HOCKEY. Sans son séjour salvateur à Drummondville, il y a quelques années, Mike Hoffman ne serait pas en train de vivre son baptême de feu des séries éliminatoires dans la Ligue nationale de hockey aujourd’hui. Ne reniant pas ses racines, l’attaquant recrue des Sénateurs d’Ottawa s’est montré reconnaissant envers l’organisation des Voltigeurs lors d’une conversation avec l’agent de joueurs André Ruel.
Et dire que Mike Hoffman a bien failli ne jamais jouer à Drummondville! Traînant une réputation d’athlète difficile à diriger, le joueur natif de Kitchener a été ignoré par toutes les équipes ontariennes avant d’effectuer un bref passage avec les Olympiques de Gatineau, puis de rentrer à la maison en raison d’un conflit avec son entraîneur. Réclamé au ballottage par les Voltigeurs en novembre 2007, il avait alors refusé de se rapporter à l’équipe, qui croupissait dans les bas-fonds du classement. Pendant plus d’une semaine, les dirigeants de l’organisation l’avaient courtisé, en vain, jusqu’à ce qu’un coup de fil de Daniel Brière ne change le cours des choses.
«C’est l’intervention de Daniel qui a convaincu Mike de se joindre à nous au lieu de retourner jouer dans le junior A en Ontario. C’était une grosse décision, car s’il avait refusé, il ne serait pas rendu où il est aujourd’hui. À cause de son attitude, il n’avait pas une bonne réputation à l’époque. Il était vraiment à la croisée des chemins», se souvient André Ruel, joint à Brossard alors qu’il assistait à l’entraînement du Canadien.
Après avoir connu une solide fin de saison avec les Voltigeurs, Hoffman a explosé en 2008-2009, enfilant 52 buts durant le calendrier régulier avant d’en ajouter 21 pendant la marche magique de l’équipe vers la Coupe du Président. Durant la période des Fêtes, Ruel a d’ailleurs dirigé le bouillant attaquant durant quelques matchs, pendant que Guy Boucher participait au championnat mondial de hockey junior.
«J’avais alors pu constater que Mike demandait beaucoup de temps et d’énergie aux entraîneurs en dehors de la glace. Au retour de Guy, je lui ai proposé de le prendre son mon aile. Au début, ça n’a pas été facile. Mike était au-dessus de ses affaires, il n’écoutait pas. Son ami Samson Mahbod, lui, voulait vraiment qu’on l’aide à s’améliorer. J’ai alors demandé à Samson de convaincre Mike d’embarquer avec nous. Je leur donnais des points à travailler par tranches de cinq matchs, puis on regardait leurs résultats sur un bulletin», raconte l’homme de hockey drummondvillois.
«Au début, Mike n’avait pas une oreille attentive. Un jour, Pierre Dorion (recruteur des Sénateurs) m’a demandé ce que je pensais d’Hoffman. Quand Mike a su qu’une équipe avait de l’intérêt à son endroit, il a pris conscience qu’il devait embarquer avec nous. À partir de là, c’est lui qui m’appelait pour parler de son bulletin! J’ai senti qu’il m’écoutait et qu’il gagnait en maturité.»
Menant la vie dure à l’adversaire grâce à son tir dévastateur et son coup de patin explosif, Hoffman, un spécialiste de l’avantage numérique, faisait toutefois preuve d’une indiscipline chronique.
«Il prenait des punitions stupides. Ça choquait Guy! Dans son bulletin, on s’est alors mis à comptabiliser les fois où il parvenait à contrôler sa frustration. Pour y arriver, je lui ai demandé quelle personne il respectait le plus. Il m’a répondu que c’était son grand-père. Je lui ai alors dit d’afficher une photo de lui dans son casier. Quand il se sentait frustré, il devait changer son état d’esprit en mettant le focus sur son grand-père. Ce truc l’a aidé à devenir plus discipliné.»
Réclamé en 5e ronde par les Sénateurs à l’été 2009, Hoffman a ensuite été échangé aux Sea Dogs de Sean-Jean, les Voltigeurs l’ayant sacrifié en guise de compensation dans l’échange de Chris DiDomenico. Proclamé joueur le plus efficace de la LHJMQ en 2009-2010, il a ensuite fait ses classes durant quatre saisons dans la Ligue américaine, étant nommé capitaine des Senators de Binghamton en 2013-2014.
Si la saison 2008-2009 a été cruciale dans la carrière d’Hoffman, la campagne 2014-2015 aura été celle de sa grande éclosion dans la LNH. En plus d’enfiler 27 buts, un sommet chez les Sénateurs et les recrues de la LNH, l’ailier gauche de 25 ans a compilé un différentiel de +16. «Durant ses années dans la Ligue américaine, Mike est devenu très solide défensivement. Il se sert de sa vitesse pour se replier. Même s’il n’est pas le plus gros (6 pieds et 180 livres), il compétitionne énormément le long des bandes pour l’obtention de la rondelle. Il ne lui reste plus qu’à améliorer encore davantage sa force physique pour gagner plus de batailles. Il va alors s’établir comme un joueur dominant», analyse celui qui fait partie de la prestigieuse agence californienne CAA Sports dirigée par Pat Brisson.
À la veille de la série entre les Sénateurs et les Canadiens, Ruel et Hoffman ont renoué lors d’une rencontre dans les couloirs du Centre Bell. «Je lui ai dit qu’il était une véritable surprise, à l’image d’Ondrej Palat (Lightning). On savait que ces joueurs étaient bons, mais on n’aurait pas pu prévoir qu’ils deviendraient des éléments aussi importants dans la LNH. Je lui ai dit qu’il récoltait ce qu’il avait semé ces dernières années. Il avait le talent, mais il a dû travailler fort, rester patient et faire ses preuves», partage Ruel.
«Son succès, c’est beaucoup une question d’attitude et de maturité. Mike est d’ailleurs conscient que ce processus a commencé quand il a décidé d’embarquer avec les Voltigeurs. C’est pourquoi il est très reconnaissant envers l’organisation.»
Pour toutes ces raisons, Ruel estime que les jeunes hockeyeurs aspirant à une carrière professionnelle devraient s’inspirer de l’histoire du numéro 68 des Sénateurs. «Dans une saison et une carrière, un joueur va toujours connaître des hauts et des bas, mais s’il adopte une bonne attitude et qu’il travaille sans cesse pour s’améliorer, quelqu’un va le remarquer. Mike en est l’exemple parfait.»