CHANSON. Richard Séguin est visiblement heureux et fier de son nouveau spectacle qu’il trimballe aux quatre coins de la province. Un spectacle concocté sur mesure autour de son dernier album, Les horizons nouveaux.
Sur scène, une famille. Les guitaristes Hugo Perreault – réalisateur de ses albums et fidèle collaborateur depuis 20 ans – et Simon Godin, ainsi que la chanteuse Myelle, multi-instrumentiste qui manie le violoncelle, le clavier et les percussions. Et surtout, ce sont quatre voix.
«C’est une formule qui se prête à la nuance. Et de l’autre côté, qui peut avoir grande force de projection… quand tout le monde, on est à broil», lance Richard Séguin dans un éclat de rire.
Les horizons nouveaux forme le cœur de ce spectacle, sa couleur teintant également le choix des autres chansons qui s’y greffent, «des chansons qui voyagent, qui se répondent», précise le chanteur.
«Ce spectacle nous apporte beaucoup. On sort de là, on n’est pas fatigué, mais énergisé par les chansons et la façon dont on les fait.»
Le public retrouvera aussi les classiques comme L’ange vagabond et des chansons qui n’avaient pas été livrées sur scène depuis longtemps, telles Ici comme ailleurs et autres surprises.
Retrouver ces chansons écrites il y a parfois 25 ans amène forcément un autre regard. «Il y a une perte d’innocence dans la façon de les aborder. On peut continuer à parler des mêmes choses, mais plus on évolue, plus l’écriture est nuancée. C’est peut-être pour ça que, plus jeune, tu écris plus vite, dans une urgence peut-être».
Au cours des dernières années, au moins cinq ans séparent ses albums, pour «vivre dans le monde» avant de composer.
Sur la route
La route est omniprésente dans l’œuvre de Richard Séguin. «C’est une des plus belles métaphores de la vie. Et notre musique ne prend du sens que quand on va vers les gens.»
C’est d’ailleurs là, sur la route de la tournée, qu’il noircit des tonnes de cahiers. «Je cumule mes réflexions, mes impressions, ce que le monde peut me dire. C’est aussi banal que ça.»
Dans ses petits cahiers se trouvent alors les germes du prochain album, qui sera écrit à Saint-Venant; un processus de création efficace depuis 30 ans.
Dans la petite municipalité des Appalaches, celui qui en est à son 17e album s’est d’ailleurs bâti un petit chalet réservé à l’écriture, pour «éviter d’embêter le monde». En période d’écriture, il y plonge de 9 h à 16 h; le temps est ainsi bien partagé.
Horizons souhaités
Les horizons nouveaux de son album sont en fait les horizons souhaités. Ceux à élargir chaque jour. Espoir, mémoire, temps et liberté y foisonnent. Tant qu’y en a s’en prend par exemple à une «vieille conception» des régions, où l’«on vide les régions, on ferme la porte avec un cadenas et on abandonne, s’insurge-t-il. Ça me révolte.»
Répondre aux questions de sa petite-fille de 10 ans concernant les réfugiés syriens dans Au bord du temps lui permet d’aborder la question du devoir d’accueil. «En passant par elle, je trouve que ça simplifiait et grandissait le propos. On s’inscrit dans l’humanité de tout ça.»
Dans une époque où trônent le cynisme et «l’Amérique de la grossièreté» avec l’élection de Trump, l’espoir que portent et appellent les textes de Richard Séguin (Dans mon cœur, Les vents contraires, Dans le désir du monde) est le bienvenu. «L’espoir est le seul antidote qu’il nous reste. Si tu le laisses aller, c’est un cul-de-sac. C’est quelque chose qui se nourrit, un feu à alimenter.»
La poésie salvatrice
«Quand chu rentré les yeux vidés/ Quand c’est Miron qui m’a sauvé», chante Richard Séguin dans Quand on ne saura plus chanter.
Ce dernier voit l’art poétique comme un antidote.
«La poésie est à la rescousse quand tu feel bas. Ça te réconcilie avec toi-même, avec le monde, avec tout», explique celui qui a clamé avec bonheur les mots de Gaston Miron grâce à 12 hommes rapaillés.
Clore l’album avec un poème de Pierre Morency, Dans le désir du monde, n’est donc pas innocent. «"Ils ne mettront pas la hache dans ma mémoire". Ce poème m’a parlé beaucoup alors qu’on est dans un temps où la mémoire semble absente.»