Josyane Cloutier
COULISSES. L’été est sans conteste la saison par excellence des festivals et des spectacles de musique au grand air. Toutefois, comment est-ce pour un groupe de musique de partir sur les routes pour se produire dans les quatre coins de la province ? Le chanteur du groupe drummondvillois bien connu Kain, Steve Veilleux, a rencontré l’auteure de ces lignes afin de lever le voile sur la vie de tournée.
Avant tout, qu’est-ce qu’une tournée québécoise ? «C’est une fin de semaine, et après tu retournes chez toi. Tu pars toutes les fins de semaine par exemple, mais ce n’est pas aussi gros qu’on pense», expose d’emblée l’artiste en prenant une gorgée de café.
Une des choses que préfère Steve Veilleux de la vie de tournée ? Les contacts humains et les belles rencontres qu’on peut y faire. «La dernière fois qu’on y est allés, le diffuseur et maire de Lac-au-Saumon, en Gaspésie, m’a amené faire du quatre-roues dans les montagnes toute la journée, il m’avait amené à la pêche et présenté à sa famille… Je capotais», décrie-t-il, semblant encore un peu surpris de cet accueil.
Kain a d’ailleurs visité énormément de coins de pays grâce à leur art. «J’ai connu mon Québec au complet en étoile grâce à la musique. Il y a plein de villages qui ont des festivals tout à fait exotiques dans lesquels je n’aurais jamais abouti si ce n’était pas pour un spectacle, et chaque été il en apparait des nouveaux. On pensait avoir fait le tour, pourtant», blague-t-il en mimant la découverte d’un lieu sur une carte imaginaire. Il mentionne entre autres le Festival de la grosse bûche de Saint-Raymond parmi les rassemblements les plus inusités qu’il a visité.
Le chanteur soutient fermement que ce sont les festivals qui sauvent financièrement les artistes québécois, bien que parfois une chanson qui a beaucoup de succès ou une invitation dans une grande tribune comme Tout le monde en parle pourra donner un sérieux coup de pouce promotionnel. Une affirmation que confirme d’ailleurs Statistiques Canada, selon une enquête menée en 2011 : «De nombreux artistes comptent d’ailleurs maintenant plus sur les revenus de leurs tournées et surtout sur la vente de produits dérivés (chandails, casquettes, etc.) que sur la vente de disques compacts et d’enregistrements numériques pour vivre de leur art.»
Des horaires inégaux
La tournée au Québec est très inégale, selon le chanteur de Kain : en effet, l’année suivant la sortie d’un album sera assez exigeante, alors que les suivantes seront souvent beaucoup plus tranquilles. «Dans les débuts, dans nos plus grosses années, on faisait trente ou quarante festivals dans un été : en tout, on pouvait se produire à une centaine de dates pendant l’année, autant dans les festivals que dans les salles», raconte le chanteur.
Néanmoins, la vie de tournée est loin d’avoir le glamour qu’on associe souvent aux roadtrips d’un an des groupes américains. Les heures de route sont longues, et le trajet est souvent ponctué de longs moments d’attente. «Ça aiguise la patience, surtout pour un gars comme moi qui n’en a aucune ! En plus, il faut s’aimer pour être avec le même monde dans le même camion pendant 15 ans. On a fait le tour de nos histoires depuis longtemps», confie Steve Veilleux.
Cette proximité a des bons côtés : des souvenirs se créent, une chimie se développe et une dynamique de tournée s’installe. Le chanteur affirme d’ailleurs qu’une routine assez précise s’est mise en place avec le temps. «On arrive sur le site du festival ou de la salle en début d’après-midi pour un test de son. Ensuite, on va dans nos chambres pour une petite sieste, vu qu’on est vieux. En fin de journée, on se rencontre pour manger, boire un peu et discuter du déroulement du spectacle, et tout ça dans la bonne humeur et les taquineries. Viennent les répétitions plus privées dans la loge, pour nous réchauffer un peu et faire baisser la pression avant de monter sur scène.»
Bien que le groupe joue souvent assez tard en soirée, pas question d’aller au lit immédiatement après un spectacle : l’adrénaline, cette hormone de joie intense qui survolte complètement les musiciens, les pousse plutôt à aller voir leur public pendant un certain temps. Les festivités d’après-show sont les moments les plus précieux aux yeux de Steve Veilleux, puisque c’est là que les plus beaux contacts se font, selon sa propre expérience.
«Ce n’est pas un sacrifice»
Être musicien est exigeant, et peu évident même pour des artistes expérimentés. Dans un contexte où les ventes de disques ralentissent de façon drastique et où les gens téléchargent la musique frauduleusement sur Internet, il est de plus en plus difficile de percer. Même les spectacles ne sont pas épargnés par cette mutation importante de l’industrie : «Si l’assistance des spectacles de musique s’est à peu près maintenue au cours de cette période, l’assistance aux spectacles de chanson francophone a diminué de près de 25 % entre son sommet de 2006 et 2013», dévoile Statistiques Canada.
Toutefois, Steve Veilleux considère ce mode de vie intense comme une chance plutôt que comme un sacrifice. «Quand tu es passionné par ce que tu fais, tu es conscient de la chance que tu as d’avoir une audience loyale. Il faut juste apprendre à savourer le moment présent lorsqu’une foule hurle les chansons que t’as tout bonnement écrit sur un coin de table», expose-t-il d’un air radieux.