DRUMMONDVILLE. Ce matin, au palais de justice de Drummondville, la dernière journée du procès entourant le décès de Chantal Lavigne, lors d’une séance de sudation à Durham-Sud en 2011, a vu la juge déclarer coupables de négligence criminelle causant la mort les trois accusés Gabrielle Fréchette, Gérald Fontaine et Ginette Duclos. Ils sont passibles d’une peine maximale d’emprisonnement à perpétuité.
Pendant près de deux heures, la juge Hélène Fabi a fait la lecture d’un document expliquant sa décision, rejetant les principaux arguments de la défense.
Après avoir repris la chronologie des faits de cette fatidique journée «chaude et humide» du 29 juillet 2011, précisant notamment comment le corps nu de Chantal Lavigne était recouvert de boue et de pellicule de plastique et la tête encaissée dans une boîte de carton, la magistrate a commencé par affirmer que le consentement ne pouvait être une défense, ni une excuse. Comment pouvons-nous convenir qu’un consentement est valide quand la personne qui l’accorde n’a pas été suffisamment éclairée sur ce qui allait se passer ? a essentiellement demandé la juge.
À la lumière de l’ensemble de la preuve, il apparaît clairement selon la juge Fabi que les participants ne savaient pas qu’ils ne pourraient ni manger ni boire durant les sept heures qu’a duré cette séance de sudation. La façon de les observer a paru insouciante aux yeux de la juge. «Le fait que les couvertures se soulevaient en raison de la respiration n’est pas une claire indication qu’il n’y a pas de malaise. Vos témoignages sont invraisemblables, a-t-elle dit aux coaccusés. Une personne raisonnable aurait vu les choses différemment».
Ce qui est certain, à son arrivée à l’Hôpital Sainte-Croix, Chantal Lavigne présentait une condition humaine très détériorée, «l’une des pires sur le plan médical», selon l’expression employée par un médecin, retenue par la juge. Coup de chaleur, hypotension, déshydratation, battements cardiaques élevés, problèmes respiratoires, état de choc grade 4… Son décès a été constaté au CHU de Sherbrooke.
La principale accusée Gabrielle Fréchette et ses deux complices, Gérald Fontaine et Ginette Duclos, debout devant la juge, sont restés impassibles lorsque le verdict est tombé. La Cour a demandé un rapport présentenciel complet et la prochaine date de comparution, possiblement dans deux mois, sera déterminée le 23 décembre. Ils ont également été déclarés coupables pour un deuxième chef d’accusation, celui de négligence criminelle ayant causé des lésions à l’endroit de Julie Théberge, une autre participante du séminaire «Mourir en conscience».
Me René Duval, l’avocat de Ginette Duclos, a fait savoir aux journalistes qu’il recommandera à sa cliente d’aller en appel. «En tout temps, les participants pouvaient abandonner, ils pouvaient se dégager, c’est fondamental ça».
Me Denis Lavigne, l’avocat de Gabrielle Fréchette, n’a pu cacher sa grande déception à sa sortie de la salle d’audience. «La défense a été rejetée globalement. Ma cliente se fiait à son expérience et elle ne s’attendait pas à ça. Pour elle, les participants savaient quand s’en sortir. Pour la suite des choses, je ne sais pas. Nous n’avons pas d’exemples de condamnation dans des domaines semblables».
La procureure de la Couronne, Me Magali Bernier, n’a pas voulu commenter la décision de la juge Fabi, se limitant à dire qu’elle en était satisfaite. Elle a cependant précisé que la peine maximale passible pour négligence criminelle causant la mort est la prison à perpétuité. Dans le cas de négligence criminelle causant des lésions, la peine maximale est de 10 ans d’emprisonnement.
Patrick Naud, conjoint de Chantal Lavigne, s’est dit satisfait du jugement. «C’est mon premier et seul contact avec la justice et j’en suis satisfait. Mes enfants n’ont toujours pas leur mère… au moins les trois sont coupables».
Louise Girard, une amie de Chantal Lavigne, a également accepté de partager ses émotions. «C’est un jugement qui fait plein de sens. À un certain moment, on se demandait si Chantal était coupable d’être morte. Le jugement nous dit que ce n’était pas de sa faute. J’espère que ça n’arrivera plus».