RÉGIONAL| Le ministère public, représenté par Me Isabelle Roy, a-t-il fait la preuve, hors de tout doute raisonnable, que l’ex-chef pompier de Warwick, Bernard Beaudet, a commis une fraude, un abus de confiance, produit et utilisé des faux documents entre mars 2010 et mars 2014? C’est sur cette question que se penchera la juge Guylaine Tremblay, de la Cour du Québec, au cours des prochaines semaines.
La cause de l’ancien directeur du Service de protection contre les incendies a été prise en délibéré, hier, à la suite des plaidoiries. Un peu plus de trois jours ont suffi pour présenter la preuve et faire entendre dix témoins, dont l’accusé, tout au long de la semaine. Le verdict tombera le 14 août, après les vacances estivales, vers 14 h. L’accusation de vol à laquelle il faisait face initialement est tombée sous la suggestion de la Couronne.
Lors des plaidoiries, l’avocat de l’ex-chef Beaudet, Me Mathieu Camirand, a insisté sur le fait que jamais son client n’a tiré avantage de sa position de cadre à la Municipalité. Il n’a pas, non plus, frustré quiconque par les faits reprochés. Il n’a jamais agi de mauvaise foi, n’étant pas conscient que ses actions pourraient être répréhensibles. «A-t-il manqué au code d’éthique? Certainement et possiblement plus d’une fois. Était-ce criminellement illégal, c’est autre chose. Ce n’est cependant pas à vous de déterminer ce qui était éthique ou non. On se penche ici sur l’aspect criminel», a-t-il dit.
Bernard Beaudet étant accusé de fraude en lien avec l’achat répété d’essence pour son véhicule personnel, qu’il utilisait également dans le cadre de ses fonctions, Me Camirand a rappelé que son client n’a pas nié avoir usé de la carte de crédit de son Service pour faire le plein. L’enquêteur de l’Unité permanente anticorruption, le sergent Maxime Bouchard, estime à 13 557,60 $ le montant de ces achats de 2010 à 2014. L’avocat a cependant nuancé la situation, disant que son client, lorsqu’il utilisait la carte de crédit, ne réclamait pas en double ce montant par l’entremise du compte de dépenses.
Sur l’achat de pneus pour son véhicule personnel, Me Camirand a dit que son client souhaitait dès le départ les rembourser. Jamais il n’a voulu s’en cacher, ni voler. En agissant ainsi, M. Beaudet voulait simplement bénéficier d’un escompte d’environ 60% sur ses pneus, selon lui. Même chose pour les deux toiles, d’une valeur de 2000 $ et qu’un commanditaire devait payer pour accrocher sur les murs de la nouvelle caserne. Encore aujourd’hui, ces toiles appartiennent à la Ville. En rien M. Beaudet a pu en tirer des bénéfices. L’accusé, d’ailleurs, doit toujours les rembourser. Il prétend que tout a été mis sur la glace à la suite de son arrestation.
Sur la production et l’usage de faux documents, la défense a répété qu’en aucun temps, M. Beaudet ne souhaitait porter préjudice à quiconque.
Le scénario est identique pour la modification d’un rapport en lien avec le schéma de couverture du risque. Me Camirand estime que M. Beaudet n’a pas agi de mauvaise foi.
L’avocat a remis en question les décisions de la direction générale de Warwick. Lise Lemieux, a-t-il dit, s’est empressée de régler les factures pour les toiles et les pneus alors qu’elle estimait ne pas être en accord avec leur achat. «Encore aujourd’hui, il n’y a aucune règle ou directive écrite concernant l’utilisation des cartes de crédit. C’est ce qu’on a appris dans le témoignage de Jacqueline Vallée», a-t-il enchaîné.
Pour l’accusation d’abus de confiance, Me Camirand estime que son client est innocent, hors de tout doute. «Il n’a rien retiré de tout cela. Il n’a pas fait d’argent. Il n’y a pas d’objectif de corruption, d’abus de pouvoir ou quoi que ce soit du genre», a-t-il lancé. Me Isabelle Roy a vu la situation d’un autre œil. «La Ville prenait la situation très au sérieux. On a même pris des mesures disciplinaires qui ont mené à une suspension sans solde. Tous avaient une confiance aveugle, grande, presque démesurée à l’endroit du directeur», a-t-elle plaidé en terminant.