Même en ayant recours à la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, il est impossible de savoir, par exemple, combien paiera Hydro-Québec au cours des prochaines années pour l’achat d’électricité produite par la mini-centrale de Sainte-Brigitte-des-Saults dans le cadre du renouvellement du contrat avec la compagnie privée Algonquin Power.
Pire encore, dénonce la Fondation Rivières qui a mené la démarche, le commun des mortels ne peut même pas savoir si le contrat initial, d’une durée de vingt ans et arrivé à échéance en février dernier, a effectivement été renouvelé.
«C’est inconcevable. Hydro-Québec achète de producteurs privés de l’électricité dont elle n’a pas besoin ou qu’elle vend à moindre prix, et les Québécois n’ont pas le droit de savoir combien il leur en coûte pour que l’on s’approprie ainsi de leurs rivières», s’indigne Pierre Leclerc, administrateur au sein de cet organisme à but non lucratif dédié à la protection de nos cours d’eau.
M. Leclerc, qui s’intéresse d’une façon particulière au cas de la petite centrale hydroélectrique de Sainte-Brigitte-des-Saults, n’hésite pas à qualifier d’inacceptable la réponse qu’il a reçue de Stella Leney, la responsable de l’accès aux documents et de la protection des renseignements personnels chez Hydro-Québec.
Dans une lettre datée du 10 février dernier adressée à la société d’État, M. Leclerc avait soumis cinq demandes dont la liste des contrats signés avec les producteurs privés au cours des années 1990 qui ont fait l’objet d’un renouvellement, ce qui devrait être le cas de la centrale de Sainte-Brigitte-des-Saults.
Bien sûr, le porte-parole de la Fondation Rivières a également voulu savoir les conditions d’achat d’électricité consenties à ces producteurs dont, entre autres, la durée de l’entente, les tarifs, etc.
Une copie des contrats conclus, la liste des contrats dont le processus de renouvellement est débuté et la liste des contrats dont les promoteurs ne détiennent pas encore des droits hydrauliques, qu’ils soient privés ou publics, faisaient également partie des demandes acheminées à Hydro-Québec.
À la grâce d’Algonquin Power
En guise de réponse, Mme Leney a informé la Fondation Rivières qu’il lui était impossible d’accéder «actuellement» à ces demandes en vertu des articles 21, 22, 23, 24 et 27 de la Loi sur l’accès, sauf qu’elle l’a assuré du même souffle que la requête sera acheminée aux entreprises concernées.
En d’autres mots, si l’on comprend bien, Hydro-Québec s’en remettra, par exemple, au bon vouloir d’Algonquin Power pour obtenir l’autorisation de divulguer le contenu, en tout ou en partie, de l’entente pour le renouvellement du contrat d’achat d’électricité de la centrale de Sainte-Brigitte-des-Saults, si renouvellement a eu lieu, comme on peut le croire.
La porte-parole d’Hydro-Québec a évoqué l’article 49 de la Loi pour agir ainsi, celle-ci disant attendre le résultat de la consultation auprès de ces tiers (les compagnies privées) avant de rendre une décision finale sur l’objet de ces demandes.
Pour Pierre Leclerc et la Fondation Rivières, il apparaît impératif que le gouvernement du Québec modifie les règles du jeu car c’est inconcevable que la société d’État puisse agir comme si elle n’avait pas de compte à rendre à personne ou comme si elle était elle-même une compagnie privée.
On se souviendra que l’organisme avait fait appel au ministre du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs (MDDEFP) et à la ministre des Ressources naturelles pour qu’ils s’immiscent dans les négociations en vue d’une réduction du contrat à Sainte-Brigitte-des-Saults, et ce, en tenant compte de certaines réalités et du contexte actuel.
Du côté du ministre Yves-François Blanchet, on a appris que le MDDEFP ne pouvait s’ingérer dans les conditions de reconduction de ce contrat d’achat d’électricité puisqu’aucune infraction n’aurait été constatée quant au respect du débit écohydrologique et quant à l’absence d’une passe à poissons.
Quant au ministère des Ressources naturelles, par l’entremise d’un porte-parole du Bureau du sous-ministre associé à l’Énergie, on a confirmé que, contrairement à ce que l’on aurait pu croire, la centrale de Sainte-Brigitte-des-Saults n’avait pas à obtenir un contrat de location de la force hydraulique puisque celle-ci est entièrement construite sur une propriété privée.
Ces demandes de la Fondation Rivières sont pour le moins pertinentes si l’on considère que, selon un calcul basé sur les chiffres de la première entente, l’organisme établit à 21 millions $ sur 20 ans la perte actualisée d’Hydro-Québec occasionnée par l’achat d’électricité produite par la seule centrale de Sainte-Brigitte-des-Saults, et ce, sans compter les autres dommages.