Vivre, étudier… et s’endetter?

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Par Helene Ruel
Vivre, étudier… et s’endetter?

Au Québec, toujours selon les données du ministère de l’Éducation, le nombre de faillites personnelles irait croissant depuis 2007, étant passé de 1241 à 1863 en 2010. Une donnée que Mme Leblanc manie avec prudence, spécifiant que les règles ont changé. Un étudiant ayant échoué à rembourser son prêt peut, depuis 2010, être libéré de ses dettes après sept ans plutôt que dix, comme auparavant.

Au Centre-du-Québec, 2578 prêts et 1511 bourses, totalisant 13,8 millions $ ont été octroyés durant l’année 2010 par le ministère de l’Éducation, des Loisirs et du Sport selon les données obtenues par TC Media. Cela représente 6913 $ par étudiant, si, évidemment, il a pu décrocher les deux.

Le cégépien ou l’étudiant universitaire devra obligatoirement compter sur le portefeuille de ses parents ou sur un travail à temps partiel pour boucler ses fins de mois, dit encore Mme Leblanc.

Annuellement, on estime à 12 014 $ la facture annuelle d’un étudiant fréquentant l’université, ses frais de subsistance accaparant près de la moitié de cette somme (5250 $).

Plus de faillites?

Le directeur général du cégep de Victoriaville, Vincent Guay, se montre tout aussi prudent à l’égard de l’apparente «explosion» du nombre de faillites, disant qu’à une certaine époque, beaucoup d’anciens étudiants ont été incités par des institutions à recourir à cette ultime solution.

Accès plus facile au crédit

Reste qu’il faut se préoccuper, selon Josée Leblanc, de l’accès facile à la carte et à la marge de crédit qu’offrent les institutions financières, avec des moyens bien attrayants. «Les jeunes sont une clientèle cible dans notre société de consommation, à laquelle ils adhèrent… et que nous avons contribué à développer.» Elle dit d’ailleurs que la jeune génération veut tout «ici, maintenant et tout de suite», leur fardeau financier étant plus souvent alourdi par les choix personnels qu’ils font.

Le cégep, une «mini-société»

«Le cégep est une mini-société!», s’exclame Vincent Guay, métaphore qui rencontre l’assentiment de la conseillère de l’ACEF et de l’adjoint à la direction des études et responsable des affaires étudiantes du cégep de Victoriaville, Denis Deschamps.

«Selon les dernières statistiques, le taux moyen d’endettement des Canadiens se situe à 163 %. C’est dire que pour chaque dollar gagné, le Canadien moyen en dépense 1,63 $, tablant sur le crédit plutôt que sur ses épargnes», dit encore Josée Leblanc.

Et, comme dans la société en général, l’«endettement ne s’écrit pas sur le front d’un collégien», affirme M. Deschamps.

Il faut savoir repérer les «symptômes» d’un malaise financier et c’est parfois, par le service psychosocial offert par l’institution collégiale que l’on en arrive à décrypter les problèmes d’argent d’un élève. «Il arrive que la première question que l’intervenante pose, c’est «Est-ce que tu as mangé?».

Parce qu’il n’est en poste que depuis deux ans, M. Deschamps ne saurait dire si l’endettement des collégiens de Victoriaville s’alourdit. Il sait toutefois que près de la moitié des 1600 cégépiens inscrits aux programmes réguliers de l’institution victoriavilloise réclament des prêts et bourses. Tous n’y ont pas accès.

Un filet de sécurité

Ce qu’il sait aussi, c’est que le Cégep offre ce que le directeur général appelle un «filet de sécurité» aux étudiants. Le «filet» passe par le don de cartes repas, d’un sac d’épicerie (avec la collaboration de l’organisme Sécurité alimentaire), une avance de fonds pour l’achat de livres, un prêt sans intérêt. La plupart des collèges disposent, par ailleurs, d’un budget travail-études leur permettant de confier des tâches rémunérées à des collégiens pour l’organisation d’activités spéciales. «Même si les études collégiales ne coûtent pas si cher, il y a des étudiants qui, pour une raison ou pour une autre, ne peuvent compter sur l’aide de leurs parents. Et il y a des étudiants qui ont moins de possibilités de travailler parce qu’ils sont déjà parents et qu’ils reviennent aux études.» C’est surtout au début d’une session que les étudiants se présentent au local D-100 pour réclamer de l’aide… le premier chèque n’étant pas encore arrivé, observe le responsable des affaires étudiantes. Et généralement, les collégiens honorent leurs dettes. «On prend des arrangements avec eux pour s’assurer qu’ils remboursent leur prêt. Une façon de leur enseigner à assumer leurs responsabilités.» L’évolution des technologies pèse de plus en plus lourd sur le portefeuille étudiant. «Nous sommes un cégep à l’avant-garde, intégrant de plus en plus les outils technologiques, observe M. Deschamps.» Pour trois programmes de formation, les collégiens doivent se doter d’un portable ou d’une tablette. «Chaque fois qu’on introduit un outil de ce genre dans un programme, on en discute avec l’Association étudiante et on a cette préoccupation qu’il ne devienne pas un frein à l’accès aux études. Dans certains cas, on aide les étudiants à assumer les coûts, leur consentant un prêt sans intérêt. Il faut dire que même dans les programmes où un ordinateur n’est pas exigé, les volumes coûtent cher. On n’a qu’à penser à tous les livres du programme des soins infirmiers.» Il semble que le «filet» du Cégep soit tissé assez serré. Certes, on peut imaginer que des jeunes abandonnent leur formation faute de pouvoir vivre et étudier.

Question de choix

L’ACEF constitue un dernier recours pour redresser sa situation financière, Josée Leblanc disant d’ailleurs que les étudiants ne composent, finalement, que 2 % de sa «clientèle».

Les jeunes qui se présentent à la Place communautaire Rita-Saint-Pierre ont dépensé leur chèque gouvernemental, épuisé leur crédit et se confrontent à un loyer impayé… et un frigo vide. Il n’y a pas 36 manières de s’en sortir, explique Mme Leblanc. Ou bien on hausse ses revenus ou on réduit ses dépenses, dit la conseillère. «Il arrive fréquemment qu’un jeune s’endette pour un bien pas nécessairement lié à ses études.»

Il fut une époque où l’ACEF offrait des ateliers de planification du budget au Cégep. Cette époque est révolue. «On n’est pas très populaire, ni fashion», confie Josée Leblanc, ajoutant que seuls les jeunes sensibilisés aux pièges de la surconsommation fréquentent le kiosque que l’ACEF érige à certaines occasions au Cégep.

Pour les jeunes comme pour les adultes, poursuit la conseillère, tout est une question de choix. «Il faut magasiner. Doit-on absolument choisir le modèle de portable dernier cri, changer le cellulaire tous les ans, habiter seul dans un appartement quand on pourrait en partager les frais avec un colocataire?»

Question de choix? Certainement, conclut le directeur général du Cégep. «Enfin, que représente une dette d’études de 3000 $ ou de 10 000 $ pour décrocher un diplôme? On dépense bien davantage pour des biens qui n’ont rien à voir avec un projet de vie, comme une voiture. Une dette d’études, c’est, finalement, un bon investissement.» Il le déclare tout en affirmant qu’entre les murs du Cégep, tout le personnel doit veiller au grain… et aux pommes, soucieux d’accompagner et d’éduquer les jeunes.

 

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