DRUMMONDVILLE. La disparition de Gilles Latulippe met fin à une association exceptionnelle de 20 belles années avec Drummondville.
C’est ce qu’a fait remarquer Roland Janelle, directeur général de la Maison des arts Desjardins, attristé par le départ d’un partenaire, d’un ami, qui a définitivement laissé sa marque chez nous.
L’homme en charge de ce qu’on appelait à l’époque le Centre culturel n’oubliera jamais comment s’est déroulée la première approche du célèbre comédien, il y a 20 ans. «L’année d’avant, il avait fait l’expérience d’un théâtre d’été à Shawinigan et il trouvait ça un peu loin. Un jour, en passant à la hauteur de Drummondville, il s’est arrêté ici et a demandé à me rencontrer. Est-ce que je peux visiter votre théâtre?, m-a-t-il demandé. Certainement, ai-je répondu. Il a regardé ça et, après cinq minutes de discussion, c’était réglé. J’étais loin de me douter que ça allait rouler durant 20 ans, succès après succès».
En fait, Roland Janelle se considère chanceux. «Comme diffuseur, on peut se considérer chanceux. L’arrivée de ce théâtre d’été ne présentait aucun risque. D’ailleurs, les billets se sont toujours bien vendus. La disparition de Gilles Latulippe est une grande perte pour Drummondville. Non seulement Gilles faisait partie de la famille et son attachement était indéniable, mais son théâtre d’été avait assurément un impact sur l’industrie touristique. Environ 80 % des billets provenaient de l’extérieur de la MRC de Drummond et le quart d’entre eux étaient achetés avec forfait, soit avec souper et hôtel».
Chanceux aussi d’avoir pu côtoyer cet homme de théâtre dans l’intimité. Roland Janelle et son adjointe aux communications Claire Lahaie sont allés plusieurs fois chez Gilles Latulippe, à Longueuil, où ils ont été impressionnés, notamment, par sa bibliothèque de plus de 3000 livres.
«Gilles était un homme d’une grande culture, peu de gens en sont conscients. Mais il était surtout d’une grande générosité. J’en ai pour preuve ce qui s’est passé en 2010, lorsque Serge Christiaenssens, affaibli par un cancer, ne pouvait pas suivre le rythme d’une prestation à tous les soirs. Gilles a pensé à créer un personnage juste pour lui, qui pouvait être là ou absent dans la pièce sans que ça change le fil de l’histoire. Il disait qu’il ne pouvait pas laisser Serge de côté, parce que ça l’aurait tué. Il disait: il jouera quand il pourra. Il a sans doute été le seul concepteur-producteur à faire une chose semblable».
Et de poursuivre M. Janelle: «Gilles disait souvent: faut pas que ça soit compliqué. Il gardait son décor simple et il aimait travailler avec des gens avec qui il se sentait bien. Il se trouvait ainsi dans une ambiance où il était à son aise. À la fin, les comédiens voyaient bien qu’il se fatiguait plus vite. Cela paraissait évident dans sa loge. Mais sur scène, sa performance était irréprochable. Jacques Salvail m’avait confié cet été: je ne sais pas comment il fait pour aussi bien performer sur scène. Pour lui, la scène c’était un autre monde. Il refusait de prendre ses médicaments, parce que, disait-il, il avait besoin de toute sa tête».
Selon le DG de la Maison des arts, Gilles Latulippe a laissé un leg. «Il a rendu ses lettres de noblesse à une forme de théâtre, le burlesque, et je ne suis pas certain que cela va disparaître avec lui. On a vu de plus en plus de jeunes aller dans ce sens. Gilles a donné souvent des chances à de jeunes comédiens. Lorsqu’il animait l’émission Les Démons du midi, c’est lui qui s’était arrangé pour avoir avec lui le jeune Jean-Michel Anctil une fois par mois, ce qui permettait à celui-ci de prendre de l’expérience et obtenir un revenu d’appoint.
«On a perdu un homme simple, généreux, inspirant. Le dernier d’une époque sans aucun doute».
Gilles Latulippe lui aussi se considérait chanceux. Il avait confié à Roland Janelle: «Je suis chanceux, j’ai fait rire, mais aussi j’en ai ri un bon coup…»