Il y a de ces histoires qui démontrent bien la solidité des liens entre certains individus que même la mort ne peut ébranler. Parmi celles-là, il y a celle du regretté Simon Bergeron et de ses amis qui ont grimpé une montagne, au sens propre du mot, pour réaliser le rêve que leur chum n’a pu finaliser de son vivant.
Même si l’histoire date de quelques mois, elle mérite d’être racontée parce qu’elle est intemporelle en quelque sorte et surtout parce qu’elle est belle, belle comme peut l’être bien souvent notre jeunesse.
Le monde l’interpelle
Simon Bergeron était un jeune homme ayant toutes les raisons d’aimer la vie, comme peuvent en témoigner ses parents, France Sylvestre et René Bergeron, un couple de vétérinaires de Notre-Dame-du-Bon-Conseil, qui sont également parents de trois autres enfants, Antoine, Marie-Ève et Mylène.
Sportif, sociable, apprécié de tous, débordant d’énergie, tout sourit à Simon.
Très jeune, il développe le goût de voyager, de connaître le monde, d’y apporter son aide.
Grâce, entre autres à l’encadrement de Daniel Bernard, de l’école secondaire Marie-Rivier, il participe à deux voyages d’aide humanitaire.
«Ces expériences ont orienté ses valeurs, son choix de carrière, et changé sa vie», admettent d’emblée ses proches.
Plus tard, Simon fera un séjour de 4 mois en Amérique centrale, il passera un temps semblable dans l’Ouest canadien, s’offrira un été en Suisse, sans compter d’autres périples de moins longue durée.
Sa soif de connaître chaque pays et ses gens est grande.
Pas surprenant donc, qu’une fois rendu à l’étape de l’université, il opte pour les Études internationales.
À 22 ans, alors qu’il est en vacances avec les membres de sa famille en Californie, celui qui est étudiant à l’Université de Montréal est victime d’une crise d’épilepsie.
On saura quelques jours plus tard qu’une tumeur cancéreuse au cerveau en est la cause.
De retour au pays, Simon est opéré à l’hôpital Notre-Dame et tout semble indiquer qu’il est sur la voie de la guérison.
Déterminé, il réussit à compléter sa session, puis, éventuellement à réussir son bac.
Les mois et années passent, il réussira même à acquérir une maîtrise en Sciences politiques cette fois avec comme sujet "la mondialisation".
Les choses vont si bien depuis que ce qui apparaît être un incident de parcours est derrière lui que Simon ambitionne réaliser un grand projet pour marquer cette étape importante dans ce retour à la vie, celle d’escalader une montagne.
Et quant à y être, pourquoi ne pas s’attaquer à l’Aconcagua, la plus haute montagne des Amériques.
Outre le volet aventure, le Bonconseillois souhaite ajouter un autre objectif à cette ascension: recueillir des fonds pour la recherche sur les tumeurs cérébrales.
Son meilleur ami, Jérémie Fortin Groulx, est dans le coup, il va sans dire, ainsi que quelques autres proches des deux complices qui semblent tout aussi déterminés à relever le défi.
Nous sommes en 2008, voilà presque quatre ans que Simon Bergeron semble avoir eu le meilleur sur son ennemi invisible, comme tendent à le démontrer les tests et le suivi médical.
Pendant ce temps, le projet d’escalade va bon train et les entraînements sont de plus en plus sérieux.
On en arrive à un jour important, celui de la première ascension préparatoire, et le destin fait en sorte que Simon est à nouveau victime d’une crise d’épilepsie.
Sournois, le cancer est revenu et comme le dit si bien son père: «Le sommet devient alors inaccessible pour lui, malgré une volonté de fer et un valeureux combat.»
Simon Bergeron décède le 11 novembre 2009 à l’âge de 27 ans sans avoir pu concrétiser son dernier rêve.
Le projet continue
Simon étant parti de façon si inattendue, il faut du temps à tous ses proches pour guérir la douleur, on le comprendra.
En 2012, le projet de l’Aconcagua refait surface avec Jérémie comme chef d’équipe.
Ce dernier fait appel à Élizabeth Coutu, amour de jeunesse de Simon devenue une grande complice, à Geneviève, à David, à Tom et à Julien, d’autres amis, pour reprendre le défi sous le nom de projet AC13.
Non seulement, on escaladera le Colosse, l’un des sept sommets de l’Aconcagua, mais avec l’accord de la famille, on amènera là-haut une partie des cendres de Simon Bergeron pour qu’il y réalise son rêve…d’une autre façon.
L’autre volet du projet initial n’est pas oublié non plus, les six amis du Bonconseillois se donnent comme objectif d’amasser 10 000 $ pour aider le Dr David Fortin et l’équipe de recherche en neurologie du Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke
Neurochirurgien et neuro-oncologue, le Dr Fortin est le seul médecin au Canada à maîtriser ses deux spécialités et beaucoup d’espoirs reposent dans son travail et ses recherches.
Après des mois et des mois d’entraînement et de préparatifs, le début de l’année 2013 est le moment choisi par l’équipe pour se rendre en Argentine pour s’attaquer à ce sommet qui, pour en donner une meilleure idée, à un dénivelé sept fois supérieur à celui du Mont Tremblant.
Les autres grands adversaires qui attendent les membres de l’équipe du projet AC 2013 sont, entre autres, les rafales de vent et le manque d’oxygène.
Chose certaine, tous sont bien conscients que cette ascension faite sciemment sans guides et sans porteurs comporte son lot de dangers, si bien que l’on s’entend d’emblée que, malgré la grande volonté de chacun, personne ne mettra sa vie en jeu en cas d’intempéries ou d’imprévus.
De fait, après avoir atteint le camp deux situé à 5850 mètres d’attitude, l’étape juste avant l’objectif ultime et à moins de 1000 mètres sous la pointe, une tempête de neige se manifeste et empêche le groupe de franchir la dernière étape conduisant au sommet sans que cela ne devienne risqué.
Malgré tout, Jérémie et Élizabeth ont l’opportunité de se rendre plus haut et réussissent à atteindre les 6150 mètres.
C’est là, au-dessus des nuages, que repose depuis, bien à l’abri, une partie de Simon Bergeron, comme il l’aurait sans doute souhaité.
Pour René Bergeron et France Sylvestre, les parents de Simon, les jeunes de l’expédition AC 2013 peuvent dire fièrement "mission accomplie".
«Quelle motivation et quel dévouement ont manifestés ces jeunes adultes qui ont des vies bien remplies en consacrant un an pour s’entraîner afin de réaliser ce projet, laissant de côté amis, travail et famille. Nous avons beaucoup de respect pour eux, nous les remercions profondément et sommes chanceux de les côtoyer encore. Nous ne pouvons qu’espérer que là où il est, Simon pourra reposer éternellement en paix», témoignent René et France, heureux également de nous apprendre que l’objectif financier de 10 000 $ a été atteint et dépassé.