dernier ?) et on se passe de l’information sur différents sujets comme les assurances ou autres. Et c’est aussi une bonne occasion de partager un bon vin, à la santé de chacune», lance Denise Lavoie qui, à l’époque, agissait comme téléphoniste en chef.
Pour la doyenne du groupe, Marjorie Tessier, c’est aussi une très belle occasion de garder le contact. «Ç’a commencé lentement cette initiative de nous retrouver chaque mois. Mais au fil des ans, des femmes se sont ajoutées et le groupe s’est solidifié. Cela nous permet de garder des liens. C’est devenu un rituel. Beau temps, mauvais temps, on est là et c’est merveilleux. À 87 ans, chaque premier mardi du mois est devenu une grande fête. C’est bien beau le magasinage pour passer le temps, mais ce n’est pas aussi enrichissant que nos rencontres. En fraternisant avec d’anciennes collègues de différentes générations, il me semble que le temps s’arrête et qu’on ne vieillit plus. C’est merveilleux ces petits dîners».
Pour Colette Dubé qui a commencé sa carrière de téléphoniste à Saint-Guillaume avant de joindre l’équipe de Drummondville, ces «diners thérapeutiques» sont devenus des sources de bonheur. «Quand tu es seule, les sorties sont plutôt rares. Donc, ces dîners sont devenus des moments de joie. Ils me permettent de socialiser avec un groupe d’amies très importantes».
Lise Courchesne, de son côté, ne se cache pas pour dire que ces rencontres mensuelles représentent quelque chose de très spécial. «C’est difficile à croire, mais quand je manque un dîner, il manque quelque chose non seulement à ma journée, mais à tous les autres jours du mois. C’est toujours très agréable de se revoir ; nous nous racontons nos joies, nos peines et après de telles rencontres, on n’a pas besoin d’un thérapeute», soutient celle qui jouit d’une pleine retraite depuis septembre 1997 et qui a été à l’emploi de Bell durant 34 ans.
Pour Ginette Thériault et Madeleine Descheneaux, ces rencontres se veulent toujours très agréables. «C’est certainement une belle façon d’évoluer ensemble et on peut se rappeler de très beaux moments. Le temps passe toujours trop vite et ces dîners, qui sont toujours très agréables, nous permettent de rester en communication et de ne pas vieillir trop mal», souligne Mme Thériault. «Une grande amitié s’est tissée entre nous et c’est très valorisant. Personnellement, je suis toujours très heureuse de revoir mes amies. Ces rencontres régulières sont devenues extrêmement importantes pour moi et j’y tiens», ajoute Mme Descheneaux qui, à défaut d’être propriétaire d’une automobile, prend l’autobus pour se rendre à ses rendez-vous du mardi.
Pour Jeanne-D’Arc Lauzière, ces rencontres sont une façon de reprendre le temps perdu. «Lors de nos dîners qui durent en moyenne de trois à quatre heures, il n’y a rien et personne pour nous arrêter. C’est merveilleux. C’est un partage de joies, de peines, d’idées. En vingt ans, j’ai manqué un dîner et ce fut probablement un de trop. C’est merveilleux ces petites rencontres.»
Huguette Forcier, quant à elle, avoue qu’elle apprend un tas de choses à chaque rencontre. «C’est incroyable tout ce qui se dit autour de la table. Chacune apporte beaucoup aux autres. C’est agréable et c’est une belle façon de socialiser. Ça fait plusieurs années que je participe à ces rencontres et je n’ai pas l’intention d’arrêter.»
Pour Gaëtane Dionne, ces rencontres démontrent toute l’amitié qu’il y a entre les membres du groupe. «Quand on fait le calcul, on se rend compte qu’il y a beaucoup de vécu autour de la table. Chacune est en mesure de partager ses expériences et chacune démontre beaucoup d’écoute à l’endroit des autres. C’est toujours très agréable de jaser entre nous, d’échanger sur toutes sortes de sujets. On rit beaucoup et ça fait du bien.»
Finalement, Diane Alarie, une Drummondvilloise qui habite maintenant Trois-Rivières, fait le trajet chaque mois pour revoir ses anciennes collègues de travail. «Pas question de manquer un rendez-vous. J’ai connu la plupart des filles à l’âge de 17 ou 18 ans. J’ai commencé à travailler chez Bell à Drummondville en 1965 et j’ai été transférée à Trois-Rivières en 1986, avant de prendre ma retraite. Pour moi, ce rendez-vous mensuel c’est comme des retrouvailles. C’est agréable et très plaisant. On parle même de chars, croyez-le ou non».
Ces anciennes téléphonistes de Bell ne sont certainement pas les seules à se réunir autour d’un bon repas, quelques heures par mois, question de fraterniser, d’échanger, de se confier, de rire et de profiter de la vie. D’autres groupes de retraités ou de travailleurs encore actifs le font sûrement et c’est pour le mieux, car à l’heure où tout va vite, trop vite, il est bon de s’arrêter, de profiter du moment présent et, surtout, de l’apprécier.