Après avoir interpelé en vain le ministre du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs (MDDEFP), Yves-François Blanchet, la ministre des Ressources naturelles (MRN), Martine Ouellet, et le président-directeur général d’Hydro-Québec, Thierry Vandal, dans le dossier de prétendues carences à la centrale hydroélectrique de Sainte-Brigitte-des-Saults, la Fondation Rivières revient à la charge cette fois dans les médias nationaux en y ajoutant un dossier tout aussi litigieux, celui de la centrale T.-D.- Bouchard de Saint-Hyacinthe.
Ainsi, à la veille de la reconduction, par Hydro-Québec, des contrats d’achat sur vingt ans de l’électricité produite par ces deux petites centrales hydroélectriques, la Fondation Rivières confirme, comme L’Express le rapportait il y a déjà plusieurs jours, qu’elle a demandé l’intervention rapide du gouvernement du Québec pour qu’il mette un terme aux graves conséquences qu’occasionnent ces barrages sur les rivières Nicolet Sud-Ouest et Yamaska.
De plus, l’organisme à but non lucratif voué à la préservation, à la restauration et à la mise en valeur des rivières du Québec, a requis des ministres Blanchet et Ouellet et du pdg d’Hydro-Québec qu’ils fassent respecter des conditions environnementales nécessaires par la société ontarienne Algonquin Power Fund (Canada) inc., laquelle est propriétaire des deux installations dont elle en tire, selon ses propres calculs, des profits majeurs.
De fait, dans des lettres adressées au ministre du Développement durable, de l’Environnement, de la
Faune et des Parcs (MDDEFP), à la ministre des Ressources naturelles (MRN) et au président-directeur général d’Hydro-Québec, la Fondation a demandé que les irrégularités identifiées sur ces deux sites en 1997 par la Commission d’enquête sur la politique d’achat d’électricité par Hydro-Québec auprès de producteurs privés (Commission Doyon) soient corrigées avant la reconduction des contrats d’achat de l’électricité par Hydro-Québec.
Selon Pierre Leclerc, porte-parole de la Fondation Rivières, ces contrats font partie d’une liste de 58 au total accordés par Hydro-Québec dans le cadre de l’Appel de propositions restreint (APR-91) du gouvernement dans les années 1990.
Toujours au dire de M. Leclerc, plus de 10 de ces contrats arrivent à échéance en 2014.
Des irrégularités
Comme l’a déjà rapporté L’Express, du côté de Sainte-Brigitte-des-Saults, les irrégularités constatées ont trait plus particulièrement à l’absence d’une passe migratoire pour les poissons, d’un débit écologique minimal et de l’assèchement quasi permanent d’une section de la rivière Nicolet Sud-Ouest.
De plus, rappelle l’organisme dans un communiqué de presse diffusé à large échelle, depuis la construction de la centrale de Sainte-Brigitte, les riverains demeurant en amont du barrage se sont plaints concernant des embâcles causant des dommages matériels à leurs résidences et terrains.
«Des évacuations d’urgence ont été réalisées et le dossier a été examiné par la Commission d’enquête.
Cet aspect de la gestion sécuritaire, sans inondation, est d’ailleurs au coeur d’une longue bataille juridique entamée en 2001 par certains citoyens contre la société Algonquin Power. La cause est présentement devant la Cour d’appel», y rapporte M. Leclerc en soutenant que, selon le contrat à reconduire, Hydro-Québec peut refuser de prendre livraison de l’électricité sans en payer le prix si le producteur contrevient à une exigence de sécurité publique.
Du côté de Saint-Hyacinthe, la Fondation Rivières dénonce le fait que les installations de la centrale T.-D.- Bouchard, aussi exploitées par Algonquin Power, causent un tel assèchement de la rivière Yamaska, que la Ville doit accommoder financièrement la compagnie pour conserver un écoulement d’eau dans la rivière.
«Déjà en 1997, la Commission d’enquête Doyon avait considéré le projet comme un exemple de non-respect des lois et d’une gestion ministérielle déficiente, concernant le fonctionnement d’une passe migratoire devant permettre aux poissons de franchir le barrage et le débit devant être réservé (minimal) dans la rivière, l’une des plus fragiles au Québec. Vingt ans plus tard, la même situation problématique prévaut et s’est même aggravée», dénonce cette fois la Fondation Rivières au sujet de cette autre petite centrale.
Payant pour qui ?
Outre l’aspect environnemental, la Fondation Rivières questionne le gouvernement québécois et Hydro-Québec sur le bienfondé de ces achats d’électricité.
Le centrale de Sainte-Brigitte-des-Saults, pour une, est d’une puissance installée de 4,5 MW, soit l’équivalent de trois éoliennes.
Selon les chiffres de la Fondation Rivières, les actionnaires ontariens d’Algonquin Power enregistrent des revenus annuels de l’ordre de 1,6 M$, au prix d’achat actuel de 8 cents/kilowattheure.
«Pourtant Hydro-Québec peine présentement à exporter ses surplus à 4 cents/kilowattheure. Hydro-Québec perd ainsi près de 0,9 M$ annuellement. Avec le renouvellement aux même conditions pour une autre période de 20 ans, la société d’État subirait une perte de 21 M$», indique Pierre Leclerc.
Toujours selon les calculs effectués par la Fondation, le renouvellement du contrat de vente d’électricité par Algonquin pour la centrale T.-D. Bouchard pourrait entraîner de son côté une perte de 621 000 $ pour Hydro-Québec en 2014 et 19 M$ en dollars courants sur 20 ans, soit une perte actualisée représentant 14 M$ en valeur présente nette ($ de 2014) pour la même période.
«Avant toute reconduction de ces contrats, le gouvernement du Québec devrait attester de la conformité environnementale des installations et de leur exploitation. Le tarif d’achat de l’électricité devrait aussi être abaissé pour être adapté aux conditions du marché», résume Pierre Leclerc quant aux doléances formulées par l’organisme dont il est l’un des porte-parole.