La fierté francophone a un régiment, le Royal 22e

La fierté francophone a un régiment, le Royal 22e

DRUMMONDVILLE. En cette année 2014, le temps est venu pour les Québécois de se remémorer l’héritage qu’a laissé une institution centenaire ayant fortement contribué à leur identité socio-culturelle, au même titre que Maurice Richard, et dont la devise est «je me souviens». On parle ici du Royal 22e Régiment.

L’histoire de ce grand régiment d’infanterie est marquée au sceau de la fierté francophone, voyant le jour envers et contre tout l’establishment canadien-anglais. Ce groupe de soldats ainsi rassemblés accumulera de grandes réussites militaires, des accomplissements courageux sur le terrain qui ont fait dire à un haut gradé de l’armée: «Lorsque ces gars-là vont à l’attaque, ils portent le fardeau de la race». N’est-ce pas ce qui a déjà été dit, en d’autres mots, du célèbre numéro 9 des Canadiens de Montréal?

Quand L’Express a sollicité une entrevue auprès de Jacques Desbiens, président de l’Union-Vie, compagnie mutuelle d’assurance, qui est aussi lieutenant-colonel honoraire, afin de souligner le 100e anniversaire du R22eR, il a proposé d’inviter le colonel Léonard Caya, un Drummondvillois qui a été commandant du 6e Bataillon Royal 22e Régiment de 1987 à 1990. Celui-ci a tenu à être accompagné du major-général Terry Liston, maintenant à la retraite. C’est donc dans une salle de l’Union-Vie que les discussions se sont déroulées de façon animée et passionnée.

Le major-général Liston est un analyste militaire réputé, et surtout un spécialiste du R22eR. Il en a été un des commandants. Il est pourtant un Montréalais d’origine anglophone. «J’ai dû apprendre le français pour me joindre au 22e Régiment dans les années 1950, j’y tenais parce que c’était le meilleur de l’armée canadienne», témoigne-t-il avec un accent des plus sympathiques.

L’anglais dominait

Il raconte comment, dans la tourmente de la Grande Guerre, le Gouvernement du Canada a finalement autorisé, le 21 octobre 1914, la formation d’un bataillon exclusivement d’expression francophone pour prendre part aux combats.

«À cette époque, il faut se rappeler que tout se faisait en anglais, même les chèques du gouvernement étaient rédigés dans la langue de Shakespeare. La langue et la culture françaises étaient absentes dans les milieux gouvernementaux et industriels. En Ontario, on avait même voté la suppression de la langue française dans les écoles. Le ministre fédéral (de la Milice) du nom de Sam Hughes s’objectait mais il a dû se plier, face à l’action politique des chefs de file du Québec, à l’idée de former un bataillon francophone. Un médecin de Montréal, le Dr Migneault, a mis 50 000 $ sur la table, une somme énorme en ce temps-là, pour créer le régiment, qui s’est d’abord installé à Saint-Jean d’Iberville, dans les écuries de la cavalerie… oui les écuries. Ils ont pris soin de tout nettoyer bien sûr! Plus tard, le 22e a déménagé en Nouvelle-Écosse. Plusieurs se sont moqués de cette formation, disant que ça allait faire un flop, mais le 22e Régiment s’est hautement distingué, malgré des pertes, notamment dans sa première grande bataille livrée en France, où nos soldats ont capturé Courcelette et repoussé les Allemands pendant trois journées consécutives».

Après la guerre, on a voulu démembrer le régiment, mais des pressions exercées, par La Presse et La Patrie notamment, ont fait en sorte qu’il est devenu officiellement le Royal 22e Régiment, un des trois régiments réguliers d’infanterie de la Force permanente de l’Armée canadienne. Les anglophones les ont appelés les «Van doos», les 22 prononcé à l’anglaise.

Des batailles mémorables

Les faits d’armes du R22eR sont nombreux, entre autres lorsqu’il débarque en Sicile en juillet 1943 et fait campagne en Italie jusqu’en février 1945. «La bataille d’Ortona restera mémorable. Nos gars ont réussi une percée importante dans les lignes allemandes, résistant ensuite durant trois jours aux contre-attaques jusqu’à l’arrivée des Américains», de raconter le major général Liston, qui a été commandant du premier bataillon des Van Doos de 1975 à 1977.

Jacques Desbiens a justement visité le site d’Ortona en mai dernier. «On ne peut que ressentir une grande fierté en arrivant sur place et c’est encore plus émouvant lorsqu’on voit le cimetière où ont été enterrés plusieurs Québécois morts au combat», s’est-il rappelé.

Aujourd’hui, le Royal 22e est un acquis, fait remarquer le colonel Caya. «Maintenant, il est possible de faire toute sa carrière en français dans les forces armées. La 5e Brigade comprend deux ou trois navires, des chars, des avions, des hélicos et même un génie de combat. Il est important de se souvenir d’où ça vient».

Dernière anecdote digne de mention, racontée par le major-général Liston. «Dans les années 1940, le R22eR montait la garde devant le palais de Buckingham et les ordres se donnaient en français. Il y a eu récemment des célébrations (du 14 au 19 juillet 2014) organisées par l’armée britannique pour souligner le 100e anniversaire du 22e. Lors d’une soirée au salon des officiers, la Reine s’y est présentée contre toute attente. Alors que le présentateur faisait l’historique des Van Doos, la Reine l’a interrompu pour lui dire que ce n’était pas nécessaire de continuer puisque «nous connaissons tous l’histoire du Royal 22e Régiment». Elle a ensuite entretenu les convives durant une heure… en français. Cette anecdote n’a pas été reprise par les médias sauf, je crois, par CTV qui avait un journaliste sur place».

Un documentaire sur le R22eR sera présenté par Radio-Canada le vendredi 5 septembre, à 21 heures.

Faits & chiffres

– Les bataillons de réserve sont situés à Laval et à Saint-Hyacinthe, respectivement le 4e et le 6e Bataillon. L’effectif du Royal 22e Régiment comprend plus de 2000 réguliers et 200 réservistes. Il s’agit de la plus importante unité militaire au Québec et de la plus grande unité francophone en Amérique.

– Un des compliments est venu de nul autre que le Général américain David Petraeus qui a déclaré avoir été fortement impressionné par la tenue du Royal 22e à Kandahar, en Afghanistan, siège des Talibans, «où il a réussi à stabiliser la situation et établir la paix».

– Le premier et le seul aumônier militaire catholique du Canada mort au champ d’honneur est le capitaine-abbé Rosaire Crochetière, du R22eR. Le 2 avril 1918, les éclats d’un obus le frappent mortellement alors qu’il s’apprêtait à donner les secours de la religion. Il était natif de Victoriaville. – Une rumeur veut que le 6e Bataillon, déjà présent à Drummondville et Saint-Hyacinthe, pourrait établir bientôt une division à Saint-Jean-sur-Richelieu, où beaucoup de pression est faite pour rouvrir le Collège militaire.

– Des discussions se poursuivent actuellement afin qu’une cérémonie au cours de laquelle le manège militaire de Drummondville sera baptisé du nom de Frederick George Heriot soit incluse dans les activités de la Corporation du 200e anniversaire l’année prochaine. On croit que le changement à la direction générale de la Corporation facilitera la réalisation du projet.

Partager cet article