Roland Janelle et sa boîte à souvenirs

Roland Janelle et sa boîte à souvenirs
La Maison des arts Desjardins de Drummondville a souvent été reconnue comme l'une des meilleures salles en province. Ici

Par Jean-Claude Bonneau

CULTURE. Dans le cadre du 50e anniversaire de la Maison des arts Desjardins, l’ancien directeur général Roland Janelle a accepté de fouiller dans sa boîte à souvenirs… une boîte qui renferme bien des anecdotes qui n’ont jamais défrayé les manchettes.

Tout au long de ces cinq décennies, la Maison des arts Desjardins aura permis à des artistes de renommée de se produire à l’extérieur des grands centres, dans une salle accueillante, mais elle aura permis également à de nombreux jeunes artistes de se façonner une carrière exceptionnelle, que ce soit en théâtre, en chanson, en humour, en danse ou en musique.  

Roland Janelle a habité la Maison des arts durant plus de 33 ans. Il y a passé des milliers d’heures, à peaufiner, avec son équipe, des programmations variées et intéressantes. Au fil des ans, M. Janelle a su développer non seulement de bonnes relations mais de belles amitiés avec plusieurs artistes et plusieurs producteurs.

D’entrée de jeu, Roland Janelle aime se rappeler «l’examen de passage» auquel il a eu droit à un certain moment de sa carrière. «Le premier spectacle que j’ai acheté de la Compagnie Jean Duceppe a été Je veux voir Mioussov, mettant en vedette Béatrice Picard. J’ai négocié l’entente avec Jean Duceppe lui-même. C’était assez impressionnant surtout quand les premières paroles de M. Duceppe sont : T’es qui toi, est-ce que je peux te faire confiance? Pas besoin de dire qu’au Centre, on a redoublé d’ardeur. La pièce a été présentée devant une salle comble si bien que M. Duceppe m’a dit "On va continuer à travailler ensemble". Faut croire qu’on avait passé avec succès l’examen Duceppe».

M. Janelle rappelle aussi que l’avènement Céline Dion a quelque chose d’unique. «Il y a eu trois séjours de répétitions avec Céline Dion et à chaque fois, c’était pour une semaine. Lors du premier séjour, René Angélil nous avait demandé d’aller le reconduire au garage, son auto étant en panne. À cette époque, Céline et René n’avaient pas encore connu la gloire. Il y a aussi ce fameux bercethon avec Céline et Maman Dion organisé pour venir en aide à la fibrose kystique.»

Et il y a eu la montée vertigineuse d’André Philippe Gagnon après son passage à Johnny Carson Show (une semaine de répétitions au Centre culturel et deux salles remplies en quelques heures), le début de Ding et Dong et les nombreuses représentations de Broue.

Parmi les artistes qui ont grandement impressionné Roland Janelle, on peut certes parler de Loreena McKennitt. «Nous l’avons reçue une première fois en 1990. Elle avait déjà une voix de cristal extraordinaire. Demeurant à Toronto, elle est arrivée à Drummondville en train. Je suis allée la chercher à la gare. Pas besoin de dire que j’ai eu de la difficulté à entrer la harpe dans l’auto! Le spectacle a été présenté devant à peine 100 personnes, un dimanche après-midi. À l’époque, elle était très peu connue et elle se cherchait un distributeur pour son premier disque Elemental. Deux ans plus tard, elle avait vendu des millions de disques partout dans le monde. Elle est revenue aux fêtes du 175e anniversaire. Aujourd’hui, c’est une vedette internationale.

À l’été 2007, j’avais eu vent d’une tournée au Québec et dans les Maritimes, poursuit M. Janelle. J’ai donc contacté le producteur Ruben Fogel que je connaissais bien et je lui ai dit que je voulais présenter Loreena à la Maison des arts. Ruben hésitait mais Loreena a accepté immédiatement. Pour ce faire, elle a annulé une des deux représentations qui étaient prévues à Halifax. Nous avons rempli la salle cette fois-là et elle a passé la journée à Drummondville, rencontrant même tout le personnel. Elle est revenue deux fois par la suite, soit en 2011 et pour l’ouverture de la nouvelle salle en 2014. Elle n’a jamais oublié Drummondville».

La danse et le théâtre d’été

Pour M. Janelle, la danse a aussi occupée une place très importante.

