Par Jean-Claude Bonneau
La Maison des arts Desjardins fêtera dans quelques jours son 50e anniversaire de fondation. Le premier demi-siècle de cette maison de la culture sous toutes ses formes aura permis de moments magiques, souventes fois très heureux mais parfois plus nostalgiques.
Afin de nous rappeler certains grands moments ou de nous raconter certaines anecdotes des débuts de l’amphithéâtre de la rue Ringuet qui n’ont jamais été rendues publiques, nous avons fait appel à un Drummondvillois qui a été le premier en 1967 à diriger la Maison des arts Desjardins, Pierre Parent.
Beaucoup d’efforts
Pour Pierre Parent, l’ouverture du Centre culture (à l’époque) a demandé beaucoup d’efforts. «Au début, il y avait une certaine opposition chapeautée principalement par la Ligue des propriétaires, un organisme important et présent, à l’époque, à toutes les assemblées du conseil municipal. La Ligue contestait surtout les coûts d’exploitation et le besoin qu’avait Drummondville de posséder et d’exploiter un Centre culturel. Même si la construction du Centre avait surtout été financée par les gouvernements fédéral et provincial, il a fallu contrer l’influence et les messages transmis par la Ligue. Pour ce faire, j’avais mis en place un plan de vente et de sensibilisation de toute la population sur le rôle que pouvait jouer le Centre culturel dans le développement de Drummondville et dans l’enrichissement culturel de tous les citoyens de la région. Une campagne d’information sur les divers services et événements que pouvait générer le Centre culturel a duré plusieurs semaines, a soulevé beaucoup d’intérêt et a permis de répondre à plusieurs critiques et commentaires générées par La Ligue», souligne d’entrée M. Parent.
Pierre Parent rappelle que la démarche la plus importante de son passage au Centre culturel a été de planifier et de réaliser une campagne d’abonnement qui visait toute la population. «Durant l’été 1968, 50 étudiants ont eu comme mandat de rencontrer tous les citoyens de la ville, rue par rue, afin de distribuer un dépliant, de leur donner un maximum d’information sur le Centre et de leur vendre une carte de membre. À la fin de l’été, nous avions recruté 4000 membres. Cette carte offrait un accès privilégié aux membres avec des spectacles gratuits, d’autres avec un fort escompte et également un accès à prix réduit à plusieurs ateliers mis en place. Cette campagne et le succès reconnu par tous les intervenants culturels du Québec a permis au Centre culturel de Drummondville d’être considéré comme étant le plus dynamique au Québec. Aucun autre n’avait mis en place une démarche semblable qui a permis de recruter 4000 membres. Les spectacles présentés faisaient salle comble. Ceux offerts par le ministère des Affaires culturelles remplissaient aussi la salle chaque fois. Nous étions les seuls au Québec à réussir cet exploit. Le taux de popularité du Centre est devenu très important et la population de Drummondville le considérait comme un acquis majeur pour la ville. Ces deux campagnes ont mis fin aux diverses interventions de la Ligue des propriétaires concernant le Centre culturel», renchérit le premier dg de l’institution de la rue Ringuet.
Le professeur Maigre Échine
Provenant d’un milieu ouvrier, Pierre Parent a toujours voulu impliquer les jeunes travailleurs dans plusieurs des activités du Centre culturel. L’initiative dont il garde de très bons souvenirs se veut la d’une troupe de théâtre qui présentait, tous les samedis après-midi, un spectacle pour les enfants.
«J’écrivais les lignes principales du texte et, avec les comédiens, nous finissions le scénario pour le spectacle qui était présenté quelques jours plus tard. Professeur Maigre Échine était une série dont les deux personnages principaux personnifiés par Pierre Frigon et Nicole Laroche étaient un élève turbulent, rempli de tours et très indiscipliné, et son professeur, Maigre Échine. Une douzaine de comédiens jouaient dans cette série qui a fait salle comble chaque semaine et qui a remporté un grand succès, tout en soulevant les éloges de plusieurs journaux surpris de notre capacité à produire, chaque semaine, un spectacle créé, joué et produit au Centre culturel.»
Le premier théâtre d’été
Un des grands sujets des années 1968-69 concernait l’établissement du nouvel aéroport de Montréal. Le ministre responsable des transports pour le gouvernement canadien était Jean-Luc Pépin, aussi député du comté de Drummond. Une grande campagne s’est mise en place pour convaincre M. Pépin de choisir notre région pour établir cet aéroport. Comme tout le monde le sait, la région de Mirabel-Sainte-Scholastique a été choisie.
«Je voulais depuis quelques mois mettre en place un théâtre d’été dans une des salles du Centre culturel. Avec l’aide de plusieurs et avec des budgets très limités, nous avons aménagé un théâtre de 120 places que nous avons baptisé « Le Sainte-Scholastic ». Nous avons choisi un texte de Molière que nous avons adapté en utilisant des noms de personnages qui ont pu être impliqués dans le choix de l’emplacement de l’aéroport. Un artiste de la région, Jean-Pierre Manseau, a composé une chanson thème pour le théâtre. Le texte de cette chanson était engagé comme l’était également celui de la pièce. Le théâtre se remplissait de plus en plus chaque jour. Toutefois, environ 10 jours après le début des représentations, j’ai reçu une lettre de l’association des auteurs qui m’ordonnait de reprendre le texte original de Molière. De plus, un avocat de la région nous menaçait de poursuite si nous ne ramenions pas le texte de Molière. Après une consultation qui dura une bonne semaine, nous avons ramené le texte original de Molière, mais chaque représentation était quand même précédée de la chanson de Manseau et d’une explication concernant les changements», se rémémore Pierre Parent.
En conclusion, M. Parent avoue, sourire en coin, que près de 50 ans plus tard, Mirabel était probablement le bon choix pour un aéroport alors que la Maison des arts Desjardins fait et fera encore pendant de nombreuses années la fierté de Drummondville.