Le chocolat vendu dans certains commerces, dans un présentoir vert ou rouge, au profit de la Fondation d’Aide aux Handicapés du Québec, dérange plusieurs organismes liés aux personnes handicapées qui dénoncent cette activité commerciale déguisée en campagne de levée de fonds.
Ce n’est pas d’hier que la vente de barres de chocolat sert à recueillir des fonds pour les oeuvres de charité. Mais encore faut-il, comme le souligne Daniel Mailhot, directeur de l’Association des personnes handicapées de Drummond, que l’argent récolté soit utilisé à cette fin.
«Dans le cas du chocolat vendu par l’entreprise Chocolat Unik, où il est bien affiché sur le présentoir promotionnel que la Fondation d’Aide aux Handicapés du Québec en est le bénéficiaire, ce n’est pas tout à fait ça, car seulement une part de 5 % du prix de 2 $ est retournée à cette fondation. À mon avis, c’est faire de l’argent sur notre dos», affirme-t-il, avec l’appui du Regroupement d’organismes de personnes handicapées du Centre-du-Québec.
Sylvain Daneau est propriétaire de Chocolat Unik et il est assez troublant de constater qu’il est aussi co-fondateur et actuel vice-président de la Fondation d’Aide aux Handicapés du Québec. Il reconnaît qu’en tant que vendeur de chocolat il réalise une activité commerciale, mais qu’une partie des profits est bel et bien versée à la fondation. «C’est sûr que vous ne faites pas un don à la fondation lorsque vous achetez ce chocolat», a-t-il admis dans un entretien téléphonique avec L’Express. «Sur chaque barre de chocolat vendue, il y a environ 10 cents qui vont à la fondation, laquelle aide des personnes handicapées en leur remettant des appareils et des équipements adaptés ou en leur accordant un petit montant pour les aider à en acheter».
Là où M. Daneau n’aide pas sa cause, c’est qu’il a embauché Glenn Baker, l’un des frères Baker accusés, par la Gendarmerie royale du Canada, de faillite frauduleuse dans une affaire de distribution de chocolat promotionnel. Michael Baker, 67 ans, de Longueuil, Glenn Baker, 38 ans, de St-Léonard, Stephen Baker, 45 ans, de Longueuil et Claude Bossé, 46 ans, de St-Hubert, auraient, selon la GRC, falsifié les états financiers de leur compagnie en les gonflant, pour ensuite présenter des demandes de financement. Sur la base de fausses déclarations, ces derniers auraient alors obtenu des prêts plus élevés. La cause est reportée devant la justice au 7 février prochain.
«Je n’ai pas à répondre des actes qu’un de mes employés aurait commis avant d’être avec moi, soutient M. Daneau. S’ils sont trouvés coupables, ils iront en prison. Il est certain que cette affaire, dévoilée dans La Presse durant la période des Fêtes, m’a fait mal».
Sur le site web de la Fondation d’Aide aux Handicapés du Québec, on invite les personnes ayant besoin d’équipement et de matériel médical à faire parvenir leur demande par téléphone ou par courriel. Il n’y a pas de liste d’attente, précise M. Daneau. On suggère aussi aux personnes ayant en leur possession un fauteuil roulant ou tout autre bien d’équipement médical ne leur étant plus utile d’en faire don à la fondation.
Toujours sur ce site, chaque aide est mentionnée. En 2012, une seule personne à Drummondville a bénéficié d’un don de la fondation; Marie-Paule Bouthillier a en effet confirmé avoir reçu un montant de 150 $ pour l’aider à acquérir un appareil auditif. «Ça m’a aidé, car l’appareil était dispendieux», a-t-elle dit.
Le présentoir de Chocolat Unik se retrouve dans certains commerces à Drummondville. L’argent y est récolté une fois par mois. C’est le cas notamment au Buffet Chinois où le personnel n’a pas à gérer la vente de la marchandise. «Si des gens prennent une barre de chocolat et ne mettent pas 2$ dans l’enveloppe, on ne courra pas après», de faire remarquer Nathalie Gaucher.
À l’Office des Personnes handicapées du Québec (OPHQ), dont le siège social est à Drummondville, le dossier est suivi de près depuis plusieurs années et, selon Michael Watkins, l’OHPQ ne cautionne pas la Fondation d’Aide aux Handicapés du Québec.
À la Corporation du développement communautaire, le directeur général Sylvain Saint-Onge n’est pas dupe. «Nous sommes au courant de cette histoire et nous ne pouvons pas faire grand-chose. La Ville ne peut empêcher la vente de ce chocolat. Il faut donc avertir les gens qu’il est de beaucoup préférable de donner directement à un organisme de charité quand on veut faire un don. Le problème dans le cas présent, c’est que ça crée une ambiguïté; on pense que tout l’argent va à une fondation alors que c’est une infirme partie».