CENTRE-DU-QUÉBEC. Jamais, depuis ce premier spectacle à ce qui était alors la Poly Le Boisé le 25 février 1977, Pierre Verville n’aurait pu imaginer cette longue, riche et diversifiée carrière qui est la sienne. Qui l’a mené sur scène, à la radio, à la télévision, dans les coulisses du doublage. Quarante ans! Ce «fou des oiseaux», habilement, saute d’une branche à une autre, se faisant, tour à tour, imitateur, comédien, chanteur, animateur.
u bout du «fil», pendant un peu plus d’une heure, il parle de son métier avec autant de fougue et de fébrilité que jadis.
Et comme jadis, il ponctue ses propos avec la voix d’un autre personnage. C’est à s’y méprendre; on croirait entendre les confidences d’un Michel Tremblay ou du «très expansif» Daniel Pinard, personnage dont il s’ennuie.
Le cellulaire vissé à l’oreille, il parle en sortant d’un studio d’enregistrement, s’embarque dans un taxi qu’on devine conduit par un chauffeur d’origine haïtienne, pour retourner à sa maison de la métropole où il vit depuis presque quatre décennies.
Son 40e anniversaire de carrière, il n’a pas le temps de le souligner. Mais il se souvient très précisément des dates de ses premiers spectacles dans la région. Outre celui de la Poly où il étudiait, il s’est aussi produit le 11 mars 1977 (au Cégep ou à l’école JPH Massicotte). «Mais le vrai show, c’était celui au Laurier le 10 juin! J’en garde de très beaux souvenirs. Quel accueil. Ça a été pour moi un point tournant, le moment où je me suis dit que c’est ce que ferais dans la vie!»
C’était au cinéma Laurier devenu le Carré 150. Même si sa découverte de la nouvelle salle de spectacle de Victoriaville s’est produite à l’occasion de tristes circonstances, les funérailles de son ami et complice Jean-Pierre Lambert, il a été enthousiasmé par le lieu. «C’est écoeurant!», lance-t-il… évidemment pas au sens littéral du terme.
Un spectacle avec Lemire
Il y reviendra d’ailleurs avec ce spectacle qu’il est à concocter avec Daniel Lemire et qui devrait prendre la route à partir d’août. «Je viendrai à Victo le plus tard possible, après une vingtaine de représentations, parce que je veux que le spectacle soit bien rodé.»
Ce Lemire-Verville, c’est un cadeau qu’il dit s’offrir. Lemire et lui ont déjà travaillé ensemble dans des numéros présentés, notamment, à Juste pour rire et à l’émission Casse-tête. Les deux avaient continué de se voir occasionnellement, bien occupés, chacun de son côté, par le métier, mais aussi par leur paternité, Lemire ayant trois enfants, Verville, deux.
«C’est d’un naturel qu’on travaille ensemble. On a beaucoup de points en commun, on a la même vision des questions politiques et géopolitiques.»
Verville aurait bien du mal à définir, pour l’instant, ce que sera ce spectacle. «Juste pour te donner une idée. On avait préparé deux sketches… qu’on a finalement jetés à la poubelle.»
Il en esquisse toutefois les contours, parlant d’un spectacle d’une facture plutôt théâtrale composé de sketches à deux. «L’actualité va trop vite pour que nos numéros s’y attachent. Il faut que le spectacle comporte une certaine durabilité, l’actualité étant du vite jetable.»
C’est Denis Bouchard qui assurera la mise en scène. Verville et Lemire ont commencé à s’atteler à la création. Mais ce n’est vraiment qu’à l’été qu’ils s’y concentreront.
À faire la recension de tout ce qui occupe l’artiste de 55 ans, on se demande vraiment comment il pourra s’embarquer dans l’aventure de la tournée! «Ce sera les jeudis!», s’exclame-t-il.
L’agenda chargé
Parce que Verville exploite ses multiples talents pour la dixième année à l’émission radiophonique de Radio-Canada À la semaine prochaine diffusée le samedi matin, à la télévision de Radio-Canada pour la quatorzième année à Et Dieu… créa Laflaque le dimanche soir, s’aligne pour une quatrième saison de la série Mensonges à TVA où il incarne le lieutenant Lévesque et entreprend sa troisième saison du documentaire Fou des oiseaux diffusée au canal Unis TV.
L’ornithologie
On pourrait croire que sa passion pour l’ornithologie, «amateur» précise-t-il, constitue une digression dans sa carrière. Oh que non, répond-il. Parce que c’est l’observation attentive des oiseaux qui lui a donné sa voix. Qui lui a permis de se découvrir, de se sentir suffisamment «solide» pour animer des événements, donner des conférences, témoigner. «Parce que l’imitation est une béquille formidable.»
Avec Fou des oiseaux, il voyage et rêve d’ailleurs de faire le tour du monde. «Observer les oiseaux, c’est un peu comme de l’imitation. On apprend à connaître leur chant, leur habitat… Et ce sens qu’il faut développer me sert à imiter les politiciens les plus difficiles», comme le ministre Coiteux qu’il a mis des heures à observer.
Le métier de comédien, son fameux Jean-Guy Lavigueur de la série Les Lavigueur (rôle qui lui a valu un Gémeaux), lui a aussi permis d’enrichir sa palette… jusqu’à devenir bien plus que le simple imitateur qu’il était à 25 ans, un véritable caricaturiste. C’est au compte-gouttes qu’il accepte désormais des rôles dramatiques, disant se sentir le plus à sa place dans une émission comme À la semaine prochaine avec le «chef d’orchestre» Philippe Lagüe présentée devant public.
Il ne fait plus de doublage, non plus que de publicité, mais il a trouvé un plaisir intense à «colmater» certaines brèches sonores, en empruntant, notamment, la voix de Robert Lepage pour quelques séquences du film <@Ri>Stardom<@$p> de Denys Arcand. «C’est du travail dans l’ombre, mais j’ai eu tellement de fun à faire ça.»
Sa fille Marianne
Inévitablement, parce que la conversation glisse vers sa famille de qui il n’a jamais voulu s’éloigner, Pierre Verville parle de Marianne, sa fille qui a incarné, entre autres, Aurélie Laflamme au cinéma et Mélissa (Romane) Quesnel (St-Denis), dans <@Ri>District 31<@$p>. «Un beau rôle pour elle. Je ne la pousse pas, mais ne la décourage pas non plus. J’ai refusé trois fois la pub de lait qu’on a fini par faire elle et moi.»
La tête pleine de projets, Verville en a aussi un avec sa fille, étudiante en langues, sachant déjà parler allemand par son séjour à Berlin. Il ne dévoile pas la nature de ce projet.
En quarante ans de métier, il sait que le plus difficile est de durer et que pour cela, il faut sans cesse se développer. «Tout est all dressed pour moi!»