PROTECTION DE LA JEUNESSE. Une décision rendue par la juge Marie-Josée Ménard en octobre 2016, mais qui vient d’être rendue publique, met en lumière les mauvais traitements qu’ont subis deux enfants au sein d’une famille d’accueil et les dérapages de la Direction de la protection de la jeunesse. Une situation qui suscite de nombreuses réactions.
«[…]complètement et totalement abandonnés.» C’est de cette façon que la juge Marie-Josée Ménard qualifie les deux enfants aujourd’hui au début de l’adolescence.
Les jeunes ont effectivement vécu pendant sept ans au sein de la même famille d’accueil, qualifiée de «toxique» par la magistrate. Claques au visage, humiliations publiques et rejet systématique figurent parmi les traitements inadéquats infligés aux jeunes, en plus des nombreuses fautes envers la Directrice de la protection de la jeunesse (la famille a notamment utilisé l’argent des allocations de dépenses des enfants pour des cours de piscine). Cependant, en sept ans, jamais les deux enfants n’ont été changés de milieu malgré les nombreux signalements.
«Manifestement, depuis plusieurs années, ces enfants sont exposés avec l’accord de la Directrice et la tolérance des intervenants à un milieu de vie qui est inadéquat, inapproprié et maintenant dangereux pour leur équilibre émotif. En raison des difficultés bien identifiées des enfants, on ne peut expliquer, justifier, tolérer que la Directrice ait été aussi passive dans son intervention auprès de ces enfants», peut-on lire dans le jugement. À plusieurs reprises, la juge Marie-Josée Ménard met l’accent sur certains mots, allant même jusqu’à écrire en majuscules, quelque chose que l’on voit peu dans les décisions rendues par le système de justice.
Dans un document déposé au tribunal, la DPJ reconnaît que «devant la répétition des faits reprochés aux parents d’accueil, une action rapide et soutenue pour soustraire les enfants de ces mauvais traitements aurait été attendue de la part de la Directrice.» Elle avoue également que les intervenants n’ont pas respectés les protocoles mis en place.
Le maire de Drummondville, Alexandre Cusson, s’est dit complètement révolté de cette situation. «Dire qu’il y a quelques mois, le PDG du CIUSSS dont relèvent les responsables de cette bourde nous faisait la leçon sur la protection de la jeunesse au Centre du Québec. Totalement inacceptable…» a-t-il mentionné. Rappelons que le directeur général du CIUSSS-MCQ, Martin Beaumont, avait interpellé la Ville de Drummondville à ce sujet en octobre dernier, martelant qu’il ne peut pas «changer ça tout seul. Il y a un dicton qui dit : "Ça prend tout un village pour élever un enfant" eh bien là, il va falloir le faire.»
Même son de cloche du côté du député caquiste Sébastien Schneeberger : «ce jugement de la Cour du Québec doit servir comme un signal d’alarme pour le gouvernement libéral. La ministre Charlebois ne peut plus rester les yeux fermés. L’inaction n’est pas la solution. Il y a clairement eu de la négligence volontaire de la part de la DPJ Mauricie–Centre-du-Québec. Le gouvernement a de sérieux comptes à rendre et doit faire toute la lumière sur ce qui s’est produit afin de s’assurer que plus jamais cela ne se reproduise.»
«C’est important que le CIUSSS et la DPJ se regardent dans le miroir avant de tout mettre sur le dos du municipal. Ça ne devrait pas arriver. Nous savons que ce problème est bien présent ici et s’il existe une solution à notre portée, il est certain que nous allons faire ce qu’on peut», affirme le directeur de cabinet du maire, Mathieu Audet, en soulignant toutefois que les pouvoirs de la municipalité sont limités en la matière.
En mai dernier, L’Express a obtenu des chiffres alarmants concernant le nombre de signalements au sein de Drummondville : en effet, près du tiers des signalements de tout le Centre-du-Québec proviennent de la ville, alors que pas plus de 14 % de la population centricoise totale y vit.