DRUMMONDVILLE. Du nombre des 28 personnes d’origine étrangère accusées au criminel d’avoir fraudé l’aide sociale, six Mexicains ont été acquittés lors de leur comparution au palais de justice de Drummondville le vendredi 6 mars dernier. En tout, 13 ont été trouvées coupables, huit sont toujours recherchées sous mandat et un dossier, celui d’Ana Milena Vaquero, reste en suspens jusqu’au 24 avril.
Les six personnes d’origine mexicaine, Fernando Posada Ayala, son épouse Lorena Ruiz Garibay, Juana Cecilia Breton Montalvo, Hugo Eduardo Escobedo Tovar, son épouse Maribel Bonilla Rocha et son frère Luis Ernesto Escobedo Tovar, ont été acquittées des accusations d’avoir frustré le ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale (MESS) de sommes d’argent dépassant les 5000 dollars, de fabrication de faux documents et d’usage de faux documents.
Il faut se rappeler que plusieurs des autres personnes condamnées, qui étaient d’origine étrangère mais qui avaient leur citoyenneté canadienne, ont été trouvées coupables pour les mêmes accusations. Elles ont dû payer des amendes d’environ 2500 dollars et effectuer 240 heures de travaux communautaires.
Les Mexicains, qui ont été acquittés, étaient plutôt des «personnes protégées»; un statut d’immigrant qui signifie aux yeux de la loi qu’elles peuvent demeurer au Canada, parce que leur vie est en danger dans leur pays d’origine et qu’elles sont en attente pour obtenir leur résidence permanente. Autrement dit, une condamnation leur aurait valu l’expulsion.
Le verdict d’acquittement a été rendu au terme d’une discussion d’un peu plus de deux minutes entre les avocats, Me Chantal Grondin pour la défense et Me Alexandre Gautier pour la poursuite, devant la juge Ménard. C’est ce qu’indique une reproduction des débats judiciaires aux environs de 11 h 40 le 6 mars, obtenue par L’Express. Le procureur de la Couronne dit clairement qu’il ne présentera pas de preuves et qu’en conséquence les acquittements sont prononcés.
Ce n’est pas au palais de justice qu’on peut obtenir des précisions sur cette décision de la juge Marie-Josée Ménard. Dans cette cause qui dure depuis la fameuse et imposante descente policière en mai 2012 dans plusieurs entreprises de la région embauchant des personnes immigrantes, il n’a jamais été possible d’avoir un retour d’appel des procureurs au dossier, soit Me François Allard, soit Me Alexandre Gautier. C’est Me Jean-Pascal Boucher, du service des communications du DPCP (directeur des poursuites criminelles et pénales), à Québec, qui a retourné notre appel.
«Ce n’est pas pour leur faire éviter l’expulsion que le procureur n’a pas déposé de preuves contre ces Mexicains. C’est qu’il a jugé que la preuve n’était pas aussi convaincante dans leur cas qu’elle le fut pour d’autres personnes accusées», a tenu à préciser Me Boucher. Il admet quand même que, dans le droit criminel, la nature de la peine peut être prise en compte afin que le châtiment ne soit pas disproportionné par rapport à la faute commise. «Oui mais ce n’est pas le premier critère qui motive l’abandon des preuves», souligne-t-il encore.
L’enregistrement audio permet aussi d’entendre Me Grondin annoncer que le cas d’Ana Milena Vaquero, «une tête de direction», dit-elle, sera réglé le 24 avril au palais de justice. En fait, Ana Milena Vaquero, ainsi que Yaneth Reina Vaquero et Francesco David Vera, propriétaires de trois agences de placement de personnel, ont tous trois été formellement accusés d’avoir «posé des gestes, incité, encouragé, conseillé ou exercé une pression en vue d’aider des prestataires d’aide financière de dernier recours à frauder le MESS en faisant des déclarations mensongères quant à leur situation concernant leurs revenus de travail».
Yaneth Reina Vaquero est, pour sa part, retournée en Colombie, où sa vie était supposément en danger, tandis que Francesco David Vera, qui fait l’objet depuis plus d’un an d’un mandat de recherche ordonné par la juge Ménard, ne s’est jamais présenté en cour. Il vit à Calgary, aux dires de certaines personnes qui le connaissent. «Il serait pourtant facile à trouver, il a la citoyenneté canadienne», ont-elles confié au journal.
À l’origine, c’est «Opération Filet» qui a permis de démasquer ce stratagème, au terme d’une enquête menée d’abord par le MESS. Au début, le MESS a rencontré les responsables du personnel des entreprises donneurs d’ouvrage. Au total, 183 personnes ont été interrogées et 20 000 documents ont dû être épluchés. Au moins quatre ressources du MESS ont travaillé à plein temps durant plusieurs mois sur ces dossiers, selon nos sources.
Dans le milieu, on se demande ce qu’il restera de cette vaste série de fraudes. Comme l’a fait remarquer un observateur, le déroulement des différents procès et l’absence de condamnations encouragent les gens à travailler au noir puisqu’il n’y a pas vraiment de conséquence aux gestes reprochés.
Quant à savoir combien aura coûté Opération Filet au MESS, à la SQ, à la GRC et en frais de cour, la question a été posée. Et on attend la réponse.