FAUNE. La fraie de l’esturgeon jaune, période où il se reproduit, n’a pas eu lieu cette année en raison notamment de la baisse du niveau de l’eau en aval de la rivière Saint-François à partir de la centrale Chute-Hemmings, effectuée les 14 et 15 mai, par Hydro-Québec.
Deux refroissements de la rivière Saint-François, dans les semaines précédant l’incident, et le peu de neige cet hiver pourraient être en cause. L’évènement est arrivé au moment où des chercheurs de la communauté abénaquise d’Odanak, située entre Nicolet et Sorel, effectuaient des recherches sur l’esturgeon jaune. «Il n’y avait pratiquement pas d’eau. Les quais à la plage municipale étaient complètement hors de l’eau, constate la biologiste du bureau environnement et terre d’Odanak, Émilie Paquin. Des poissons étaient pris dans des fosses parce que le niveau avait baissé trop vite. On pouvait traverser la rivière à pied à de nombreux endroits.»
Les esturgeons ont subi, par cette baisse du niveau de la rivière, un stress important, qui semble avoir annulé leur reproduction annuelle. «La fraie des esturgeons semblait imminente, lorsque nous avons fait nos pêches le jeudi (12 mai) et le vendredi (13 mai). L’écoulement de la rivière, le niveau et la température de l’eau, ce qui active la reproduction de l’esturgeon, étaient favorables», indique Mme Paquin.
Les achigans, les dorés et les ombles chevaliers ont également eu leur fraie perturbée par cette baisse soudaine de l’eau.
Des pêcheurs et des citoyens ont également constaté cette baisse du niveau de la rivière de la plage municipale à l’autoroute 20.
De retour à la rivière Saint-François, le 20 mai, les chercheurs d’Odanak n’avaient collecté aucun œuf d’esturgeon jaune alors que leurs ovocapteurs en contiennent plusieurs en temps normal. Ils étudient la reproduction de l’esturgeon dans la rivière Saint-François depuis 2014. «Étrangement, on n’a aucun résultat de fraie et on a fini nos pêches. Tous les signes montrent que la période de fraie est passée, mais on n’a aucun œuf», affirme Émilie Paquin qui croit peu probable le déplacement de la fraie, puisque l’esturgeon est fidèle à sa frayère.
Le niveau de l’eau avait été abaissé de 15 centimètres par Hydro-Québec pour permettre la navigation de plaisance en amont du barrage Hemming en «période estivale». «La crue a débuté hâtivement en 2016 sur cette rivière en raison des redoux des mois de février et mars créant ainsi une situation particulière en mai, indique la conseillère de la Mauricie et Centre-du-Québec à Hydro-Québec, Lucie Roy, qui assure que la société d’État tient compte des périodes de reproduction des poissons pour réguler le niveau d’eau. Les apports naturels (à la rivière Saint-François) sont plus bas que la moyenne en raison de la crue hâtive et des faibles précipitations.»
Hydro-Québec dit avoir informé les intervenants du milieu concernés par les variations de l’eau par un avis public, également publié dans le journal «L’Express».
L’absence de données a aussi des conséquences pour l’équipe de chercheurs d’Odanak. «Elles sont importantes pour comprendre la reproduction du poisson, mais le fait qu’il n’y a pas de fraie, c’est quand même des données qui montrent qu’en certaines conditions d’écoulement ou de température d’eau, l’esturgeon ne fraie pas», remarque Mme Paquin.
Hydro-Québec gérera ses installations de la rivière Saint-François en fonction des précipitations reçues pour les mois à venir.
