L’avenir du prestigieux Club de golf de Drummondville, fondé en 1924, va se jouer le soir du 4 juin lors de l’assemblée générale spéciale des actionnaires.
Les décisions qui seront à prendre détermineront la voie à suivre pour les administrateurs: soit conserver le terrain de golf tel qu’il est, en apportant des changements de statuts nécessaires à la sauvegarde de son titre d’organisme à but non lucratif (OSBL), soit carrément le vendre.
Dans une lettre envoyée aux actionnaires dont L’Express a obtenu copie, le président du conseil d’administration, Roland Goulet, explique que deux événements ont changé la réalité administrative. D’abord, le Club a appris qu’il était sous analyse de la part de l’Autorité des marchés financiers (AMF), la raison étant que l’organisme compte plus de 50 actionnaires (1200 environ) et que, de ce fait, le CA doit produire des prospectus pour la vente des actions et des rapports trimestriels. «Étant un OSBL, nous pouvons être exemptés de ces obligations, mais il faut demander une dispense et c’est ce que nous avons fait», a indiqué M. Goulet qui a accepté de nous rencontrer. La réponse de l’AMF reste à venir.
L’autre événement est plus important. L’Agence de revenu du Canada (ARC), qui a vérifié la constitution ainsi que les exercices financiers du Club de 2009 et 2010, a exigé, en avril 2011, que le Club modifie sa constitution sous deux chapitres. Le Club doit, d’une part, mettre fin au régime qui fait que les actions privilégiées donnent droit à des dividendes cumulatifs, et, d’autre part, inclure une clause concernant la distribution des biens s’il y a dissolution de l’organisation.
Et donc, pour se conformer à la Loi sur le revenu et conserver son exemption d’impôt que lui vaut son titre d’OSBL, le Club doit apporter deux modifications à ses statuts: «retirer le droit de recevoir des dividendes sur les actions privilégiées et, en cas de liquidation, fusion ou dissolution, transférer tous les biens ou revenus accumulés à une organisation ayant des objectifs similaires». C’est précisément sur ces deux points que les actionnaires présents lundi devront se pencher. Une majorité des deux tiers des votants présents sera nécessaire pour entériner ces deux modifications.
«Si ces changements à nos statuts ne sont pas approuvés, nous perdrons notre statut d’OSBL. Cela veut dire que nous aurons à payer des impôts. Et la faillite nous guettera car les factures de l’ARC vont rentrer. L’impact fiscal serait majeur; en devenant un club privé, on pourrait au bout du compte devoir une somme d’un million $», affirme M. Goulet. En plus, le Club, qui a un statut particulier avec la Ville de Drummondville au niveau de la taxation, perdrait non seulement ce privilège mais se verrait taxer rétroactivement pour un coût estimé à un million $.
Sinon, c’est la vente
«Autrement dit, si le Club perd son titre d’OSBL, la vente s’inscrirait dans la suite logique des choses. Remarquez que cela ne déplairait pas aux actionnaires non-membres, majoritaires à 75 % de l’actionnariat, qui croient que leurs actions valent de l’or. Un promoteur pourrait éventuellement être intéressé à construire un développement domiciliaire, à condition bien sûr d’obtenir du conseil municipal un changement de zonage (actuellement «communautaire récréatif extensif»), ce qui j’en conviens est loin d’être chose faite. Il y a peu de chances que le zonage soit modifié, d’autant plus que l’accord des voisins limitrophes est nécessaire via référendum. Sans compter que, selon Hydro-Québec, le terrain est considéré comme inondable sur une large partie».
En conclusion, le conseil d’administration du Club de golf de Drummondville ne voit rien de bon dans le rejet des propositions qui seront sur la table lundi. «Cela pourrait occasionner une faillite, la valeur des actions deviendra nulle, et on peut se questionner sur qui pourrait être acheteur d’un Club qui a une hypothèque d’un million $ à la Caisse Desjardins, une facture d’un million $ avec l’ARC, une autre avec la Ville, un règlement de zonage restrictif et une servitude d’inondation?».
Cependant, une toute autre question risque de surgir de la part des actionnaires non-membres: combien vaut ce terrain de golf, réputé l’un des plus beaux au Québec, situé tout près de l’autoroute 20, sur le bord de la rivière Saint-François?