La petite chapelle sera déplacée de… 100 mètres!

La petite chapelle sera déplacée de… 100 mètres!

ZONAGE. La saga de la petite chapelle de Saint-Félix-de-Kingsey connaîtra un nouveau chapitre la semaine prochaine alors qu’elle sera déplacée d’une centaine de mètres afin de respecter une ordonnance de la Commission de la protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ).

Jean-Guy Bernier, le propriétaire des lieux, qui a construit cette petite chapelle évaluée aujourd’hui à près de 200 000 $, s’est longtemps battu contre la CPTAQ, par avocats interposés, pour finalement perdre sa cause et se trouver devant l’obligation judiciaire de démolir ou de déménager sa chapelle avant le 2 novembre 2016.

Ce qui se passe défie la logique, selon ses explications. La petite chapelle St-Gérard (c’est son nom officielle) a été construite sur une parcelle de sa propriété qui est zonée agricole, même si elle n’est située qu’à une centaine de mètres de sa maison. «J’ai tenté de faire comprendre aux autorités de la CPTAQ que la bâtisse est entourée d’arbres matures et que cette parcelle ne servira jamais à l’agriculture de toutes façons. Je n’ai eu aucune considération, il n’y a eu aucune souplesse administrative, c’est invraisemblable, je suis obligée de déplacer la chapelle sur environ 300 pieds, sur une autre partie de mon terrain qui est identifiée comme étant privée», d’expliquer M. Grenier.

Lorsqu’il a décidé de transformer sa chapelle en petite salle de concert intime en 2008, Jean-Guy Bernier s’est rendu à la municipalité de Saint-Félix pour obtenir un permis commercial et cette dernière a dû faire connaître la nouvelle vocation envisagée à la CPTAQ, qui n’a jamais accepté.

Le propriétaire avait pourtant de nombreux appuis de la communauté, incluant la municipalité, la MRC de Drummond, le Cégep de Drummondville et plusieurs organismes de bienfaisance à qui la petite chapelle avait été prêtée gratuitement. «Ceux et celles qui m’ont appuyé savent que je n’ai pas fait ça pour l’argent. J’ai été élevé dans la musique et je voulais une salle pour inviter des musiciens. Et plusieurs musiciens de renommée internationale sont venus ici et ont adoré la sonorité de la place. Le bois utilisé est du mélèze. Je me suis fait plaisir dans tout ça. J’aurais dû effectivement vérifier avant de la construire», reconnait-il.

Jean-Guy Bernier est résigné. «Le temps commence à presser. Je veux revoir ma chapelle de nouveau en opération. J’espère qu’elle ne sera pas abimée par le déménagement. Il y a un plancher de ciment sous le plancher de bois, je crains qu’il y ait un problème dans le déplacement. Même si le déménageur, Jean-Marc Boudreau, se montre rassurant, des fois ça m’empêche de dormir», de raconter le retraité de 75 ans qui aura dépensé près de 100 000 $ pour les frais de déménagement et ceux des avocats.

La position de la CPTAQ

Dans sa décision, la CPTAQ soumet que tout nouvel usage non agricole dans un tel secteur risque, à moyen terme, d’occasionner des contraintes sur le développement des activités agricoles.

«La Commission considère qu’une salle de spectacle dans ce milieu est incompatible avec l’agriculture en présence. Imaginons de l’épandage de lisier par un bel après-midi de printemps et un concert le même soir. L’intolérance des gens est bien connue; on s’attirerait assurément des problèmes de cohabitation. Il est d’ailleurs assez facile de constater avec quel empressement la municipalité a modifié son règlement de zonage visant à régulariser la salle de concert. Cette rapidité et cette simplicité à modifier le zonage et les règlements municipaux pour faciliter l’implantation d’un nouvel usage non agricole ne sont pas du tout rassurantes pour le milieu agricole.

«La Commission doit également se méfier des effets d’entraînement que pourrait avoir une autorisation. Si on prétend qu’une salle de spectacle est compatible avec des fermes d’élevage, il est évident que toute autre activité non agricole le sera également. Il serait alors très difficile pour la Commission de refuser d’autres demandes dans ce milieu et il en résulterait une déstructuration de ce milieu agricole dynamique. La Commission se doit – c’est le mandat qui lui est confié par la Loi – de prioriser l’agriculture sur le territoire que le législateur lui a demandé de protéger».

Partager cet article