Jeudi soir dernier, Drummondville a reçu de la grande visite à la Maison des arts Desjardins: celle de Tartuffe et de ses amis. Mais, oh sacrilège, ils ne venaient point du 17e siècle de Molière, mais du Québec en pleine métamorphose de 1969.
Mise en scène par Denis Marleau et par Stéphanie Jasmin, à la direction artistique, la pièce de théâtre fort connue sur le Vieux Continent est l’un des joyaux de Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière, auteur fétiche de la comédie française. Ce que nul n’ignore.
Si l’œuvre de sieur Molière a su traverser les époques, c’est sans doute en raison de l’intemporalité de son propos. Sans doute aussi pour les déclamations tout en vers de ses personnages. Le théâtre du Nouveau Monde a voulu y ajouter son grain de sel moderne.
Lors de la première de cette nouvelle adaptation de Tartuffe, la surprise a été totale. Le metteur en scène Marleau s’est permis de transposer l’œuvre du plus célèbre auteur français en 1969, tout en prenant soin d’y laisser ses personnages user de la rime à volonté.
Vers l’an 1969
L’effet est pour le moins étonnant. La levée du rideau fait place à une dichotomie déstabilisante. Entendre Mme Pernelle, robe écourtée et coiffure moderne, s’exprimer en alexandrin dans un habitat signé Moshe Safdie, tient du surréalisme.
Si le metteur en scène Marleau a voulu surprendre, il y est parvenu. A-t-il voulu transposer l’histoire au 20e siècle ? A-t-il voulu placer des personnages d’une époque révolue dans un contexte contemporain ?
Après le choc, l’attention se porte davantage sur l’histoire. Orgon est sous l’emprise d’un mystérieux personnage dévot nommé Tartuffe. Il lui a promis la main de sa fille Marianne. Or l’hypocrite Tartuffe reluque plutôt Elmire, la femme d’Orgon. Plusieurs membres de son entourage tenteront de lui ouvrir les yeux sur la roublardise de Tartuffe.
Interprétation brillante
L’attention du spectateur se porte rapidement sur les personnages, sur le jeu des comédiens qui les incarnent. Denis Marleau a confié à Benoit Brière le rôle d’Orgon, auquel ce dernier donne le juste ton d’un être influençable. C’est Anne-Marie Cadieux qui prend les traits de sa femme, la magnifique et gracieuse Elmire. Dans les principaux rôles, le metteur en scène a choisi Violette Chauveau, Emmanuel Schwartz, Carl Béchard.
On retrouve également sur scène, Nicolas Dionne-Simard (L’Exempt), Bruno Marcil (Valère), Rachel Graton (Marianne) Monique Miller (Mme Pernelle), Jérôme Minière (Laurent), Maxime Genois (Damis) et Denis Lavalou (M. Loyal).
Violette Chauveau offre une prestation extraordinaire dans le rôle de Dorine, la bonne de la maison. Elle parvient à s’exprimer en vers avec une aisance étonnante, tout comme Anne-Marie Cadieux.
Les scènes de séduction entre Tartuffe et Elmire, qui tiraient vers le burlesque, ont quelque peu cassé le ton, mais à entendre les spectateurs rigoler, force est d’admettre que cette incursion drolatique a été fort appréciée.
En transposant l’histoire de Tartuffe à une époque contemporaine, le metteur en scène a visiblement voulu démontrer que Molière a créé des personnages qui ne s’inscrivent ni dans le temps, ni dans des structures sociales figées.