«Il y a eu de belles collaborations avec Germaine Proulx, Eddy Toussaint, Eva Van Genci, les Ballets jazz de Montréal. Et que dire des théâtres d’été qui ont débuté en 1992, sous la tente en arrière du Dauphin, avec Marie-Soleil Tougas, Benoît Brière et Louis-Georges Girard. Par la suite, ce fut l’ère de Gilles Latulippe et sa troupe. J’ai grandement apprécié le grand cœur de M. Latulippe. Je me souviens qu’en 2010, il avait créé un rôle spécial pour Serge Christiaenssens qui ne pouvait être de toutes les représentations, souffrant alors d’un cancer. Gilles Latulippe, c’était une personne très généreuse qui aura marqué son temps. Et il y a eu des pièces de théâtre mémorables, comme L’Ouvre-boîte avec Jean-Louis Roux et Yvon Deschamps, et des premières de spectacle comme avec Ti-Guy et Ti-Mousse.»

Gâté par la vie

Avec un peu de recul, Roland Janelle ne se cache pas pour dire qu’il a été gâté par la vie.

«Ce fut de très belles années. J’ai été chanceux et j’ai été appuyé par des gens et des compagnons de travail formidables, comme Claire Lahaie et autres. J’ai aussi eu la chance d’avoir un mentor exceptionnel, en Michel Trudel avec qui j’ai travaillé à titre d’adjoint pendant quatre ans. À mon humble avis, Michel est vraiment celui qui a donné un élan à la vie culturelle drummondvilloise. C’est à lui que revient la création de la Galerie d’art et du Carrefour socioculturel. C’est aussi lui qui a offert une place aux organismes résidant au Centre culture et c’est lui qui a lancé l’idée du théâtre d’été sous le chapiteau. Il a été des premières heures du Festival mondial de folklore et c’est à lui que revient l’idée de créer en collaboration avec SMD la 2e billetterie automatisée au Québec, après celle de Québec et avant celle de la Place des arts. Michel Trudel, ce fut tout un coach et je lui dois beaucoup», conclut Roland Janelle tout en rappelant l’évolution de la salle de la Maison des arts qui est passée de 736 sièges en 1967 à 946 places aujourd’hui.  

Anecdotes

Roland Janelle pourrait certainement écrire un livre de «moments savoureux, d’anecdotes ou d’incidents» qui ont marqué sa carrière de dg à la Maison des arts Desjardins. En rafales, il s’est remémoré…

– «De la présence de Johnny Clegg en 1988. «C’était incroyable. Clegg et Savuka étaient habitués de jouer dans des amphithéâtres de 100 000 personnes et par une bonne relation avec Donald K. Donald, nous avons pu les produire à Drummondville. Ce fut la même chose avec des artistes comme Humperdink.»

– «Lors d’une répétition de Michel Louvain, une pièce d’éclairage s’est détachée du plafond et est tombée sur la scène, juste à côté de lui. Il a eu peur et nous aussi. Il est devenu pas mal blême».

– «Dans le cadre d’un spectacle de Diane Dufresne, un dimanche après-midi, les gens se sont levés pour lui chanter bonne fête. C’était très spécial et elle a grandement apprécié».

– «Et il y a Clémence Desrochers qui, dans la première partie d’un spectacle, avait dit à son auditoire, en rigolant il va sans dire, qu’elle aurait aimé être accueillie avec un bouquet de fleurs. Sitôt dit, sitôt fait. J’ai immédiatement appelé Denis Lampron chez Rose Drummond et en le temps de le dire, une gerbe de fleurs était acheminée à la Maison des arts pour surprendre Clémence à l’entracte. Elle en a fait mention dans sa deuxième partie de spectacle.»

– «Et la grande Ginette Reno, on avait vraiment hâte de la voir sur scène pour son spectacle.»

– «Il y a eu aussi les lancements de saison dont celui de 1988-89 dans le décor de Broue, les après-spectacles avec les gars de Broue, Yvon Deschamps et plusieurs autres. Je n’ai jamais reçu un refus d’un artiste pour rencontrer les spectateurs ou encore un commanditaire»,

– «J’ai en tête l’exposition sur le hockey tenue en 1985 dans le cadre du Tournoi midget. Nous avions en exposition tous les trophées de la Ligue nationale, grâce à Ronald Corey. Le conservateur du Temple de la renommée, Lefty Reed, a même passé toute la semaine avec nous, au Centre culturel.»

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