RÉGIONAL| «Je l’ai crue quant à son âge. J’ai une adulte devant moi. C’est ma compréhension. Elle était claire et cohérente dans ses gestes. En aucun moment, je n’ai soupçonné qu’elle mentait. Le physique, d’ailleurs, confirmait ses paroles», a indiqué Pierre-François Blondeau en conclusion, hier, de l’interrogatoire mené par son avocat Me Yves Savard.
Blondeau, de même que Dominic Vézina et Jean-Christophe Martin, font face à quatre chefs d’accusation d’agression sexuelle avec lésions sur une adolescente de moins de 16 ans, d’agression sexuelle avec la participation d’une autre personne, de contacts et d’incitation à des contacts sexuels. Des faits qui seraient survenus en octobre 2014 lors d’une soirée «rave» au Complexe Sacré-Cœur de Victoriaville.
Pierre-François Blondeau, alias Midaz, son nom de chanteur, a dit au jury, formé de six femmes et six hommes, qu’il avait hâte de s’exprimer, de se faire entendre notamment sur la soirée que plusieurs témoins ont qualifiée de bordel. «La plaignante était extrêmement cohérente. Elle n’était pas une de ces personnes décrites dans le bordel. Elle était normale», a-t-il soutenu.
En discutant avec la plaignante et une amie, Midaz se serait fait demander son âge (22 ans, leur a-t-il dit), question qu’il leur a posée à son tour. «Elles m’ont dit : toi, tu nous donnes quel âge? J’ai répondu, 20 ou 21 ans. Elles ont ri, puis ont dit qu’elles avaient 18 ans. Une des deux, j’ai appris plus tard que c’était la plaignante, a juré qu’elles avaient 18 ans», a-t-il fait savoir.
Interrogé sur des attouchements sur la présumée victime une fois en route vers l’Auberge Hélène, Blondeau a tout nié. «Ce n’est pas arrivé. Et Jean-Christophe ne l’a pas fait non plus», a-t-il affirmé.
Une fois à destination, alors qu’il sortait du véhicule, la plaignante lui aurait lancé : «Je ne sors pas tant que tu ne me fo…. pas. Elle me regardait droit dans les yeux», a-t-il précisé.
L’accusé a confié qu’il est allé la rejoindre sur la banquette arrière où, selon lui, est survenue une fellation avec éjaculation.
Le jeune homme, aujourd’hui âgé de 24 ans, a dit avoir ressenti ensuite un malaise alors que l’adolescente souhaitait une relation sexuelle, mais qu’il n’y parvenait pas. «J’essaie, a-t-il dit, d’avoir la solidarité des hommes du jury parce que je suis tombé au combat. Ça ne fonctionnait pas du tout.»
«Elle a tenté, de nouveau, une fellation, a-t-il poursuivi. Mais c’était terminé, aucune possibilité. J’avais un peu honte. J’ose espérer que les gars me comprennent un peu. Ça n’a pas marché. Et non, je n’ai pas été romantique. Je ne l’ai pas embrassé.»
En sortant finalement du véhicule, se sentant un peu humilié, a-t-il noté, il reconnait avoir lancé une phrase de la sorte. «C’est rare qu’une fille veuille autant».
Pierre-François Blondeau a aussi fait part de son échange avec une amie sur Facebook, de la marche qu’il lui avait proposée.
Il nie toute relation sexuelle avec la plaignante dans la salle de bain de la chambre de l’auberge. Mais en allant uriner, il avoue avoir constaté que la jeune fille, nue, se trouvait assise sur le bord du bain, dos à lui. «Je ne lui ai pas parlé», a-t-il dit.
La plaignante l’a réveillé le lendemain matin pour récupérer quelque chose dans le Jeep.
«Quel état son comportement?», l’a interrogé Me Savard. «Rien n’avait changé depuis la veille. C’était une personne de bonne humeur qui ne présentait aucun signe d’intoxication. Aucune cloche n’a sonné. Moi qui suis dans le milieu artistique, je suis alerte à ces choses-là. Je vous jure, je n’ai vu aucun signe de quoi que ce soit, sinon ça n’aurait pas eu lieu», a-t-il signalé.
En route pour le retour, le comportement de l’adolescente, au départ, était normal, mais son comportement a changé au moment où sa mère tentait de la joindre au cellulaire. «Elle exprimait son stress et sa frustration. Elle disait que sa mère ne la lâchait pas. Elle a utilisé, c’est clair, le mot conne vis-à-vis sa mère», a souligné Pierre-François Blondeau, reconnaissant lui avoir dit que ses parents étaient avocats dans le but de l’aider alors que la plaignante aurait fait part de son expulsion pour une affaire de stupéfiants.
