MÉTIER D’ART. Récemment installée dans sa nouvelle maison campagnarde à L’Avenir, Julie Lavoie pourrait bien devenir l’un des joyaux de la petite municipalité tant ses créations de céramique se démarquent. C’est qu’elle est l’une des seules au Québec à concevoir des services de thé selon la méthode traditionnelle japonaise.
Tout a commencé lorsque Julie est allée au Japon, après la fin de sa formation de trois ans au Centre de céramique Bonsecours. Celle qui avait autrefois envisagé de devenir photographe s’est découvert une véritable passion pour la poterie japonaise où la tradition veut que l’on cuise chacune des pièces dans un four à bois et non dans un four électrique comme le font la plupart des céramistes occidentaux.
«Dans le four à bois, il y a la flamme et les cendres du bois qui se déposent sur la pièce, ce qui lui donne un style particulier», explique-t-elle.
Le thé à la japonaise
Dans la première maison de campagne qu’elle et son conjoint Nicolas ont habitée dans le canton de Cleveland, Julie y a bâti son propre four à bois, qui a ensuite été transporté sur le terrain de la maison qu’ils ont construite à L’Avenir. Ce four contient cinq tonnes de briques, précise la céramiste, qui peut y faire cuire 250 pièces en même temps à une chaleur pouvant atteindre 1300 degrés Celsius.
De son séjour au pays du Soleil-Levant, elle dit en avoir ramené une autre vision de l’esthétique. Celle de la beauté de l’imperfection. «Les Japonais ont le souci du travail bien fait, mais aussi celui d’accepter ce qui se passe dans le four. La pièce imparfaite représente souvent la plus belle à leurs yeux», explique-t-elle.
Quiconque connaît bien les Nippons n’est pas sans savoir que ce sont de grands amateurs de thé. Durant les six mois qu’elle a passés là-bas, Julie a apprivoisé la cérémonie du thé, qui se caractérise par un rituel précis.
Lorsqu’elle est revenue, elle s’est mise à fabriquer des services à thé complet d’inspiration japonaise.
Pour la cérémonie du thé vert Matcha, il faut un bol dans lequel verser la poudre, que l’on brasse avec le chasen. Elle fabrique ces bols typiques ainsi que le porte-chasen, tout comme la théière sencha-do pour le thé sencha avec sa poignée de côté et ses trous intérieurs très fins.
Ses pièces sont non seulement jolies mais elles possèdent un caractère unique en raison de leur glaçage.
À ce sujet, Mme Lavoie est aussi capable de faire le glaçage Tenmoku. Qu’est-ce cela prend pour concocter tous ces glaçages? «C’est ma recette secrète», confie l’artiste.
Ardeur et passion
Julie s’est forgé une belle réputation au fil des ans. C’est qu’elle a le cœur à l’ouvrage, comme l’on disait autrefois. Elle travaille sans relâche. Avec ardeur, patience et passion.
Depuis sa sortie de l’école en 2009, elle n’a pas manqué un seul rendez-vous du Salon des métiers d’arts de Montréal. Elle travaille à temps plein à partir du mois de juillet afin de monter un inventaire de plusieurs centaines de pièces qu’elle espère bien sûr y vendre.
Ce n’est pas tout. Elle est devenue l’une des céramistes attitrées de la Maison de thé Camellia Sinensis, un établissement reconnu dans le paysage montréalais. Puis, elle vend aussi en ligne sur Etsy et trouve même le temps d’alimenter son blogue : julielavoieceramiste.blogspot.
Elle pourrait s’en glorifie, mais elle préfère rester simple. «Ça prend plusieurs années pour faire un potier. Toute une vie, en fait», commente Julie.
Art sculptural
En parallèle à sa carrière d’artisane, il y a aussi l’artiste en elle qui souhaite explorer la création sculpturale. Elle cherche des figures, assemble des pièces de porcelaine. «C’est la végétation qui croît en milieu hostile; le miracle de la vie», dit-elle en essayant d’expliquer son travail.
L’exploration sculpturale lui réussit. Elle a participé à une exposition au Musée de Sherbrooke, en 2013, puis à un SOFA à Chicago. Elle aimerait en inscrire davantage à son portfolio.
«J’ai des chose à dire en dehors de la création utilitaire. L’art contemporain, c’est une façon d’exposer un point de vue. C’est un langage personnel.»
Travail quotidien
En décembre, elle est bien occupée. Chaque jour, elle se met mise à la production. Du matin au soir. Chacune des poteries qu’elle crée a dû passer par une série d’étapes qui se sont étendues souvent sur plusieurs jours.
Il y a le pétrissage de la terre qu’elle tourne ensuite sur sa tour pour lui donner une forme, laquelle devra être tournassée (fignolée). Cette pièce devra sécher quelques jours avant de passer au four pour sa première cuisson, pour la biscuiter comme le dit l’artisane.
Ce n’est qu’une fois biscuitée que l’émaillage est effectué, c’est-à-dire trempée dans un glaçage qu’elle prépare elle-même. Puis, la pièce retourne au four pour sa deuxième cuisson, qui lui permettra de faire ressortir toutes ses couleurs. Ainsi cuite dans un four au bois, de beaux effets de couleur peuvent apparaître sur la pièce et lui conférer un cachet singulier, unique. «J’ai souvent de belles surprises», dit Julie. Ces belles pièces ne seront terminées qu’une fois que l’artisane leur aura passé un coup de sablage pour enlever leur rugosité.
Depuis sept ans, Julie Lavoie vit de son art. Avec la mondialisation, la culture et les nouveaux courants voyagent. «Je pense qu’il y a désormais un marché de connaisseurs de thé. Et c’est un marché en pleine expansion», conclut Julie Lavoie.