DRUMMONDVILLE. La procureure de la Couronne, Me Magali Bernier, croit que les trois accusés dans le cadre du procès suivant la mort de Chantal Lavigne, soit Gabrielle Fréchette, Ginette Duclos et Gérald Fontaine, ont fait preuve de négligence criminelle, c’est-à-dire d’une insouciance déréglée et téméraire.
Pour elle, il ne fait pas de doute que les deux assistants sont également coupables. Même s’ils n’ont pas pris les décisions entourant la tenue de l’activité, ils savaient comment la hutte allait se dérouler.
Me Bernier a relevé les contradictions dans les témoignages, quant à savoir si les participants avaient reçu ou non les consignes pour se préparer à la hutte (nourriture légère, hydratation et repos).
Ce qu’elle avance avec certitude, c’est qu’aucun détail n’a été donné et qu’aucune vérification n’a été faite pour s’assurer que les participants avaient respecté les précautions à prendre. "Personne ne savait comment allait se dérouler la hutte", a-t-elle exposé.
Quant à la "grande expérience" des participants en la matière, elle n’avait rien à voir avec la nature et la durée qui ont caractérisé la hutte du 28 juillet 2011.
De la pure ignorance
Forte des informations soutirées lors des contre-interrogatoires, la procureure de la Couronne a mis en lumière le manque flagrant de connaissances médicales des trois responsables. Aucun d’entre eux n’avait identifié les symptômes d’un coup de chaleur, qui affublait pourtant les victimes. "La preuve de leur ignorance est qu’ils étaient plus préoccupés par Mme Théberge que par Mme Lavigne, alors que son état était plus grave", a-t-elle illustré.
De plus, Mme Duclos, qui admet se fier surtout au ressenti et aux vibrations, était certaine que les deux participantes reprendraient le séminaire dès le lendemain, après leur visite nocturne à l’hôpital.
Me Bernier s’est montré aussi sévère à l’endroit de Gérald Fontaine. "C’est seulement à l’arrivée des ambulanciers qu’il s’est rendu compte que Mme Lavigne était inconsciente", a-t-elle dénoncé.
Pour elle, le lien de causalité entre la hutte de sudation et les problèmes physiques qui en ont résulté est évident. Par exemple, Julie Théberge n’a pu absorber le jus qu’on lui a donné lorsqu’elle réclamait du sucre. Elle le vomissait. Le choc secondaire causé par le coup de chaleur rejetait systématiquement le liquide. Il s’agit d’un symptôme typique. Quant à Mme Lavigne, son décès est attribuable à l’hyperthermie (et possiblement l’asphyxie).
Leur consentement n’excuse pas tout
La magistrate conteste l’idée voulant que les responsables n’aient rien à se reprocher sous prétexte que les participants étaient libres ou non de participer. Une cause juridique antérieure, où les gens prenaient part à une activité sadomasochiste de manière volontaire, a prouvé le contraire.
Quant à la marche de 12 kilomètres à laquelle ont participé les deux victimes, le 27 juillet 2011, Me Bernier estime qu’il s’agit peut-être d’un facteur contributif, sans plus. Selon elle, les conséquences dramatiques ne seraient jamais survenues sans la tenue de la hutte de sudation.
Me Duval s’emporte
Ce plaidoyer efficace a fortement fait réagir Me René Duval, qui a tenu à apporter des précisions, voire des corrections. Il s’est emporté au point de lancer ses documents. Des proches de Chantal Lavigne qui ont suivi assidûment le déroulement du procès ont alors quitté la salle d’audience.
"Il n’est pas nécessaire de se fâcher", a rétorqué la juge Hélène Fabi, qui a finalement reçu les excuses du procureur. "Mettez ça sur le compte de l’âge et de la fatigue", a justifié Me Duval.
Jugement le 8 décembre
L’honorable Hélène Fabi a de nouveau convoqué les accusés au Palais de justice de Drummondville, le 8 décembre prochain, où elle rendra son jugement qui clôturera ces huit jours d’audience, bien remplis.