Par Michaël Bergeron, collaboration spéciale (Société d’histoire Drummond)
Le 6 juin 1933, un homme d’affaires du New Jersey du nom de Richard Hollingshead inaugure ce qui deviendra un symbole fort de l’Amérique de l’après-guerre, le fameux « drive in » ou ciné-parc américain.
Le site aménagé par Hollingshead peut accueillir 336 voitures prenant place devant un même écran. Le son est alors assuré par un système de haut-parleurs situés près de l’écran et le prix d’entrée, de 0.25$ par famille, constitue une véritable aubaine de divertissement familial. Ce n’est cependant qu’après la Deuxième Guerre mondiale que cette industrie prend véritablement son envol. L’expérience culturelle estivale permet alors d’allier deux des plus grandes passions des Américains : le cinéma et l’automobile.
Au Québec, le gouvernement de Maurice Duplessis interdit, après le conflit mondial de 1939-1945, cette pratique qui encourage, dit-on, la débauche et le vice. Pour contrecarrer ce blocus, bon nombre de cinéphiles québécois n’hésitent pas, d’ailleurs, à se rendre dans les ciné-parcs ontariens et américains pour pouvoir regarder des films en plein air. Il faut attendre plusieurs années avant de voir s’implanter graduellement les premiers ciné-parcs dignes de ce nom dans la province. Devant la demande et la pression grandissante de la population, le gouvernement de Robert Bourassa n’a d’autre choix que d’accélérer l’implantation des ciné-parcs au Québec en 1970. Plusieurs d’entre eux débutent même leurs opérations régulières sans avoir obtenu leur permis d’exploitation des autorités en place. Ainsi, les ciné-parcs de Saint-Mathieu, qui est d’ailleurs le premier cinéma en plein air à s’établir dans la province, de Drummondville, de Sept-Îles, de Saint-Georges-de-Beauce et de Boucherville opèrent sans ce permis à leurs débuts.
C’est dans ce contexte que la compagnie Ciné-Drummond inc., dirigée par les hommes d’affaires Marcel Labbé, alors propriétaire du Cinéma Drummond et du Cinéma Capitol, Paul Gendron et Robert Carrier, annonce en février 1970 la mise en branle d’un projet de ciné-parc de 900 places. Situé sur la route 22, tout près de l’autoroute transcanadienne, le terrain d’un mille de long et de 905 pieds de largeur nécessite des investissements de départ de 200 000$. À l’origine, le ciné-parc compte un seul écran de 90 pieds de largeur par 45 pieds de hauteur, un restaurant, une salle de projection, un ensemble sanitaire, ainsi qu’un terrain de jeux pour les enfants. Mis en opération le 27 juin 1970, l’inauguration officielle n’a lieu que le 30 juillet suivant, devant un groupe privé de 300 convives. Considéré comme l’une des salles de projection en plein air les plus modernes de la province à l’époque, le Ciné-Parc Drummond devient le rendez-vous par excellence de plusieurs familles de la région.
L’étalement urbain, le prix des terrains et la transition nécessaire vers le numérique obligent bon nombre d’établissements cinématographiques extérieurs à fermer leurs portes définitivement durant les années 2000. Le Ciné-Parc Drummond sera l’un d’entre eux. Ainsi, depuis 2013, le son des klaxons qui annonçait jadis le début du visionnement en plein air ne se fait plus entendre et n’est désormais plus que souvenirs.