Puis, il a appris, en lui demandant la raison de tout ce stress, l’âge véritable de l’adolescente. «Il n’y a pas d’autre mot que la panique pour expliquer la réaction. Je savais que c’était quelque chose de grave des rapports avec quelqu’un âgé de 15 ans», a-t-il confié.
Et tous, dans le véhicule, sont devenus plus silencieux, selon lui. «Mais elle-même a dit mot pour mot : inquiétez-vous pas, j’ai déjà couché avec des gars plus vieux», a soutenu l’accusé.
Blondeau a aussi affirmé qu’en route, la plaignante a consommé du cannabis et qu’elle a demandé au conducteur de s’immobiliser afin d’appeler son patron pour lui annoncer qu’elle était malade. «Elle voulait qu’on s’arrête pour que son mensonge soit crédible», a-t-il noté.
Avec sa nouvelle amie Facebook avec qui il échangeait, Midaz lui a également demandé si elle était majeure pour vrai. Il a essuyé un non comme réponse. «Elle m’a avoué avoir 16 ans. Je lui ai dit : Oh! Et on ne s’est plus jamais reparlé», a-t-il fait savoir.
Contre-interrogatoire de la poursuite
En contre-interrogatoire, en réponse aux questions de Me Éric Thériault de la poursuite, Pierre-François Blondeau a confié n’avoir pas vu de personnes «dangereusement intoxiquées», mais qu’il voyait un «party actif», ce qui a fait au procureur : «Étiez-vous au même party?»
Pourquoi donc la soirée finit-elle plus tôt, à 2 h 15, plutôt que 3 h? «Cela ne m’a pas sonné de cloche. Je pense que c’était davantage par prévention. Ça avait mal commencé, mais ça allait bien ensuite», a-t-il mentionné.
L’accusé a pointé la nervosité lorsque, a-t-il dit, il a fait une tentative d’humour en parlant de la «vue glorieuse des fesses de Dominic» lorsqu’il est entré, avec Jean-Christophe Martin dans la loge (cuisinette) vers minuit.
Midaz a aussi fait valoir que la cuisinière, Sylvie Forand, se trompe lorsqu’elle affirme avoir vu les fesses d’un homme blond et une femme à genou devant lui. «La plaignante n’a pas eu le temps de baisser mes pantalons. Dès que j’ai entendu la porte se fermer, j’ai eu le réflexe d’aller vérifier», a-t-il affirmé.
En entrant dans la loge, pourquoi, a questionné le procureur, l’accusé est-il entré quand même lorsqu’il a constaté les ébats avec Dominic Vézina et l’adolescente? «On a eu le réflexe d’entrer. Je ne suis pas en train de dire qu’on mérite un prix Nobel, mais rien ne clochait, même s’il s’agissait d’une situation peu commune», a-t-il répliqué.
Il a dit aussi avoir été saisi, plus qu’excité, lorsque la jeune fille s’est dirigée vers lui. Il y aurait sans doute eu fellation, a-t-il estimé, si Mme Forand ne s’était pas pointée.
L’état de la jeune fille était, selon lui, normal. Questionné sur son âge, il a soutenu qu’elle avait un corps de femme et le visage d’une adulte.
À Me Thériault, Blondeau a réfuté le fait qu’il ait voulu menacer la jeune femme en lui faisant savoir que ses parents étaient avocats. «Je lui ai dit cela avant de connaître son âge. C’était pour être gentil, pour l’aider, car ça n’allait pas bien», a-t-il indiqué.
Par ailleurs, Midaz ne croit pas avoir laissé seule la jeune femme dans le véhicule. Pourtant, Dominic Vézina, lui, a confié, dans son témoignage, avoir vu Blondeau entrer seul dans la chambre.
Alors que la plaignante se trouvait assise sur le bord du bain, là où la copropriétaire de l’auberge a soutenu avoir constaté des traces de sang, Pierre-François Blondeau a soutenu que la jeune fille semblait correcte lorsqu’il est entré dans la salle de bain pour uriner. «Son état n’avait pas changé depuis le début de la soirée. Mais on n’a eu aucune conversation», a-t-il confié.
Aux questions de la poursuite, l’accusé a notamment qualifié certains propos de la plaignante de «mensonges qui mettent en jeu notre liberté».
Mais après avoir parlé de plusieurs divergences dans les propos de la plaignante qu’elle a tenus aux accusés ce soir-là, Pierre-François Blondeau s’est ravisé pour finalement reconnaître une seule divergence, celle concernant ses prétendus champs d’études (médecine et pharmacie). «Les autres, c’était des choses choquantes», a-t-il ajouté.
Au retour dans la région de Québec le lendemain matin, l’accusé a qualifié de normal l’état de la plaignante au moment de quitter le véhicule. «Il n’y avait rien de particulier», a-t-il dit.
Ce contre-interrogatoire a mis fin, en ce 11e jour de procès, aux témoignages des trois accusés. Le procès se poursuit aujourd’hui..