SAINTE-BRIGITTE-DES-SAULTS. Décrié par plusieurs pour les torts qu’il causerait à la Nicolet Sud-Ouest et à sa faune aquatique, le barrage de la mini-centrale hydroélectrique de Sainte-Brigitte-des-Saults est peut-être, au contraire, ce sauveur qui empêchera les poissons vivant en amont de subir l’envahissement de deux espèces exotiques très destructrices qui se rapprocheraient de cette rivière.
C’est du moins l’un des points surprenants qui se dégage d’un avis signé de la main de Stéphanie Lachance, directrice à la Direction de la gestion de la faune de la Mauricie et du Centre-du-Québec au ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP), qui a accepté le mandat de se pencher sur diverses problématiques fauniques associées à l’exploitation de ce barrage.
Par l’intermédiaire de la Fondation Rivières, qui a obtenu le document en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, L’Express a pu à son tour saisir les grandes lignes de cet avis destiné à Céline Tremblay, directrice à la Direction régionale de l’analyse et de l’expertise pour ces deux mêmes régions pour le compte cette fois du ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MDDELCC).
De fait, ces deux directions régionales, à la suite de plaintes logées par des organismes dont, au premier chef, la Fondation Rivières, travaillent conjointement à établir le portrait de la situation faunique qui prévaut aux alentours de ce barrage pour s’assurer d’éviter la répétition des mortalités de poissons, comme l’on en a connues encore l’été dernier, et pour trouver les moyens pour que les poissons de cette rivière puissent avoir accès à toute la variété d’habitats étant nécessaires à leur survie.
Deux communautés de poissons
Dans cet avis, l’équipe du MFFP fait part de son opinion sur trois engagements liés au certificat d’autorisation environnementale détenu par la compagnie Algonquin Power Fund, en l’occurrence l’aménagement d’une voie de migration pour le poisson, la construction d’une passe migratoire sur demande du ministère de l’Environnement et le respect du débit minimal et constant d’un mètre cube par seconde en aval du barrage, et ce, pour le mois d’avril à septembre.
D’entrée de jeu, on apprend en quelque sorte dans cet avis qu’il existe deux communautés autonomes de poissons qui vivent de part et d’autre du barrage sur la Nicolet Sud-Ouest, avec chacune une variété d’habitats leur permettant de compléter adéquatement leur cycle vital.
«Dans chacun de ces tronçons, on y retrouve des habitats de reproduction, d’alevinage, de croissance et d’alimentation et à l’intérieur de chacun de ces tronçons, les poissons peuvent circuler librement entre les divers habitats», lit-on d’abord en se questionnant sur l’oubli des cuvettes non reliées au pied du barrage.
La présence de ces deux communautés distinctes de poissons ne daterait pas d’hier puisque l’on devine qu’une rupture de pente naturelle à cet endroit limitait déjà la circulation des poissons à l’origine et encore davantage depuis l’aménagement d’un premier barrage vers les années 1890.
Deux menaces
D’autre part, l’étude révèle la présence depuis quelques années maintenant de plusieurs espèces de poissons exotiques et envahissants dans le lac Saint-Pierre dont le gobie à taches noires et la tanche qui, doit-on constater, ont bouleversé la chaîne trophique du fleuve Saint-Laurent en faisant compétition pour la nourriture et les habitats avec une panoplie d’espèces indigènes.
«Le barrage de Sainte-Brigitte-des-Saults est le premier obstacle sécuritaire sur la rivière Nicolet Sud-Ouest permettant d’empêcher la montaison des espèces exotiques envahissantes vers les eaux intérieures situées en amont. Cette préoccupation est d’autant plus grande que le gobie à taches noires a récemment été capturée dans un tributaire de la rivière Yamaska, à plus de 60 kilomètres du lac Saint-Pierre. Bien qu’il n’ait pas encore été recensé dans le secteur de Sainte-Brigitte-des-Saults, il est hautement probable qu’il s’y trouve dans un proche avenir», met en perspective l’étude du MFFP qui voit donc un élément positif dans la présence de ce barrage sur la Nicolet Sud-Ouest.
Dans ce contexte, personne ne sera surpris d’apprendre que l’aménagement d’une passe migratoire à poissons n’est pas conseillé par le ministère puisque, explique-t-on, le gain au regard des flux de gènes entre l’aval et l’amont du barrage pourrait être complètement annihilé par les pertes induites par la montaison des espèces exotiques envahissantes.
En ce qui a trait aux deux autres volets de son étude, comme on le révèle dans un autre texte, le MFFP soutient que l’aménagement d’une voie de migration est requise, sauf que efficacité de cette mesure repose sur le maintien d’un débit permettant d’alimenter adéquatement en eau cette voie de migration, affirme-t-on dans le document signé de la main de Stéphanie Lachance.