«J’ai détesté la politique, ça m’a empêché de m’adonner à la lecture et à l’écriture, j’ai perdu des amis parce que j’étais trop occupé».
Celui qui parle ainsi, Roger Pomerleau, est un ex-député du Bloc québécois qui a accepté de s’entretenir avec L’Express en toute liberté, sans partisannerie. Quoique…
Dire qu’il a détesté la politique n’est donc pas à prendre au pied de la lettre, surtout qu’un homme qui réussit à se faire élire, deux fois dans deux circonscriptions différentes (Anjou et Drummond), a des efforts à faire pour y parvenir.
Il n’est pas le premier du reste à affirmer que la politique est une affaire exigeante. «J’ai été membre des commissions régionales mises sur pied par Jacques Parizeau, celle de Montréal, où je devais me rendre à tous les soirs et revenir à Ottawa pour reprendre mes activités de député le lendemain matin. Cela a duré deux mois. Je prenais du poids, je fumais comme une cheminée. J’ai fait une crise de cœur. C’était en 1996, un an après le référendum».
Roger Pomerleau est toujours indépendantiste. Il œuvre dans l’association péquiste de Drummond/Bois-Francs tout en restant proche des bloquistes.
«Oui, je pense que le Bloc a toujours sa place à Ottawa. D’ailleurs, je m’attends à un bon score aux élections de 2019. Pour que le parti soit reconnu à la Chambre des communes, il faudra plus de 12 députés. Je prévois que le Bloc récoltera entre 20 et 40 sièges. On me dit que des membres du NPD ont approché des gens du Bloc et que plusieurs seraient intéressés à joindre nos rangs. N’oublions pas que le Québec vote souvent par émotion. Mais, pour le moment, nos énergies sont dirigées vers le Parti québécois. Jean-François Lisée a eu une bonne idée en faisant de Véronique Hivon la vice-chef du parti. Au caucus national, dernièrement, je dirais que les jeunes représentaient une proportion de 20 % des militants. Ils sont solides, mais pas assez nombreux. Si les jeunes n’embarquent pas, le Parti québécois va mourir», annonce-t-il
C’est au Collège Saint-Alexandre, à Gatineau, qu’il a développé tout d’un coup le goût de l’indépendance.
«Le samedi soir, on avait droit à des activités comme des conférences et, une fois, on a eu comme conférencier Pierre Bourgault. J’ai écouté son discours, il était très éloquent. Il m’a assommé. Ses arguments ainsi que les faits historiques sur lesquels il s’appuyait, tel que le rapport de Lord Durham, étaient bien documentés. Le lendemain matin, je me suis levé et j’étais indépendantiste».
À la question de savoir ce qui se passerait si un éventuel référendum serait gagnant par un dixième de point, Roger Pomerleau commence par dire que la même question lui a été posée par le président de la Chase Manhattan Bank lors d’un dîner où il s’est retrouvé assis à ses côtés. «J’étais l’un des rares qui parlaient anglais au sein du Bloc et j’étais l’adjoint d’Yvon Loubier à titre de représentant de l’opposition officielle en matière de finance. M. Loubier avait dû s’absenter et la conversation s’est engagée avec le banquier américain. Quand il m’a posé cette question, je lui ai répondu : money talks! Je lui expliqué que le calcul de Jacques Parizeau était que nous devions pa4yer au Canada une somme égale à 18 % de la dette qui s’élevait à 600 milliards $, une fois déduites les immobilisations comme les ponts et les bâtiments fédéraux. Parizeau avait mis en réserve plusieurs milliards de dollars à mettre sur la table immédiatement. Parizeau prévoyait déclarer l’indépendance dès le lendemain d’un référendum gagnant. Mais pour avoir droit à cette somme de 18 % de la dette, le Canada aurait été obligé de négocier. No accept, no payment. Le banquier a compris ça (…) J’ai toujours aimé Parizeau et son sens de la répartie. Ceux qui le critiquaient parce qu’il se trouvait souvent aux États-Unis, il avait rétorqué : quand un éléphant couche avec une souris, il est important que l’éléphant sache où se trouve la souris…»
Celui qui vient de déménager de Lefebvre à Drummondville parle aussi l’italien. Au collège, il a traduit l’Iliade du grec au français, une entreprise qui a duré deux ans. «Le grec et le latin se ressemblent et le latin m’a amené à l’italien», raconte-t-il.
L’ex-politicien intervient parfois à la période des questions au conseil municipal sur le sujet des gaz de schiste. «Je crois que c’est un enjeu qui devrait être une priorité durant la prochaine campagne électorale. Le jour où une compagnie se donnera le droit de creuser sur un terrain privé, sans autre autorisation que les «claims», ça va bouger beaucoup plus et certains disent que les gens de Lotbinière seront les premiers touchés», avance-t-il.
Parcours politique
Charpentier de carrière, Roger Pomerleau est né à Montréal. Il est devenu député du Bloc québécois dans la circonscription d’Anjou—Rivière-des-Prairies lors des élections de 1993 après avoir défait le député sortant et ancien maire Jean Corbeil du Parti progressiste-conservateur. Lors des élections de 1997, il a perdu son siège aux mains du libéral Yvon Charbonneau. Il est revenu sur la scène politique en 2008, succédant à la députée sortante Pauline Picard dans la circonscription de Drummond.
Durant son premier mandat, il a été porte-parole du Bloc québécois en matière de Ressources naturelles de 1994 à 1996 et de Finances de 1996 à 1997. Il a aussi été porte-parole en matière de Patrimoine canadien.