Les tenants de la non-reconduction du contrat d’achat d’électricité émanant de la production de la centrale hydroélectrique de Sainte-Brigitte-des-Saults devront vraisemblablement cogner à une autre porte que celle du ministère du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs (MDDEFP) pour arriver à leurs fins car tout indique que, contrairement à leurs doléances, la compagnie Algonquin Power Fund (Canada) inc. ne déroge en rien aux conditions d’exploitation de cet équipement pour la partie sous sa juridiction.
On se rappellera qu’il y a quelques semaines à peine, la Fondation Rivières est venue en appui à un groupe de Brigittois dont Jacques-Laurent Lampron pour réclamer le non renouvellement du contrat en question arrivé à échéance, alléguant autant auprès du MDDEFP que du ministère des Ressources naturelles du Québec diverses irrégularités dont celles déjà constatées à l’origine par la "Commission d’enquête sur la politique d’achat par Hydro-Québec d’électricité auprès des producteurs privés".
Pour la Fondation Rivières, le non-respect de certaines de ces conditions, dont l’absence d’une passe migratoire pour les poissons, devait suffire à révoquer l’autorisation d’exploiter la mini-centrale, et ce, à moins de procéder aux correctifs.
Dans un tel cas, en vertu des clauses de l’entente, cela devrait être suffisant, prétend-on, pour permettre à Hydro-Québec de ne pas renouveler pour 20 ans encore ce contrat dans un contexte d’énergie excédentaire.
Jacques-Laurent Lampron, de son côté, va beaucoup plus loin dans ses démarches puisqu’il est actuellement en appel d’un jugement de la Cour supérieure favorable à la compagnie ontarienne Algonquin Power Fund (Canada) inc.
Le Brigittois livre depuis plusieurs années le combat de sa vie pour tenter d’obtenir à la fois la destruction de cette mini-centrale et des compensations pour des dommages subis lors d’une inondation dont il lui attribue la responsabilité.
Incidemment, Claude Lampron, frère de Jacques-Laurent, a interpelé directement Yves-François Blanchet, ministre du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs sur ce dossier.
Passe non requise
Toujours est-il que le ministre Yves-François Blanchet, également responsable de la région Centre-du-Québec, vient d’apporter sa réponse.
Dans une missive adressée au citoyen Claude Lampron, dont des copies ont également été acheminées à Alain Saladzius, président de la Fondation Rivières, à Jean-Guy Hébert, maire de Sainte-Brigitte-des-Saults, à Alexandre Cusson, préfet de la MRC de Drummond, à Jacques-Laurent Lampron, citoyen de Sainte-Brigitte, et à l’auteur de ces lignes, Yves-François Blanchet confirme, après analyse des pièces soumises, que le MDDEFP ne peut s’ingérer dans les conditions de reconduction du contrat d’achat d’électricité par Hydro-Québec.
À cet égard, celui-ci s’est permis de faire un bref historique du dossier, plus particulièrement en ce qui a trait à l’absence de la fameuse passe à poissons.
M. Blanchet rappelle en effet qu’en août 1992, un premier certificat d’autorisation a été délivré par le MDDEFP à Hydro P-1 inc. pour la construction d’une centrale hydroélectrique sur la rivière Nicolet Sud-Ouest.
«L’une des conditions d’exploitation consistait en l’obligation de construire une passe migratoire à poissons durant la période de construction. L’entreprise a fait faillite peu après la mise en opération de la centrale et la passe migratoire à poissons n’a jamais été construite», admet d’emblée le ministre.
Celui-ci enchaîne en indiquant qu’en décembre 1997, un certificat d’autorisation a par la suite été délivré à la Barklays Corporation Ltd pour l’exploitation de la centrale et pour la réfection des vannes gonflables.
M. Blanchet fait valoir que le document prévoyait l’aménagement d’une voie de migration et la construction d’une passe migratoire, si nécessaire, à la demande du MDDEFP.
«En effet, lors de l’analyse de la demande de certificat d’autorisation, il n’a pas été jugé nécessaire d’exiger la construction de la passe migratoire dès la délivrance du certificat d’autorisation, compte tenu de l’état des populations de poissons dans ce tronçon de la rivière», fait état Yves-François Blanchet dans sa lettre sans élaborer davantage sur la définition de "l’état" en question.
Le ministre poursuit ses explications en rappelant néanmoins que la Barklays Corporation Ltd faisait face à l’engagement de construire la passe migratoire dans un délai de dix-huit mois advenant que le MDDEFP en fasse la demande.
Dans la suite de son historique, M. Blanchet mentionne que c’est en mars 1998 que le certificat d’autorisation a été cédé à Algonquin Power Fund (Canada) inc., la compagnie qui est actuellement visée par les allégations de la Fondation Rivières et des autres opposants.
«La construction de la passe migratoire demeure conditionnelle à la demande du MDDEFP. Actuellement, il n’est toujours pas requis de l’exiger», statue le ministre responsable sans en dire plus sur le pourquoi du non besoin de cette passe.
Autres points
Par ailleurs, Yves-François Blanchet apporte également des réponses à d’autres points soulevés par les opposants dont celui de la construction illégale d’un batardeau par Hydro P-1 inc.
«En effet, une enquête a été réalisée par le MDDEFP à ce sujet. Quatre constats d’infraction ont été transmis à la contrevenante. Hydro P-1 inc. a plaidé coupable d’avoir poursuivi l’utilisation d’un batardeau. Le MDDEFP considère avoir obtenu satisfaction puisque le batardeau a été démantelé», plaide-t-il.
En ce qui a trait à un autre point, le respect du débit écohydrologique, le ministre n’est pas sans faire état que les autorisations délivrées exigent le maintien d’un mètre cube par seconde pour les périodes d’avril à septembre inclusivement.
«Lors de la dernière inspection effectuée en janvier 2014, le MDDEFP n’a constaté aucune infraction aux autorisations délivrées», affirme M. Blanchet, tout en réitérant que son ministère continuera de s’assurer que l’exploitation de la centrale hydroélectrique de Sainte-Brigitte-des-Saults respecte les conditions prévues dans les autorisations, et ce, en vertu de la Loi sur la qualité de l’environnement et de ses règlements.
Reste à voir maintenant si du côté de la ministre des Ressources naturelles du Québec et d’Hydro-Québec, les autres questions soumises par les opposants trouveront écho dans leur champ respectif de juridiction dont en ce qui a trait aux risques d’inondation et aux pertes subies (autour de 1 million $ par année, selon les chiffres de la Fondation Rivières), pour une production d’électricité dont le Québec n’aurait pas réellement besoin.