DRUMMONDVILLE.Les images des récents attentats en France ont fait le tour du monde. Ces tragiques événements font encore jaser dans le monde médiatique. Pour Patrick Dauphinais, caricaturiste dans la région depuis maintenant 12 ans, l’acte demeure encore incompréhensible. Comme tant de ses confrères rejoints par le drame, c’est avec un crayon à la main que ce dernier s’est élancé pour suivre la vague de solidarité qui défend une unique voix véhiculée dans la profession, celle de la liberté d’expression.
Celui qui compte aujourd’hui plus de 15 ans de métier dans le domaine a publié ses œuvres pendant plusieurs années à L’Express de Drummondville. Pourtant personne ne lui avait donné le mandat mais le geste a été plus fort que lui. Ses trois caricatures qui font référence à la tragédie le témoignent bien d’ailleurs: «Ce qui me frappe le plus, c’est la violence du geste. Les coups de feu m’ont dérangé et j’étais horrifié de voir des gens se faire traiter de la sorte alors qu’ils ne faisaient que leur devoir. La communauté artistique est un monde restreint et ces gens-là sont comme des frères pour moi car nous vivons, pour la plupart, avec les mêmes intérêts », indique l’artiste de l’image, encore surpris par la tournure des événements.
Pour lui, le dessin représente une liberté de pouvoir et d’influence. «Les artistes ont le pouvoir de leur œuvre et deviennent les propres maîtres de leurs création. C’est notre travail de représenter ce que les gens pensent et c’est une influence importante aujourd’hui dans une société ou les images sont partagées instantanément. Malgré tout, tous devraient avoir droit à cet art que l’on appelle la liberté d’expression. »
En moins de trois jours, l’artiste s’est illustré en exposant trois caricatures distinctes : «Ça été plus fort que moi. Je ressentais le besoin d’aller porter un message qui allait bien au-delà des mots et de celles que l’on voyait régulièrement sur le web», ajoute-t-il.
Patrick Dauphinais se montre aussi très intéressé par l’opinion de ses collègues.
«Oui, j’ai regardé les commentaires des autres caricaturistes et les questionnements sont nombreux à savoir si l’on peut se permettre de pousser l’audace et aller plus loin avec ce qu’il vient d’arriver. Je crois que dorénavant, bon nombre d’entre nous penserons aux événements survenus en France avant de pousser le crayon un peu plus haut car nous avons été conscientisé devant cette réalité extrémiste maintenant présente dans ce monde».
Les œuvres en trois temps
Durant les jours qui suivent, alors que les réseaux sociaux explosent et que les nouvelles s’enchaînent, l’homme s’inspire et peaufine ses croquis à la hauteur de ses attentes. Pour l’artiste, le temps de travail importe peu et, à ses yeux, il va de soi que ses œuvres doivent être dignes d’un hommage en l’honneur des victimes qui n’ont pu être épargnées lors des attentats dans les bureaux du Charlie Hebdo.
«La première des trois œuvres a été dessinée sur un fond noir. Elle est universelle. Elle rappelle le respect des événements et la notion d’identification à ceux qui se sentent de près ou de loin touché par ce qui est arrivé. Je l’ai signé pour montrer que le caricaturiste a une pensée pour les victimes », explique-t-il.
Sa deuxième œuvre, où l’on perçoit, dans une palette de couleur un peu plus vive, les mots suivants: « Keep calm I am »caricaturiste"». «J’aime beaucoup l’anglais et le français. Nous voyons cette expression un peu partout et j’ai décidé de garder le nom caricaturiste en français car celle-ci s’adresse à un peuple de ce nom et j’en emploie moi-même la langue. Je suis allé un peu plus loin en disant, garde ton calme, mais ne va pas trop loin car la balle peut être tout près.»
La troisième caricature est le résultat de tout ce qui a été perçu sur le net à la suite des événements: «Le message que j’avais à l’intérieur de mon être ne figurait pas dans ce qui était déjà dessiné. Je voulais aller plus loin que le simple carré noir où l’on y lisait toujours »Je suis Charlie ». Le message résume le raisonnement selon lequel nous devons penser à ce que l’on dessine et ce que l’on veut exprimer. Si l’on pousse trop, on déclenche une grenade et tout explose», complète Dauphinais.
À l’avenir je…
Est-ce que les derniers attentats qui ont coûté la vie aux caricaturistes français doivent freiner le pouvoir des caricaturistes? Voici ce qu’en pense Patrick:« Ceux pour qui l’amour du dessin habite leur quotidien comme moi ne doivent pas laisser la peur prendre le dessus. Bien au contraire car le dessin est avant tout une passion et il ne faut pas s’arrêter à ce qui est arrivé car la demande est encore là tant dans les autres journaux ou les autres médias. »