DRUMMONDVILLE–Si certains ont resté surpris d’apprendre que parmi tous les malaises qui ont affligé Jean Béliveau au cours de ces dernières années on en retrouvait un d’ordre cardiologique, ce n’est certainement pas le cas de son jeune frère, André, qui y est allé d’une confidence démontrant bien quel grand joueur d’équipe était le vaillant capitaine du Canadien.
«Même s’il n’en parlait pas à l’époque, Jean a joué une partie de sa carrière en étant confronté à des problèmes de haute pression. Cela peut expliquer pourquoi il a mis fin à sa carrière en 1971 en dépit d’une fiche plutôt impressionnante de 76 points en saison régulière et de 22 autres lors des séries éliminatoires, le tout bon pour sa 10e Coupe Stanley», nous a confié André Béliveau, peut-être pour faire taire une fois pour toutes les quelques méchantes langues qui s’en prenaient certains soirs au style plutôt décontracté du grand joueur de centre.
Incidemment, lors de son témoignage suivant le décès du célèbre numéro 4, son ex-coéquipier, Serge Savard, a fait part du courage exceptionnel de Jean Béliveau d’avoir poursuivi aussi longtemps sa carrière dans des conditions semblables.
D’ailleurs, c’est un fait connu, M. Béliveau aurait souhaité mettre un terme à sa glorieuse carrière à la fin de la saison 1970, mais à la demande expresse de la direction du CH et de son directeur général, Sam Pollock, le capitaine avait accepté de poursuivre pour une autre année afin d’encadrer les jeunes joueurs qui s’amenaient avec l’équipe.
Selon son frère, il fallait réellement avoir le CH tatoué sur le coeur pour avoir dit oui à un tel appel, maintenant que l’on sait qu’il faisait fi de sa propre santé.
Un banquier
Une autre petite anecdote que nous a racontée son frangin pour illustrer cette fois toute l’importance qu’avait le rôle de capitaine dans les années 1960, c’est que le titre n’était pas valable que sur la glace, mais aussi à l’extérieur.
Plus d’une fois, le Gros Bill, qui était perçu comme un grand frère par les autres membres de l’équipe, est venu à la rescousse de coéquipiers ayant des besoins particuliers en leur prodiguant des conseils ou en acceptant de les dépanner d’une façon ou d’une autre.
«De toute façon, Jean était un homme qui ne pouvait dire non. C’était, selon moi, son plus grand défaut, même si cela peut prendre souvent l’allure d’une qualité», a témoigné André Béliveau, qui voue une admiration sans borne à celui qui vient de nous quitter.
C’est ainsi, par exemple, lorsque certains joueurs du CH dépassaient les limites de leurs comptes de dépenses, particulièrement lors de voyages à l’extérieur, ils se tournaient automatiquement vers leur capitaine.
Comme M. Béliveau avait toujours en sa possession une enveloppe de 200 $ en petites coupures pour des circonstances semblables, il s’improvisait donc banquier, en autant qu’on lui fournisse les raisons derrière ces besoins.
«Jean a toujours détesté la malhonnêteté sous toutes ses formes», se souvient le cadet de la famille qui est inconsolable de ne pas avoir pu saluer une dernière fois son idole, lui qui devait justement le rencontrer ce mercredi, à son domicile, qu’il ne quittait plus en raison de la maladie.
Yvon Lambert attristé
Un autre qui peut témoigner des grandes valeurs de Jean Béliveau est sans doute l’ex-joueur du Canadien, Yvon Lambert, qui n’a pas eu la chance de jouer avec le disparu, mais qui a souvent profité de sa complicité après sa retraite, alors qu’il a obtenu un poste au 2e étage.
«C’est un homme de cœur et d’équipe qui nous a quittés. Ma conjointe, Danielle Caron, et moi, sommes très tristes de ce départ. Côtoyer cet homme a été une chance dans notre vie et je le remercie du fond du cœur», a écrit sur son site l’ex-joueur originaire de Saint-Germain-de-Grantham.
À preuve de l’affection que les deux hommes se portaient, l’ancien numéro 11 a mis en ligne le témoignage bien senti que lui avait rendu Jean Béliveau à l’occasion de son 60e anniversaire de naissance.
Un autre hockeyeur originaire de la région et ancien capitaine du Canadien, Yvan Cournoyer, a bien résumé en peu de mots la disparition de son ex-coéquipier de trio à ses débuts avec le CH: «Il n’y a eu et il n’y aura qu’un seul Jean Béliveau.»