C’est à l’automne 1871 que la compagnie de chemin de fer Richelieu, Drummond and Arthabaska Counties Railway (RD&AC) termine la construction d’une voie reliant Sorel à Drummondville, puis un prolongement jusqu’à L’Avenir communément appelé la «petite ligne».
L’ingéniosité du projet repose sur l’utilisation de lisses en bois d’érable plutôt que des rails en fer. Longues de 4,5 m, les lisses de bois reposent sur des traverses plus épaisses et plus larges que celles que l’on voit aujourd’hui. Sur la surface de chaque traverse, deux entailles sont pratiquées pour y incruster les rails. Cependant, comme les lisses de bois ne peuvent pas plier ni être courbées, les descentes, les montées et les courbes de la voie doivent être réduites au minimum.
Un journaliste de L’Opinion publique, présent lors du voyage inaugural, raconte ainsi son expérience : «Nous pouvons dire que ce système de lisses en bois nous a paru fonctionner admirablement. Nous avons parcouru quelques milles à raison de 30 milles à l’heure. […] Le roulage y est bien plus doux que sur des charrières en fer, il n’y a presque point de secousses et que peu de bruit».
Les inconvénients du bois
La vulnérabilité des lisses de bois ne tarde pas à se faire sentir. En plus de s’user rapidement, elles se tordent et s’écrasent irrémédiablement. Ajouté à cela le surplace des convois ainsi décrit par le docteur L.-W. Joyal d’Yamaska : «[…] du moment qu’il pleuvait, qu’il y avait de la rosée, ou une gelée blanche sur les lisses, les roues des engins glissaient sur place et le train restait stationnaire».
Pour remettre le convoi en marche, selon le témoin Joyal, « il fallait faire vapeur arrière, reculer un bout, puis lancer le char, en avant, à toute vitesse, pour pouvoir avancer un nouveau bout, et recommencer cette manœuvre indéfiniment ».
Des lisses de bois aux rails de fer
À l’automne de 1872, le RD&AC passe aux mains de nouveaux financiers et prend le nom de South Eastern Railway (SER). Le remplacement des lisses de bois par des rails de fer achetés en Angleterre s’amorce dès septembre 1875 ; ils sont déposés sur des traverses neuves.
Mais le SER souffre d’un déficit chronique d’exploitation; il est soumis aux fluctuations de marché du bois et du foin, sans pouvoir compter sur la production industrielle d’une ville d’importance. Les services demeurent donc rudimentaires, l’horaire irrégulier, l’entretien insuffisant. On retire définitivement les rails en 1894.