«Le prix de 445 $ pour un char de tourisme Ford établit un nouveau niveau qui n’a jamais été atteint. Il est permis de conjecturer combien de temps ce bas prix pourra durer… Le coût des matières premières augmente et s’il ne se trouve point suffisamment de personnes pour profiter du prix actuel et pour acheter maintenant, il nous faudra retirer ce prix».
Cette publicité du Garage Montplaisir, qui date de 1922, est l’une des pièces de plusieurs archives que vient de donner à la Société d’histoire de Drummond Alain Ginchereau, président du Garage Montplaisir, certes l’un des plus vieux commerces de la région, qui célèbre cette année son 100e anniversaire de fondation dans une ville qui fêtera ses 200 ans l’an prochain.
C’était une autre époque bien sûr et très rares sont les personnes qui peuvent témoigner aujourd’hui de cette ère où circulaient encore des voitures, on disait des chars en ce temps-là, qui étaient démarrées à la manivelle.
Rodolphe Larocque, à l’âge vénérable de 98 ans, a toujours son petit bureau au Garage Montplaisir, sur le boulevard Saint-Joseph. Celui qui, à la suite de multiples détours, dont un séjour de quatre ans dans les forces armées canadiennes durant la deuxième Guerre mondiale, a fini par succéder à J.O. Montplaisir, est encore servi par un esprit vif et une bonne santé physique.
À l’âge de 20 ans, se souvient-il, après avoir été pompiste, il a été transféré aux ventes de bicyclettes et, comme il s’est distingué dès la première année, Rodolphe Larocque est devenu vendeur de chars. «Mais les automobiles se faisaient rares et l’entreprise a misé aussi sur la vente de poêles et de meubles. En 1927, M. Montplaisir, voulant prendre sa retraite, a vendu l’entreprise à quatre de ses employés dont Lesly Millar. Lors de la deuxième Guerre mondiale, comme j’arrivais à l’âge militaire, je me suis enrôlé dans l’aviation. J’ai été parti quatre ans en Europe», a raconté à l’Express l’homme d’affaires qui a vu son fils Pierre prendre la relève durant les années 70. «Il a pris sa retraite… je pensais jamais voir ça», a-t-il dit avec humour. Son petit-fils, Charles, occupe maintenant la fonction de directeur commercial.
Moment fort dans la vie de Rodolphe Larocque : à son retour de la guerre, M. Millar lui apprend qu’il n’aura rien perdu de son ancienneté et qu’il a même mis de côté un montant d’argent pour lui. L’ex-soldat suggère plutôt d’obtenir des parts privilégiées de la compagnie et la proposition a été acceptée. «M. Millar a quitté pour Magog. Il demandait 50 000 $ comptant pour ses parts. Je n’avais pas une telle somme et j’ai trouvé un partenaire, M. Rankin. Ce sont toutefois ses deux fils, John et Allan, qui ont travaillé dans l’entreprise. Allan est parti et je suis resté avec John durant 14 ans, jusqu’au moment où il m’a offert d’acheter ses parts, c’était à la fin des années 50. C’est à ce moment que je suis devenu le seul actionnaire du Garage Montplaisir, qui était situé à l’époque sur la rue Lindsay». Ce bâtiment a d’ailleurs été démoli en 2012 afin que le terrain accueille la future bibliothèque municipale.
M. Larocque n’a décidé que l’an dernier de ne pas renouveler son permis de conduire, mais il connaît encore les chars. «Chevrolet, c’est encore le meilleur véhicule. Il est fait pour durer longtemps. C’est mon opinion», lance-t-il avec le réflexe du vendeur qu’il n’a jamais cessé d’être. «Je serai toujours heureux de vous rendre service», ajoute-t-il avec galanterie.
Le Garage Montplaisir ponctuera l’année 2014 de plusieurs actions et promotions. En cédant ses archives (des contrats, des photos et des factures), l’entreprise veut ainsi contribuer à la campagne actuelle de la Société d’histoire de Drummond pour le 200e anniversaire de la Ville de Drummondville intitulée : «Une famille, deux cents histoires». Présentée au grand public au cours des dernières semaines, cette campagne vise à inciter la population à faire don de ses archives familiales et à sensibiliser les citoyens de Drummondville à l’importance et à l’utilité de celles-ci dans un contexte d’histoire collective.