Denis Nadeau a décidé de dire tout haut ce que bien des créateurs de la région pensent tout bas. Lorsqu’il est question d’associer des artistes d’arts visuels à des projets municipaux d’envergure, la Ville de Drummondville fait peu appel à ses créateurs locaux.
Inspiré par la sortie de Richard Voyer, à l’effet que la future bibliothèque municipale portera les couleurs d’un contracteur qui n’est pas de la région, Denis Nadeau s’est révolté. Faisant preuve de courage, il a tenu à s’exprimer sur une situation vécue par les artistes régionaux et qui lui «brise le cœur», dit-il.
«Les artistes régionaux sont systématiquement mis de côté lors de projets municipaux d’envergure. Des projets payants qui leur permettraient de survivre et d’inscrire leur empreinte sur le territoire. En fait, tous les artistes de Drummondville sont boudés sauf Pierre Tessier. C’est le seul artiste dont on achète les œuvres pour les établissements de la ville», a confié en entrevue, Denis Nadeau, samedi dernier.
Pour ce dernier, le fait que la conjointe de Pierre Tessier, Suzanne Ricard, soit la trésorière de Culture Centre-du-Québec, un organisme influent, n’est sûrement pas étranger à la popularité du sculpteur, croit-il. «C’est un conflit d’intérêt total», s’insurge-t-il.
Celui-ci dit avoir déjà approché la conseillère municipale Annick Bellavance – responsable du secteur culturel- pour s’en plaindre l’an dernier. L’appel est resté lettre morte.
«Les artistes de la région sont frustrés de voir comment ça se passe», assure Denis Nadeau, qui en a discuté avec plusieurs d’entre eux.
Depuis qu’il est revenu vivre dans la région en 2013, le peintre et sculpteur Nadeau dit avoir tenté pour sa part d’attirer l’attention de la Ville sur ses œuvres. «Pour la nouvelle bibliothèque et le Centrexpo Cogeco, aucun artiste local n’a été retenu. On est allés chercher un artiste de Montréal», note-t-il.
Être reconnu par les siens
Le peintre assure qu’il n’attend pas les revenus de ses toiles pour vivre. Récemment, il a fait un retour à la terre. Il entreprend l’élevage de bœufs Wagyu. Il s’est aussi acheté quelques chevaux, «juste pour le fun». «J’ai tout pour être heureux, mais j’aimerais être reconnu par ma ville», insiste-t-il.
Se spécialisant dans l’illusion photographique, l’artiste Nadeau a pourtant vendu des toiles à de gros noms dont Laurent Beaudoin (Bombardier) et Loto-Québec. Il a aussi participé à des expositions collectives et individuelles au Québec et en France. Il a également été reçu officier de l’ordre des Arts et des Lettres à Paris en plus d’avoir été boursier du ministère de la Culture et des Arts du Québec.
«Dès qu’on organise une levée de fonds pour quelque organisme de Drummondville, je suis toujours là, comme la plupart des artistes de la région, pour offrir généreusement des œuvres», insiste-t-il.
En moins de trois ans, l’artiste Nadeau a remis des tableaux à l’Orchestre symphonique de Drummondville, à la Fondation Sainte-Croix/Hériot, à la Société Alzheimer du Centre-du-Québec ainsi qu’à la Tablée populaire. Il s’implique également aux Impatients à titre de porte-parole. En tout, il a offert autour de 40 000 $ en œuvres.
«On nous fait toujours miroiter que cela nous apportera de la visibilité. On donne avec bon cœur, mais ça devient choquant quand ta propre ville t’ignore.»
Denis Nadeau assure que son coup de gueule vise surtout à supporter les artistes régionaux.
Il souhaite un changement dans le processus de sélection des œuvres. Il aimerait que la Ville encourage ses artistes, un peu comme le fait Victoriaville, qui a imposé un quota minimal d’artistes locaux dans les appels d’offres s’adressant aux artistes.
Selon lui, la municipalité devrait également choisir ses œuvres à l’aveugle, à partir des maquettes d’œuvres réduites et non signées.