Seulement deux photographes québécois ont reçu la permission de s’approcher des valeureux pompiers qui se sont démenés corps et âme à éteindre le brasier meurtrier de Lac-Mégantic. Le Drummondvillois Éric Beaupré y était. Il a immortalisé l’innommable…
"En une heure, Denis Lauzon, directeur du Service de sécurité incendie, a reçu plusieurs dizaines de demandes d’accès provenant de photographes de partout. Humblement, je pense que les intervenants de première ligne savent de quelle façon je travaille. Je m’exécute en respectant tous et chacun. Ceci dit, j’ai passé dix heures, samedi, à faire des photographies. Aujourd’hui, je peux te dire que je commence à aller un peu mieux. Ce que j’ai vu, c’était complètement surréaliste. À un moment donné, on manque de mots…", partage le photographe spécialisé en couvertures incendies.
Vêtu d’un équipement de pompier et accompagné de sapeurs du Service de sécurité incendie de Nantes, Éric Beaupré a été frappé de stupeur en voyant l’étendue des dégâts, une scène d’une infinie tristesse.
"Il y avait des véhicules incendiés partout, des bâtiments en cendre, de la ferraille tordue… les briques étaient brûlantes et l’air, difficilement respirable, poursuit-il. J’ai pu aller à proximité du Musi-Café. Tout était en cendre. Les gens qui s’y trouvaient n’auront probablement pas eu le temps de réagir ni même de souffrir. Ils se trouvaient au cœur de la déflagration. J’ai vu l’enfer et j’ai été témoin d’une catastrophe sans nom. Les Méganticois ont été victimes d’une chaîne d’événements inhabituels".
Circulant tant bien que mal dans la zone sinistrée, Éric Beaupré a réussi à prendre plus de 400 clichés, lesquels serviront sans doute à la poursuite de l’enquête.
Parmi les scènes qui l’ont marqué et laissé incrédule, il y a ce moment où le Lac Mégantic s’est carrément enflammé.
"À cause du déversement de pétrole dans les égouts, une portion du Lac Mégantic, près du barrage, a pris en feu. C’était vraiment impressionnant. Imaginez : les pompiers ont dû arroser le lac", a mis en perspective le photographe.
Aujourd’hui, si les Québécois se posent des questions sur les causes de cette terrible tragédie, Éric Beaupré, de son côté, est d’avis que des semaines voire des mois seront nécessaires avant d’obtenir des certitudes.
Puis, concernant les disparus, le photographe a clairement fait savoir qu’il ne souhaite pas s’aventurer sur cette avenue.
"Comme l’ensemble des intervenants, j’ai pu constater certaines choses, mais je ne veux pas en parler. Je ne veux pas nuire à l’enquête, qui s’annonce déjà tellement difficile", conclut-il.
Le photographe Éric Beaupré a reçu, en 2012, un certificat méritoire de la Sûreté du Québec pour sa bonne collaboration.