«Je n’ai jamais senti qu’il n’allait pas bien»

«Je n’ai jamais senti qu’il n’allait pas bien»
Carl Laplante a livré son touchant témoignage devant environ 300 personnes.

TÉMOIGNAGE. «Le suicide, il faut en parler pour que ça devienne un sujet moins tabou, ne serait-ce que quelques secondes pour faire en sorte que ça mène à d’autres discussions ou qu’une personne qui a le mal de vivre s’ouvre.» 

C’était la toute première fois, mercredi, lors du 5 à 7 pour la Vie du Centre d’écoute et de prévention suicide (CEPS) Drummond, que l’artiste peintre livrait son témoignage en public depuis que son fils de 12 ans, Jacoby, a commis l’irréparable il y a 4 ans et demi. Environ 300 personnes étaient présentes pour l’écouter et à se fier aux commentaires, son message a touché le cœur de plusieurs.

Le Drummondvillois a commencé par parler de son fils en décrivant l’enfant et l’adolescent qu’il était.

«Jacoby, quand il était plus jeune, il était lunatique et à l’école, ça allait moyen. Vers 10-11 ans, je ne sais pas ce qui est arrivé, mais il y a un éclair qui est tombé sur lui! Il est devenu comique, un pince sans rire et ça allait mieux à l’école. Il y avait aussi un côté artiste vraiment développé dans le dessin et même dans la musique et le chant. Il adorait ça et en plus, il était très bon», a-t-il exposé.

Il excellait également dans le football et était aimé de ses pairs. À la maison, «tout allait bien». Même que son père était davantage présent ces dernières années.

«J’ai commencé à vivre de mon art en 2003 et le but premier de peindre à plein temps c’était pour m’occuper de mes enfants, je venais de me séparer à l’époque, a laissé entendre le père de famille de quatre enfants. Je gérais une entreprise de 80 employés et j’étais tanné de ne pas être présent pour eux.»

Sa dernière journée

Puis, vient le moment de parler de cette journée horrible qui a marqué à tout jamais la famille et les amis. C’est le 13 novembre 2012, c’est jour de classe. Avec des amis, Jacoby met le feu à du papier de toilette à l’école, simplement pour s’amuser, ne se souciant pas des possibles conséquences.

«C’est une niaiserie, comme celle que tout enfant peut faire», a-t-il fait valoir.

L’adolescent de 12 ans est suspendu de l’école pour le reste de la journée et doit retourner à la maison, une copie en main.

«Lorsque je suis arrivé à l’école, je l’ai chicané devant le directeur, une chicane habituelle entre un parent et un enfant. Je voulais le punir du geste qu’il avait fait, car c’était dangereux. Je l’ai ramené à la maison et j’ai quitté par la suite pendant 30 minutes, car j’allais visiter un appartement pour un de mes enfants.»

C’est durant ce court laps de temps que Jacoby a commis son geste fatal.

«Quand je suis revenu, j’ai retrouvé mon fils dans sa chambre avec une petite note sur laquelle il était seulement écrit  "Désolé maman et papa". C’est tout. Il avait commencé à faire sa copie…», relate-t-il, la voix nouée.

Les effets et conséquences

Après un tel drame, arrivent les effets et conséquences sur les proches, note M. Laplante.

«Tu as une démotivation complète sur tout, donc ça se répercute sur ton travail, ta famille. Les finances ne vont pas bien. Ça fait 4 ans et demi et encore aujourd’hui, je me sens beaucoup comme ça, quoique c’est un peu moins pire. La thérapie de groupe sur le deuil au CEPS m’a beaucoup aidé», a-t-il souligné.

S’ajoutent également la culpabilité et les milliers de questions, comme "Qu’est-ce que j’aurais pu faire pour l’éviter?". Dans le cas de Jacoby, rien ne laissait présager qu’il souffrait.

«Je n’ai jamais senti qu’il n’allait pas bien. Il ne montrait pas ses malheurs.»

En parler

Dans les prochains mois, Carl Laplante entamera une série de conférences.

«Mon but c’est que le suicide devienne un sujet moins tabou. Je suis conscient que ça va l’être toute la vie, même encore chez moi, dans ma famille, ça l’est, même si on en parle de temps en temps. Mais l’objectif c’est que les gens s’ouvrent plus et qu’on soit davantage capable de déceler ceux qui ont le mal de vivre», insiste-t-il.

«Vous tous ici ce soir, en participant à la cause du CEPS, vous ne sauvez pas seulement une vie avec vos dons, vous sauvez aussi la famille au complet.»

L’artiste peintre veut éventuellement faire un vernissage et donner 40 % ou 50 % des ventes au CEPS.

«Je veux aussi le faire avec d’autres fondations prévention suicide à travers la province. C’est le début d’un projet à long terme», fait-il savoir.

Soulignons en terminant que le 5 à 7 pour la vie a permis de récolter 75 000 $ au CEPS.

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