L’enregistrement d’une audience devant la Régie du logement a-t-il préséance sur un jugement écrit et signé du juge administratif ? Oui, s’est fait dire un propriétaire drummondvillois qui a été victime d’une «erreur commise de bonne foi».
L’histoire commence en septembre dernier quand Éric Blanchette a du mal à se faire payer un loyer de l’une de ses locataires et il décide de faire une plainte à la Régie du logement. Lors d’une première audition, M. Blanchette raconte que la juge administratif, Me Brigitte Morin, lui demande de s’identifier et de prouver qu’il est l’unique actionnaire de la compagnie.
«Je lui dis que mes papiers officiels sont dans l’auto et que je vais aller les chercher. Elle me répond qu’il y aura plutôt une autre convocation. Finalement, l’audition se tient le 18 décembre et, résultat, la locataire me doit trois mois de loyer», expose M. Blanchette, qui demandait la résiliation du bail afin de pouvoir expulser cette locataire qu’il qualifie d’indésirable à plusieurs points de vue. Tout juste avant l’audition du 18 décembre, la locataire en question lui paye les trois mois de loyer en retard, de sorte qu’il n’exige plus que les frais engendrés par ses démarches judiciaires.
La juge Morin lui fait alors savoir que la sentence sera rendue dans les mois suivants, jusqu’à trois mois selon ce que permet la loi. Le jugement écrit, daté du 3 janvier, lui parvient par la poste et dit ceci: «Le tribunal résilie le bail, ordonne l’expulsion de la locataire et la condamne à payer les frais judiciaires de 78,50$».
Le locateur, qui admet qu’il trouve ce jugement sévère, entreprend des démarches pour obtenir un bref d’exécution (110 $) et paye un huissier (250 $) pour informer la locataire de la procédure: soit elle sort de son propre chef, soit le propriétaire prend les mesures pour la faire sortir, et ce dans les 48 heures. Mais entretemps, ô surprise, le huissier se fait remettre en mains propres par un commis de la Régie un «jugement rectifié» de la juge Morin et en fait part à M. Blanchette qui n’était pas au courant. Le jugement rectifié, daté du 16 janvier, condamne seulement la locataire à payer les frais judiciaires de 78,50$. La résiliation du bail et l’expulsion de la locataire sont disparus de la décision du tribunal.
À la Régie, on convient qu’il y a eu erreur dans la rédaction du jugement. «M. Blanchette aurait dû réaliser que le jugement n’était pas conforme à ce qui s’était passé lors de l’audition alors que lui-même avait fait savoir à la juge que les loyers ont été payés et qu’il va s’en tenir juste aux frais engendrés par ses démarches et aux frais de signification», a expliqué à L’Express Denis Miron, responsable des relations avec les médias, à la Régie du logement. «Nous avons un enregistrement de l’audience, un CD versé au dossier, qui montre bien que M. Blanchette était bien au fait que la décision de la juge porterait uniquement sur le remboursement des frais et que la résiliation du bail n’était pas justifié».
M. Blanchette, lui, n’en revient pas. «Comment aurais-je pu savoir que le jugement comportait une erreur ? Lors de l’audience, la juge n’a rien décidé sur le banc. Elle m’a simplement dit que sa sentence sera rendue plus tard. Autrement dit, un jugement écrit d’un juge administratif de la Régie du logement est moins fort qu’une déclaration verbale. J’ai toujours pensé le contraire, à savoir qu’un document signé a plus de valeur que du verbal», souligne-t-il, ajoutant qu’il veut se faire rembourser les frais découlant d’un jugement erroné (environ 300 $).
Une lettre de la Régie, signée de Me Jennifer Memmi, fait savoir que l’organisme ne pourra acquiescer à la demande de remboursement et que, en conclusion, les régisseurs et le personnel «ne peuvent être poursuivis en justice en raison d’un acte officiel accompli de bonne foi».
Éric Blanchette se demande: «Est-ce que signer un document sans le lire est une erreur commise de bonne foi ? Je n’irai pas engouffrer des milliers de dollars pour en débattre, mais je dépose une plainte en déontologie».